ligne Lyon Turin
Question de :
M. Michel Bouvard
Savoie (3e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 1er novembre 2001
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe du Rassemblement pour la République.
M. Michel Bouvard. Monsieur le Premier ministre, une fois de plus, le massif alpin vient d'être endeuillé par un accident survenu dans un tunnel, le Saint-Gothard, qui nous rappelle, après le Tauern et le Mont-Blanc, l'extrême fragilité du système d'échanges dans notre massif, lequel a connu depuis trente ans un quintuplement du trafic, sans qu'aucun ouvrage nouveau ait été livré.
Nous avons pris acte avec satisfaction de la décision courageuse de M. le ministre des transports, malgré l'opposition de Mme Voynet et de M. Cochet, de rouvrir le tunnel du Mont-Blanc aux poids lourds, même si la circulation alternée posera des problèmes techniques dont il conviendra de débattre.
Mais nous savons qu'au fond, la seule solution c'est le transport ferroviaire du fret. En Suisse, les décisions ont été prises il y a plusieurs années, et la Confédération helvétique consacre 130 milliards de francs français à la réalisation du nouveau Saint-Gothard et du nouveau Lotschberg. La solution, pour la France et l'Italie, c'est le Lyon-Turin. En 1993, à l'initiative de Bernard Bosson et de Michel Barnier, ce projet est devenu mixte - voyageurs et marchandises. Il a ensuite été inscrit au programme des grands travaux européens, lors du sommet d'Essen. Et puis, plus récemment, après que des crédits d'études ont été dégagés il y a sept ou huit ans, vous avez vous-même annoncé, monsieur le Premier ministre, à Chambéry, la réalisation de la partie française de l'ouvrage. Au sommet de Turin, le Président de la République a annoncé, avec son homologue italien, la création de la section internationale. Les choses ont donc avancé.
Mais le financement total de l'ouvrage n'est toujours pas assuré. La preuve en est que, s'agissant de la partie française, une mission a été confiée par le ministre des transports à M. Gressier, en vue d'organiser un tour de table réunissant la région et les départements de Rhône-Alpes, et que, s'agissant de la partie internationale, nous ne savons tout simplement pas comment l'ouvrage sera financé.
Ma question est très simple. Il y a quinze jours, nous discutions ici même du texte relatif à la sécurité des infrastructures de transport, un texte auquel notre groupe a contribué par l'adoption d'un certain nombre d'amendements. Jean-Claude Gayssot nous a indiqué à cette occasion que grâce à l'allongement des concessions autoroutières, nous allions pouvoir dégager un milliard de francs sur l'ensemble des autoroutes pour financer l'intermodalité et les infrastructures. Et puis, la semaine dernière, lors de la discussion de la loi de finances, le ministre des finances est arrivé avec un amendement proposant d'ouvrir le capital de la Société des autoroutes du sud de la France, qui représente la part la plus juteuse, si vous me permettez cette expression triviale, des actifs de l'Etat dans les sociétés d'autoroute. Or, si on vend le capital, on ne peut plus bénéficier des dividendes.
Par conséquent, monsieur le Premier ministre, nous aimerions savoir aujourd'hui comment le projet Lyon- Turin va être financé et à quel bonneteau budgétaire on est en train de se livrer. Il ne peut pas y avoir à la fois, d'une part, des dividendes encaissés à partir d'un capital dont on dispose et, d'autre part, cession du capital.
En clair, entend-on affecter les 15 milliards de francs de la privatisation partielle d'ASF à la réalisation de nouvelles infrastructures de transports, notamment dans les Alpes et les Pyrénées, où il y a une urgence ? Ou est-ce qu'on entend, avec cette somme, abonder le fonds de réserve des retraites, où elle ne serait qu'une goutte d'eau dans les 1 000 milliards de francs prévus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le député, il se trouve que, du fait de la durée de ce gouvernement, j'ai participé, avec M. le Premier ministre et plusieurs de mes collègues, à plusieurs sommets franco-italiens. A chaque fois, la question des traversées alpines a été posée. Lors du premier de ces sommets, le gouvernement de Lionel Jospin avait proposé de consacrer 300 millions de francs à l'achèvement des études sur la nouvelle ligne Lyon-Turin, qui n'étaient pas encore terminées. Lors du dernier sommet, le Gouvernement a confirmé, après que M. le Premier ministre l'a dit à Chambéry le 19 janvier de cette année, qu'il était absolument décidé à réaliser le Lyon-Turin.
M. François Rochebloine. C'est la question des sous qu'on vous pose !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vais répondre précisément à la question posée, ne vous inquiétez pas. Le Lyon-Turin, nous avons décidé d'accélérer sa réalisation. La date initialement fixée pour sa mise en service était celle de 2015. Nous avons fortement insisté auprès de nos collègues italiens pour que tout soit fait en vue de la ramener à 2012. D'ici à 2012, il faut bien sûr dégager les moyens financiers nécessaires. Cela dit, je ne suis pas comme vous, monsieur Bouvard, je ne pense pas qu'il faille attendre 2012 pour commencer à faire du ferroutage. Dès l'an prochain, nous allons lancer le wagon Modalohr - que nous allons homologuer au mois de mai - sur la ligne historique, en assurant les financements nécessaires, y compris pour les travaux de mise au gabarit B+. Nous créerons ainsi les conditions pour qu'à partir de la fin 2002, l'équivalent de 50 000 poids lourds passe sur la ligne historique et pour qu'à la fin des travaux de mise au gabarit B+, l'équivalent de 300 000 poids lourds passent sur cette ligne historique.
M. Jean-Marie Geveaux. Ce n'est pas la question, monsieur le ministre.
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Et pour votre information, sachez que, quand le Lyon-Turin sera fini, le trafic pourra représenter l'équivalent d'un million de poids lourds. Et là, véritablement, il y aura eu un transfert de la route vers le rail.
Alors, quels financements ? Vous avez dit les choses. Nous avons voté ensemble la réforme autoroutière : les dividendes serviront pour l'intermodalité. C'est une chose qui est actée. Vous avez évoqué l'ouverture du capital d'ASF. Je puis vous annoncer que cinq milliards serviront à l'intermodalité et qu'une partie financera le ferroutage en Rhône-Alpes. Mais nous ne nous contentons pas de cela. Les investissements que nous allons pouvoir réaliser à partir des dividendes obtenus sur les autoroutes, c'est chaque année que nous pourrons les financer.
Il y aura donc les engagements des Etats français et italien. Mais il y a aussi l'Europe. Et je m'étonne que vous ne sollicitiez pas davantage de financements de la part de l'Europe pour payer (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...
M. Franck Dhersin. C'est à vous de le faire !
M. Yves Nicolin. C'est votre boulot !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est ce que nous réclamons et, en tout cas, nous nous battons pour cela. Il n'y aura aucun retard. Et s'il faut pour cela instaurer un partenariat public-privé, nous le ferons.
Quoi qu'il arrive, il n'y aura, je le répète, aucun retard dans la réalisation des infrastructures ferroviaires dans le massif alpin. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
Auteur : M. Michel Bouvard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : équipement et transports
Ministère répondant : équipement et transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er novembre 2001