Afghanistan
Question de :
M. Jean-Michel Boucheron
Ille-et-Vilaine (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 2001
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le fanatisme islamique, comme le fascisme, puise ses forces dans la pauvreté et le sentiment d'humiliation. En Europe, la crise de 1929 et le traité de Versailles ont créé les conditions de l'émergence du fascisme. De la même manière, la pauvreté dans laquelle sont laissées les populations de certains pays musulmans, le sentiment de subir depuis longtemps des injustices répétées de la part du monde occidental, et spécialement de l'Amérique, alimentent un désir de vengeance que cristallise M. Ben Laden.
M. Laurent Dominati. C'est scandaleux !
M. Jean-Michel Boucheron. Il est légitime de lutter contre le fanatisme. Il est juste, pertinent et urgent de lutter contre les causes du fanatisme.
M. Jacques Fleury. Très bien !
M. Jean-Michel Boucheron. Nous ne pouvons pas grand-chose à la mauvaise répartition des immenses richesses du monde musulman. Nous pouvons, en revanche, mettre un terme à des situations totalement inacceptables qui, par leur force symbolique, fragilisent depuis trop longtemps la paix du monde. Nous devons dire à M. Sharon qu'il n'y a pas de solution militaire à la question palestienne. Il doit être dit à M. Bush qu'il ne doit pas y avoir d'embargo sur l'Irak.
M. Maxime Gremetz. Très bien !
M. Jean-Michel Boucheron. Il doit être rappelé que la solidarité humanitaire ne se jette pas, qu'elle se distribue. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. C'est lamentable !
M. Laurent Dominati. C'est lamentable !
M. Jean-Michel Boucheron. En Afghanistan même, une solution politique devra suivre les frappes. Il doit être constaté par tous qu'aucune ethnie ne pourra jamais diriger seule l'Afghanistan, mais qu'elles devront toutes participer à son gouvernement. La communauté internationale devra aider à stabiliser ce pays en ne tolérant aucune présence d'armes lourdes à Kaboul, en détruisant les productions de drogue et en assurant la réalité des droits de l'homme, et spécialement de la femme. Nous souhaitons que l'Europe participe à la reconstruction de ce superbe pays.
M. Dominique Bussereau. Vous oubliez le terrorisme !
M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le ministre, dans cette région, la France est crédible aux yeux de beaucoup. Nous voulons savoir quel est son projet. Le peuple afghan a beaucoup souffert. Il a, plus que d'autres, un urgent droit au bonheur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, depuis très longtemps, la solution des problèmes que vous avez évoqués est, pour la France, une des priorités de sa diplomatie, de sa ténacité, de son action, de ses initiatives. C'est vrai pour la paix au Proche-Orient : chacun le sait, je n'y reviens pas. C'est vrai aussi pour l'Irak, naturellement. Depuis des années, nous disons qu'il faut exercer le contrôle nécessaire contre ce régime, ce que demandent tous ses voisins, sans mettre en péril la société irakienne, totalement détruite et disloquée par un embargo dévoyé, détourné de son objet, devenu aujourd'hui inutilement cruel. Depuis des années, nous agissons dans ce sens, et vous connaissez en particulier les initiatives prises par ce gouvernement.
En ce qui concerne l'avenir politique de l'Afghanistan, au-delà même de l'aide humanitaire d'urgence qu'il faut renforcer et acheminer en s'assurant qu'elle sera suffisante avant l'hiver - nous avons saisi les autorités européennes des mesures à prendre en ce domaine -, nous avons été les premiers à proposer un plan d'action pour l'Afghanistan qui vise à permettre à ce peuple de reprendre le contrôle de son destin.
C'est dans ce cadre que je me suis entretenu longuement avec le nouveau représentant du secrétaire général des Nations unies, M. Brahimi, et que j'ai rencontré hier, à Rome, l'ex-roi d'Afghanistan, sous l'égide duquel, de l'avis général, devrait être engagé le processus permettant à toutes les factions, à toutes les composantes, à toutes les représentations de la société afghane de s'organiser pour redonner un avenir à leur peuple.
Avec les deux ou trois pays européens qui ont eux aussi avancé des propositions pour l'Afghanistan, avec les Etats-Unis et les pays voisins, nous sommes à la pointe de cet engagement qui a pour but de donner un avenir aux Afghans, et en particulier aux Afghanes. Nous avons souvent eu l'occasion, dans cette assemblée, de nous affliger de leur sort ; il ne faut pas laisser passer cette chance d'inverser le malheur du destin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Jean-Michel Boucheron
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 octobre 2001