euro
Question de :
M. Christian Cuvilliez
Seine-Maritime (11e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2001
M. le président. Pour le groupe communiste, la parole est à M. Christian Cuvilliez.
M. Christian Cuvilliez. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le passage à l'euro dans moins de trois mois risque d'être celui du cap des tempêtes.
Il y a d'abord un risque de tensions inflationnistes si, à la faveur de ce basculement, un grand nombre de prix dérapent. Notre proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête et de contrôle sur les pratiques de formation des prix des biens et services vise à prévenir de telles dérives.
Le deuxième risque est celui d'une insuffisance de monnaie fiduciaire alors que perdure depuis six semaines un conflit à l'imprimerie de Chamalières, faute de négociations adéquates de la part du gouverneur de la Banque de France, celui-là même qui doit répondre des commandes publiques d'euros produits dans le Puy-de-Dôme.
Nous sommes exposés enfin à un troisième risque, celui de la déperdition de l'autorité des banques centrales dans la gestion territorialisée de l'euro, ainsi que de l'affaiblissement des missions et de la réduction des effectifs à la Banque de France : quarante-quatre caisses ont été fermées et quinze sont menacées. Les salariés et leurs représentants, les citoyens consommateurs, les élus ont besoin que le Gouvernement leur donne des garanties pour que ces risques soient circonscrits.
Concernant l'usine de Chamalières, comment allez-vous signifier au gouverneur, M. Trichet, quelle que soit l'indépendance qu'on lui prête, la nécessité d'ouvrir un véritable dialogue social pour examiner les conditions dans lesquelles la nouvelle fabrication pourrait se faire en conciliant à la fois les contraintes de la production actuelle et à venir - avec le lancement de la deuxième campagne dite « euro 2 » -, la préservation de l'emploi et l'amélioration des conditions de travail ? Le conflit s'étant durci depuis le 11 septembre avec l'arrêt total de la production de billets, il est urgent de trouver des solutions conformes à l'intérêt général.
Par ailleurs, des activités nouvelles sont susceptibles d'être développées par la Banque de France, qui touchent à la lutte contre le surendettement, au contrôle de la circulation fiduciaire, à l'accès aux liquidités et aux services bancaires de base, à la sécurité des systèmes de paiement, à la médiation entre usagers et établissements bancairers.
M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas un peu long, monsieur le président ?
M. Christian Cuvilliez. ... ou encore au contrôle des aides publiques accordées aux entreprises à travers une mise en oeuvre dynamique des commissions nationales et régionales instaurées par la loi Hue. Toutes ces missions innovantes, dont la liste n'est pas exhaustive, doivent faire l'objet d'un cahier des charges établi dans la concertation. Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour concrétiser ces propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
Enfin, pour favoriser la création souhaitable d'un pôle public fiduciaire européen, adossé aux banques centrales des pays membres, quelles mesures le Gouvernement entend-il préconiser, sachant que des risques d'externalisation de fonctions, de filialisation d'activités, voire de privatisation, ne sont pas à exclure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je me permets de vous faire remarquer, au cas où cela vous aurez échappé, que M. Houillon a parlé trois minutes quinze, tout comme M. Duron, et que M. Cuvilliez a parlé trois minutes dix.
M. Jean-Louis Debré. Quelle impartialité !
M. le président. La réponse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Cuvilliez, votre question comporte deux aspects.
D'abord, vous manifestez une inquiétude pour le passage à l'euro en général. Bien sûr, il faut faire preuve de vigilance, et vous avez tout à fait raison de le souligner, mais je voudrais tout de même apporter à toutes celles et à tous ceux qui, dans cette assemblée, s'intéressent à la préparation à l'euro, des nouvelles positives que l'on vient de me donner. Elles ont trait non pas à la monnaie dite fiduciaire, c'est-à-dire les pièces et les billets, sur laquelle je reviendrai dans un instant, mais à la monnaie scripturale, c'est-à-dire le paiement par chèque, titre de paiement, etc. Nous constatons semaine après semaine une progression très sensible. Les derniers chiffres dont je dispose, qui sont ceux de la fin de la semaine, montrent que déjà près de 25 % des transactions se font en euros, c'est donc considérable, soit 14 % des chèques, 58 % des virements et 76 % des titres interbancaires de paiement. Cela veut dire que, de plus en plus, nos compatriotes utilisent l'euro avant même l'apparition de l'euro fiduciaire
Par ailleurs, en ce qui concerne l'imprimerie de Chamalières, vous savez que les problèmes datent de très longtemps. L'objectif, et il est raisonnable, est de rendre les conditions de production comparables à celles qui existent dans les autres grands pays d'Europe alors que, jusqu'à présent, nous étions malheureusement un peu en retard.
Dans un contexte de conflit, mais en même temps de dialogue, le projet industriel a été présenté hier. Certes il prévoit un certain nombre de suppressions de postes mais, et je tiens à rassurer sur ce point, aucune rupture de contrat de travail. On recourra aux préretraites, aux départs anticipés et, sur la base du volontariat, au temps partiel. Et soixante-quinze jeunes seront recrutés, ce qui signifie qu'à terme, Chamalières sera parfaitement compétitive.
Bref, pour faire écho à ce que vous venez de dire, le dialogue est nécessaire, et il a lieu. Parallèlement, les précautions sont prises pour qu'il n'y ait pas d'interruption dans la prodution de l'euro.
Ainsi, nous ferons en sorte, grâce à la Banque de France d'abord, qui a un rôle décisif à jouer, que, dans les semaines et les mois qui viennent, la production reparte sur de bonnes bases.
Tels sont les éclaircissements que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Christian Cuvilliez
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Moyens de paiement
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2001