commerce international
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 2001
M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour le groupe RCV.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Après l'échec de Seattle, après les scandaleuses conditions dans lesquelles s'était déroulée la réunion des pays les plus industrialisés à Gênes, la quatrième conférence de l'OMC, qui s'est tenue à Doha, était très attendue.
Ceux qui souhaitaient que les relations commerciales ne soient pas livrées aux lois de la jungle espéraient que Doha constituerait une étape vers le rééquilibrage du rapport de forces entre pays riches et pays pauvres et la prise en compte des dimensions environnementales et sociales jusqu'alors très largement absentes des préoccupations de l'OMC.
Le bilan apparaît, à cet égard, mitigé. Si l'essentiel a été préservé, notamment pour l'agriculture, grâce à la pugnacité de François Huwart, si des avancées significatives ont été réalisées pour l'accès des pays pauvres aux médicaments, la logique de l'OMC demeure la marchandisation de toutes les activités humaines, en dehors de tout contrôle démocratique, contrôle que les parlementaires des 144 pays adhérents à l'OMC ont exigé.
Monsieur le ministre, quel bilan tirez-vous de cette conférence et quelle action la France entend-elle entreprendre pour modifier la philosophie générale de l'organisation mondiale du commerce ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La conférence de Doha, madame la députée, était à haut risque, avec deux risques principaux : un échec, qui aurait prolongé celui de Seattle et qui, dans le contexte économique actuel, aurait été très mal reçu, et un accord au prix de concessions extrêmement graves pour l'Europe et pour la France.
Ces deux risques, nous y avons échappé et, comme vous, je rends hommage à l'action de M. Huwart, qui se trouve aujourd'hui en Chine. Je veux souligner aussi l'action de M. Lamy, qui a négocié au nom de l'Union européenne et, je crois, bien négocié. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous le savez d'ailleurs puisque, avec d'autres parlementaires appartenant à tous les groupes, vous étiez présente à Doha. Je vous y ai rencontrée (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.) avec des parlementaires de tous les groupes (Sourires), ainsi que les responsables d'un grand nombre d'organisations non gouvernementales.
Les résultats, vous les avez expliqués en quelques mots.
D'abord, nous avons totalement mis à l'écart de cet accord ce qui menaçait d'y être inclus, c'est-à-dire les services publics, auxquels on risquait de porter atteinte, et la diversité culturelle. Pour nous, en particulier, c'est un acquis.
En ce qui concerne l'environnement, même si les progrès ne sont pas ceux que, dans l'absolu, on pourrait espérer, il sera pris en compte dans la négociation qui va s'ouvrir.
En ce qui concerne les médicaments, sujet sur lequel la France en particulier a beaucoup insisté, à juste titre, des dispositions sont prises, dont il faudra d'ailleurs vérifier l'application, qui permettront aux pays pauvres de disposer de médicaments pour lutter contre de grands fléaux, en particulier le sida.
L'agriculture était évidemment pour l'Europe un sujet difficile. Nous sommes parvenus, et je pense que les organisations professionnelles l'ont reconnu, à une solution qui, bien sûr, n'écarte pas la réforme de la politique agricole commune, mais qui n'en dicte pas le contenu. Si nous avons des choix à faire, nous les ferons dans le cadre de l'Union européenne.
M. François Guillaume. Très mauvais.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Bref, pour les plus hautes autorités françaises, après discussion en particulier avec M. le Président de la République et M. le Premier ministre, l'ensemble méritait d'être approuvé.
Il reste que, comme vous l'avez souligné, les choses sont insatisfaisantes sur deux ou trois points. Ainsi, nous n'avons pas pu accrocher le champ social dans la négociation, ce qui veut dire que les partis politiques comme le vôtre, pour qui c'est indispensable, et les syndicats doivent être très actifs, plus actifs tout au long des mois et des années qui viennent pour que les pays en développement, au nom desquels nous soutenons cette revendication, ne nous opposent pas une fin de non-recevoir lorsque nous aborderons cette question. Doha permet simplement d'ouvrir une négociation, ce qui ne préjuge pas les conditions de la négociation qui va s'échelonner sur trois ou quatre ans.
J'ajoute que l'entrée de la Chine dans l'OMC donne à cette organisation une dimension mondiale qu'elle n'avait pas encore.
Bref, je ne dirai pas comme vous que c'est un succès mitigé. Je dirai que, vu les contraintes qui étaient les nôtres, les résultats sont satisfaisants. Il reste beaucoup d'efforts à faire afin de trouver un équilibre entre le développement du commerce, indispensable à la croissance, et la régulation, pour que la globalisation soit bien davantage humanisée qu'elle ne l'est aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2001