terrorisme
Question de :
M. Jean-Louis Debré
Eure (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 10 octobre 2001
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Debré, pour le groupe du Rassemblement pour la République.
M. Jean-Louis Debré. Monsieur le Premier ministre, dans la lutte contre le terrorisme international, le Président de la République et le Gouvernement ont clairement marqué la solidarité de la France avec les Etats-Unis, et cela dès le 11 septembre.
Nous approuvons l'intervention qui se déroule actuellement. Elle a pour but d'anéantir les infrastructures qui soutiennent l'action de certains réseaux terroristes. Nous ne livrons pas la guerre à un peuple, ni à une nation, ni, naturellement à une religion. Nous cherchons simplement à détruire et à démanteler les bases logistiques d'un réseau terroriste criminel.
Nous sommes donc, monsieur le Premier ministre, d'accord sur cette réaction. Elle était nécessaire, elle est légitime et elle est ciblée. Il est donc important aujourd'hui que vous nous précisiez quel est le rôle réel de la France sur le plan militaire, si ce rôle doit évoluer dans un futur proche et si oui, dans quel sens.
Il est également important que vous fassiez le point sur les dispositions que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour assurer en France une lutte plus efficace contre le terrorisme. Pensez-vous que les mesures que vous avez envisagées sont suffisantes ? N'envisagez-vous pas d'en prendre d'autres ?
Monsieur le Premier ministre, voilà les deux questions que je souhaitais vous poser au nom de l'ensemble de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, un mois après le 11 septembre, la réplique des Etats-Unis est venue. Des frappes ont eu lieu en Afghanistan sur des objectifs militaires ou de pouvoir du système des talibans. Sauf à exclure toute réponse de type militaire et à se contenter d'une action judiciaire, policière, de renseignement, financière - action nécessaire et dans laquelle la France est engagée -, si l'on veut frapper le terrorisme, il est logique de le faire là où est son premier sanctuaire, en Afghanistan, même si nous savons par ailleurs que les réseaux du terrorisme sont, eux aussi, mondialisés.
Dimanche, la France, par la bouche du Président de la République, a rappelé sa solidarité avec les Etats-Unis dans cet engagement. Notre pays n'a pas participé à ces frappes. Jusqu'à aujourd'hui, notre engagement est resté celui que je vous avais indiqué mercredi dernier : un soutien logistique, une action utile de renseignement et des autorisations de survoler et de se poser.
Depuis mes déclarations, les dispositifs de soutien à l'opération engagée ont été soit complètement déployés, soit renforcés s'agissant, par exemple, de l'accès à nos ports ou de la coopération navale. D'autres types de renforts sont actuellement à l'étude. Ils pourraient concerner des forces aériennes et d'autres unités d'intervention pour des actions ponctuelles. C'est dans cette perspective qu'une équipe militaire de liaison a rejoint ce matin l'état-major du commandement américain de l'opération à Tampa. Cela nous permettra d'être correctement informés.
Si, dans ce cadre, des décisions devaient être prises, le Parlement serait informé et consulté. Le Gouvernement entend en effet l'informer de façon complète et régulière, par respect des institutions et de la représentation nationale, dans le souci d'associer aussi bien l'opposition que la majorité à la définition de la position de la France.(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Pour que cette consultation soit réelle, il faut qu'elle porte sur des engagements précis de notre pays. A chaque étape, nous le ferons.
J'appelle votre attention sur le fait que la lutte engagée contre le terrorisme, y compris dans sa dimension militaire, ne prendra pas la forme qu'elle avait prise pendant la guerre du Golfe ni même pendant le conflit du Kosovo, celle, pour nous aussi, d'un engagement global dans un conflit global.
Les formes de cette lutte, dans la durée, seront diverses, tout comme la nature de notre engagement et la forme de celui-ci, en fonction de ce qui nous sera demandé et de ce que nous accepterons. Et les formes de votre information devront être, elles aussi, diverses : réunions avec vos commissions spécialisées, comme ce fut le cas ce matin avec deux ministres, réunions avec les présidents de groupes parlementaires et les présidents de commissions ; réunion du Parlement en séance plénière si cela est nécessaire. Mon intention est de veiller que cela soit fait en temps réel.
Des rencontres régulières avec vos présidents de commissions et vos présidents de groupes parlementaires, avec les ministres concernés et avec moi-même seraient sans doute tout à fait adaptées à une bonne information. Je suis prêt à tenir la première de ces réunions dès demain, mercredi, si vous le souhaitez.
Nos engagements éventuels dépendent de décisions qui seront préparées en comité restreint sous ma présidence et qui seront décidées sous la présidence du Président de la République en conseil restreint, avec la participation des ministres concernés et de moi-même.
Les principes qui guideront notre action, celle du Gouvernement et celle des autorités publiques françaises, resteront les suivants : solidarité avec nos amis et alliés américains dont la situation de légitime défense a été établie par le conseil de sécurité des Nations unies ; lutte déterminée contre le terrorisme, refus d'entrer dans un conflit contre le monde arabo-musulman ou de mener une guerre, comme vous l'avez dit, monsieur le président, contre quiconque, sauf peut-être sans doute contre le terrorisme...
M. Jean-Louis Debré. Tout de même !
M. le Premier ministre. Monsieur, mon « peut être » vaut pour le mot « guerre » dont je ne sais s'il est adapté et non pas, bien sûr, pour l'ennemi qui, lui, est clairement identifié.
Ensuite, proportionnalité des moyens employés avec les buts recherchés ; volonté d'épargner les populations civiles et, en l'espèce, aujourd'hui, les populations afghanes. La France prendra toute sa part dans l'aide humanitaire nécessaire à ce pays. Elle participera à la recherche d'une solution politique permettant aux Afghans de vivre ensemble en indépendance - et elle a fait de premières propositions en ce sens. A chaque étape, notre pays décidera souverainement de son engagement. A chaque étape, vous serez associés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Jean-Louis Debré
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 octobre 2001