croissance
Question de :
M. Jean-Jacques Jégou
Val-de-Marne (4e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 11 octobre 2001
M. le président. Pour le groupe VDF, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et permettra, sans télévision et dans une certaine intimité, un échange intéressant.
Monsieur le ministre, depuis les événements survenus au mois de septembre, vous nous parlez de patriotisme économique afin que, tous ensemble, nous fassions front devant les difficultés présentes et à venir. Le groupe UDF pourrait adhérer à une telle démarche, à condition qu'elle s'appuie sur un comportement transparent et sincère. Malheureusement, quant à la forme, il n'y a pas vraiment eu de concertation avec les acteurs économiques et sociaux, pas plus qu'avec les parlementaires de l'opposition, et je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu beaucoup avec les parlementaires de la majorité plurielle.
Quant au fond, si vous voulez notre adhésion sur le principe de patriotisme, vous nous devez la vérité. Or vous nous avez annoncé une loi de finances avec un taux de croissance de 2,5 %, que vous avez abaissé à 2,25 %, ce qui est malheureusement encore bien trop élevé compte tenu des réalités.
Les dépenses filent, bien au-delà des prévisions du pacte de stabilité et de croissance. Le coût exorbitant des 35 heures apparaît aujourd'hui contraire à l'intérêt de notre économie, dans un contexte de concurrence mondialisée. En clair, et vous le savez comme nous, vous ne pourrez pas exécuter le budget que vous nous présentez. D'ailleurs, si votre majorité était un tant soit peu vigilante, elle ne le voterait pas.
Aussi, conscient des responsabilités auxquelles nous avons à faire face ensemble, dans cette période plus que troublée, je vous demande ce que vous comptez proposer, d'ici à la discussion budgétaire de la semaine prochaine, pour rétablir un budget sincère et cohérent, afin qu'ensemble nous puissions mettre en oeuvre ce patriotisme économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Effectivement, nous sommes entre nous (Sourires) et cela a d'ailleurs une incidence sur nos travaux : j'ai trouvé cette séance particulièrement paisible !
Monsieur Jégou, nous parlerons longuement avec vos collègues et Mme Parly de votre question, la semaine prochaine, puisque nous commencerons d'examiner le projet de budget en séance publique.
Quant à la concertation, bien évidemment, elle a lieu dans les formes qui sont celles de notre démocratie. Nos comptes, vous les connaissez et vous pouvez les critiquer. Nous essayons de nous rapprocher le plus possible de ce qui est le plus probable. Mais ce n'est pas facile - cela ne l'a jamais été -, surtout en cette période. La difficulté, et je suis sûr que vous y êtes sensible, est que la situation économique de l'année prochaine dépend largement de facteurs non économiques : le coefficient d'incertitude est considérable.
Lorsque, juste après le 11 septembre, j'ai présenté avec Mme Parly le budget devant votre commission des finances, l'une de vos critiques a porté sur l'hypothèse que nous avions retenue pour le prix du baril de pétrole : 23 dollars. Vous estimiez que, compte tenu des attentats, il allait flamber à 30, voire 40 dollars. Or, aujourd'hui, il n'atteint même pas 23 dollars et, depuis un mois, il a perdu 20 % de sa valeur ; cela tient à des raisons qui ne sont pas strictement économiques, liées à la nature de la réplique.
Nous allons essayer de proposer ce qui est le plus positif pour l'économie française, comme vous le feriez sans doute si vous étiez à notre place, car il n'y a pas d'un côté ceux qui veulent le développement de l'économie française et, de l'autre, ceux qui ne le voudraient pas. Nous le voulons tous. Et, à partir des hypothèses et des moyens qui sont les nôtres, en tenant compte de ce que font les autres, en particulier nos partenaires européens, nous faisons en effet appel au patriotisme économique, expression lancée, je crois, par M. Ayrault et très largement reprise.
Les incertitudes sont très grandes, encore plus grandes que d'habitude, mais nous avons les moyens d'y faire face si nous ne nous laissons pas impressionner par les terroristes, ce qu'ils voudraient.
En France, la consommation, pour le moment, est bonne (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), même si je ne prétends pas que cela va durer. C'est dire que les Français, en dépit des risques, et grâce aux décisions prises pour améliorer le pouvoir d'achat, en particulier les baisses d'impôt, continuent de consommer.
Pour ce qui concerne les investissements, la situation est plus inquiétante. Certains chefs d'entreprise, et on peut les comprendre, sont tentés de reporter leurs projets. Il faut examiner les moyens de réagir.
Quant à nous, responsables, Gouvernement, majorité ou opposition, nous devons faire passer un message affichant non seulement notre lucidité, par l'honnêteté des chiffres, mais aussi notre volonté. De technique, nous pourrons longuement parler entre nous. Mais ce dont la France a besoin, c'est que les responsables affirment leur volonté économique et politique. Cette volonté, elle est là au sein du Gouvernement, bien présente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Jean-Jacques Jégou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 octobre 2001