football
Question de :
M. Charles Ehrmann
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 11 octobre 2001
M. le président. Pour le groupe DL, la parole est à M. Charles Ehrmann.
M. Charles Ehrmann. Ma question concerne également le match de football France-Algérie de samedi dernier, dont mon collègue Leonetti a déjà parlé. Je me permets, en tant que doyen de l'Assemblée nationale, de donner mon opinion.
Je suis l'un des derniers témoins de la politique française depuis soixante-quinze ans. J'ai été élevé en grande partie, dans l'Est de la France, au contact d'étrangers : Italiens en majorité, Polonais et autres. En moins d'une génération, ceux-ci s'intégraient très bien, avec des droits et des devoirs. Certains, ainsi que leurs descendants, ont joué et jouent un rôle important dans la vie politique, économique et intellectuelle de notre pays, n'est-ce pas, monsieur Forni ?
A l'école, à l'université, mes professeurs m'ont appris que la France avait intégré 15 millions d'étrangers soucieux de leurs devoirs et qu'elle était restée une et indivisible, comme elle le restera, si nous le voulons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Moi aussi, j'ai vu, lors du match, des milliers de spectateurs siffler La Marseillaise. J'en ai pleuré ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Allons ! Si vous aviez mon âge, vous sauriez ce qu'est la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) J'en ai vu lancer des bouteilles en plastique sur des ministres, obligeant sa garde rapprochée à entourer le Premier ministre, et provoquer l'interruption du match en envahissant le terrain.
Je dis stop ! On ne peut pas continuer avec des paroles angéliques. Ceux qui, comme moi, ont des milliers d'HLM dans leur circonscription savent ce que je veux dire.
Vous n'avez pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et le bon déroulement du match, dont on connaissait la valeur symbolique et dont on savait qu'il était à haut risque.
Quelles mesures allez-vous prendre pour rassurer les Français ?
Pensez-vous normal que l'hymne national, qui a fait le tour du monde, soit sifflé sans provoquer aucune réaction du Premier ministre et des membres du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Pourquoi n'ont-ils pas quitté le stade, alors que des millions de Français - mon père est mort en septembre 1914 - sont morts en le chantant ? (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Pensez-vous normal que le système de sécurité n'ait pas été renforcé ?
Si l'on apprenait davantage La Marseillaise à l'école, peut-être que les applaudissements auraient couvert les sifflets !
Ne pensez-vous pas qu'il y a de quoi être inquiet ? Vous prétendez protéger la France par des mesures de sécurité draconiennes - le plan Vigipirate -, mais vous êtes incapables d'empêcher qu'on envahisse un terrain de football ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Enfin, quelles mesures entendez-vous prendre pour redonner aux jeunes Français, quelle que soit leur origine, le sens de l'honneur et la fierté d'être Français ? C'est un doyen de l'Assemblée dont le nom, d'origine alsacienne, signifie « homme d'honneur » en français, qui vous le demande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la république et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le député, je comprends votre émotion : j'ai éprouvé moi-même, en direct, une terrible tristesse.
M. Thierry Mariani. Mais vous n'avez pas réagi !
Mme la ministre de la jeunesse et des sports. Si, j'ai réagi, je suis même descendue dans le stade. Comme l'a dit très bien le joueur Lilian Thuram, nous devons essayer de comprendre pourquoi cette foule de jeunes...
M. Yves Fromion. Dépêchez-vous de comprendre !
Mme la ministre de la jeunesse et des sports. M. Ehrmann a évoqué un sujet grave : essayez d'écouter ma réponse comme vous avez écouté la question.
Depuis des années, ces jeunes attendaient ce match dans la joie. C'était un match porteur d'une grande symbolique, vous l'avez dit, monsieur le doyen : celle d'une coopération retrouvée entre deux peuples qui ont une longue histoire, souvent tourmentée. Depuis son annonce, les billets étaient vendus. Alors, pourquoi ces jeunes ont-ils éprouvé le besoin d'affirmer leur identité en sifflant un moment La Marseillaise ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Du calme, mes chers collègues !
Mme la ministre de la jeunesse et des sports. Il faut essayer d'aller à leur rencontre et de discuter avec eux. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Monsieur Ehrmann, vous avez posé une deuxième question, celle de la sécurité. Ce match n'a été suivi d'aucune violence, contrairement à d'autres.
M. Jean-Michel Ferrand. Démissionnez !
Mme la ministre de la jeunesse et des sports. Grâce aux forces de sécurité déployées à l'entrée et autour du stade, il n'y a eu aucun incident, seulement dix-sept interpellations. Le problème, à l'intérieur du stade, a été que les stadiers ont été incapables d'empêcher l'envahissement de la pelouse. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je crois que c'est une question de nombre et de formation. (Huées sur les mêmes bancs.) Vous empêchez M. Ehrmann d'entendre la réponse, mesdames, messieurs de l'opposition !
Une réunion aura lieu prochainement avec tous les acteurs concernés - la Fédération française de football, le consortium de gestion - pour essayer de résoudre ce problème.
Je répète que, lorsque les jeunes ont envahi la pelouse, il n'y a eu aucun geste de violence. Le vrai problème concerne donc les stadiers. (Exclamations sur les mêmes bancs.) J'aimerais bien, mesdames, messieurs de l'opposition, que, lorsqu'il se produit des violences à l'occasion de certains matchs, vous ayez la même réaction, et que vous ne réagissiez pas seulement parce qu'il s'agit de l'Algérie ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Michel Ferrand. Démissionnez !
M. Thierry Mariani. Ça ne s'est jamais passé ainsi !
Mme la ministre de la jeunesse et des sports. Permettez-moi de rappeler ce que disait avant-hier Hassiba Boulmerka, championne olympique algérienne : « Cela a été un plaisir pour moi d'assister à la rencontre de football France-Algérie, qui, malheureusement, ne s'est pas terminée sportivement, mais cela signifie peut-être que le lien entre nos deux pays demeure infini. » (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Charles Ehrmann
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sports
Ministère interrogé : jeunesse et sports
Ministère répondant : jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 octobre 2001