Afghanistan
Question de :
M. François Goulard
Morbihan (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 10 octobre 2001
M. le président. La parole est à M. François Goulard, pour le groupe DL.
M. François Goulard. Monsieur le Premier ministre, les déclarations que viennent de faire, à l'instant, des membres de votre majorité, appellent impérativement, et de façon urgente, une clarification de votre part. Le combat contre le terrorisme international dans lequel notre pays est engagé aux côtés de ses alliés, exige de chacun d'entre nous, quelles que soient ses responsabilités, quelle que soit son appartenance politique, une détermination totale. Notre résolution doit être entière.
Or, depuis le déclenchement des frappes par les forces alliées, dimanche, certains membres de votre majorité ont fait entendre des voix discordantes (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste), à l'instar du président du groupe communiste, qui s'est exprimé il y a quelques instants. M. Robert Hue, dirigeant du Parti communiste, a exprimé son inquiétude sur la situation créée par les bombardements en Afghanistan. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe communiste.) Le porte-parole des Verts, notre collègue M. Mamère, a, quant à lui, dénoncé un « acte de guerre contre le peuple afghan ». Au sein même de votre gouvernement (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste), Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, a mis en garde contre un risque d'engrenage. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Georges Hage. Bravo, Marie-George !
M. François Goulard. Dans une situation de crise internationale comme celle que nous connaissons, de telles déclarations ne peuvent rester sans réponse de votre part. Il n'est pas pensable que, dans la majorité parlementaire dont se réclame votre gouvernement, des voix aussi critiques s'expriment sur des sujets aussi graves. Il n'est pas pensable qu'un de vos ministres laisse planer un doute sur l'indispensable et complète solidarité qui doit régner, en de pareilles circonstances, au sein d'un gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Patrice Carvalho. Va-t-en guerre !
M. le président. Voulez-vous conclure, monsieur Goulard ?
M. François Goulard. Monsieur le Premier ministre, dans une démocratie parlementaire, il y a un moyen, et un seul, d'amener chacun à prendre ses responsabilités et à sortir d'une insupportable ambiguïté (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) :...
M. le président. Concluez maintenant !
M. François Goulard. ... ce n'est pas d'informer le Parlement ; ce n'est pas de l'associer à vos décisions ; c'est de le consulter, c'est de le faire voter. Y êtes-vous prêt, maintenant ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, il est toujours intéressant, dans les moments où nous devons affronter des situations complexes, d'entendre des points de vue nuancés. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) A l'évidence, cela aide à la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Tous les membres de la majorité que j'ai entendus, quelles que soient leurs responsabilités, essentiellement parmi les parlementaires et dans les formations politiques, ou éventuellement au Gouvernement, ont exprimé en commun des points de vue que vous partagez aussi, me semble-t-il : la solidarité avec nos alliés américains frappés de façon indigne et terrifiante au coeur même de leur pays ; la condamnation totale du terrorisme ; la détermination absolue à lutter contre lui par tous les moyens, qui ne sont pas que militaires, ce qui supposera une volonté durable. Et enfin, ce qui est scandaleux dans une démocratie, choquant pour des esprits libres, inhabituel dans l'instance même du débat qu'est le Parlement, certains ont osé formuler des interrogations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Eh bien, je veux vous dire, monsieur le député, que je n'ai pas la même conception que vous ni du Parlement ni du débat.
M. Claude Goasguen. C'est sûr !
Mme Odette Grzegrzulka. Heureusement !
M. le Premier ministre. Je vous rappelle qu'au moment de la guerre du Golfe, c'est par deux voix seulement de majorité que le Sénat américain a voté en faveur de l'engagement des Etats-Unis.
M. Claude Goasguen. Et alors ?
M. François Goulard. Cela n'a rien à voir !
M. le Premier ministre. Par conséquent, le débat avait lieu aussi dans cette instance parlementaire.
Je vous le dis de la façon la plus nette, si la situation devait conduire à nous entraîner, contre notre volonté, dans un engrenage que nous ne jugerions pas souhaitable, pour ce qui me concerne, je ne me prêterais pas à cet engrenage. Sachez-le très clairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Sachez aussi ce qu'il en est de l'opinion de notre pays. Nos concitoyens, partageant le même sentiment d'horreur, le même sentiment de condamnation, le même sentiment de solidarité avec les Etats-Unis, formulent eux aussi, si vous savez les écouter, des interrogations qui ne sont pas illégitimes.
Fort des principes que j'ai rappelés - la clarté des positions de la France s'affirmant par le débat et la prise de décision par les autorités légitimes, le Président de la République et le Gouvernement -, je préfère de beaucoup un peuple et des députés qui avancent les yeux ouverts que les yeux fermés. (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Georges Hage. La métaphore est facile !
Auteur : M. François Goulard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 octobre 2001