politique familiale
Question de :
Mme Anne-Marie Idrac
Yvelines (3e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 1997
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac.
Mme Anne-Marie Idrac. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne les familles.
Les réponses qui ont été données aux questions de nos collègues Jean-Louis Bianco et Didier Quentin ne peuvent qu'attiser les inquiétudes.
Pour nous, la politique de la famille est chose trop sérieuse pour qu'on la traite à coups de chiffres truqués - je pèse mes mots (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblent pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et d'invectives en opposant les catégories sociales les unes aux autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Les familles auront compris que, pour vous, tout cela n'est qu'un début et que vous comptez bien continuer le matraquage.
Quelles sont ces inquiétudes ?
La première vient du fait que certaines d'entre elles subiront une diminution de revenus allant jusqu'à 10 %...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Lesquelles ?
Mme Anne-Marie Idrac. ... sans autre raison que celle d'avoir des enfants. Oui, monsieur le Premier ministre, sans autre raison que celle-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
La deuxième inquiétude vient du constat que l'on développe non pas la liberté de choix pour les femmes, mais leur retour contraint à la maison, ou même le travail au noir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
La troisième inquiétude vient du fait que l'on désolvabilise des centaines de milliers d'emplois correspondant à de vrais besoins, de vrais emplois, qui coûtent bien moins cher que les emplois virtuels dont on entend doter désormais la fonction publique, ou plutôt la sous-fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
La quatrième inquiétude, plus profonde encore, a trait à la philosophie même de la sécurité sociale: à quand l'abandon des principes de solidarité entre les malades et les biens-portants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) dès lors qu'on aura mis le ver dans le fruit en refusant la solidarité en matière de compensation des charges de famille pour tous les enfants, quels que soient les revenus ?
Mme Aubry nous a annoncé tout à l'heure qu'il y aurait une «remise à plat». Nous avons l'impression qu'il n'y aura plus grand-chose à remettre à plat. Mais si remise à plat il y a, avec qui sera-ce, puisque l'UNAF elle-même récuse le principe de la mise sous plafond des allocations familiales ? Et pour quels principes de société ?
Si c'est l'individualisme et le malthusianisme que vous voulez développer, tel n'est pas notre choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je répondrai d'abord, madame, à certaines de vos assertions.
Tous les chiffres qui ont été donnés par le Gouvernement émanent de la Caisse nationale des allocations familiales, aujourd'hui gérée par le patronat et les syndicats.
M. Jean-Luc Reitzer. Elle se trompe !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. L'ensemble des associations familiales que j'ai reçues, qu'elles soient d'accord ou non avec les mesures, n'ont jamais contesté ces chiffres car ce sont ceux du débat démocratique, du débat transparent que le Gouvernement souhaite engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous dites, madame, que nous adressons des invectives aux familles, notamment aux familles aisées. Je pense quant à moi que, lorsqu'on parle de solidarité dans notre pays, on n'oppose pas les catégories les unes aux autres.
M. Louis de Broissia. C'est pourtant ce que vous faites !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. On essaye au contraire de les réconcilier ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Michel Ferrand. Il n'est pas sûr que vous y parveniez !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. On essaye de faire en sorte que cette société soit un peu moins dure. C'est ce que nous faisons. Nous, nous n'opposons pas les familles les unes aux autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Je voudrais vous dire très simplement les choses, à vous dont les rangs comportent de nombreux libéraux et qui passez votre temps à nous dire qu'il faut moins d'impôt et moins d'Etat. Eh bien, connaissez-vous un seul pays qui, aujourd'hui, rembourse à des familles gagnant plus de 40 000 francs par mois 80 % du coût d'un employé de maison travaillant à temps plein ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Pour nous, la solidarité c'est aider les familles les plus en difficulté. Dès cette année, par exemple, l'âge donnant droit au versement des allocations familiales sera porté de dix-huit à dix-neuf ans pour toutes les familles et pas seulement pour celles dont les enfants continuent leurs études, ce qui était, là aussi, une injustice pour celles ayant des enfants en apprentissage, au chômage ou en contrat de qualification. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Dans le cadre de la reprise de cette politique familiale, le Premier ministre a annoncé qu'il était tout à fait prêt, et les associations familiales l'ont bien compris, à revoir le dispositif de plafonnement des allocations familiales que nous avons retenu. («Ah !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Michel Ferrand. Qu'est-ce que vous attendez !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais tout le monde sait cela, en tout cas tous ceux avec lesquels nous discutons et que vous êtes censés représenter, messieurs de l'opposition. Vous êtes les seuls à refuser d'entendre ce que nous disons ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Comme M. le Premier ministre l'a toujours dit, nous annoncons une politique mais nous engageons une concertation pour ses modalités d'application. Pour le moment, les associations familiales et les organisations syndicales n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur une autre formule. Faut-il opérer une réforme du quotient familial ou faut-il plutôt fiscaliser les allocations familiales ? Actuellement, je le répète, il n'y a pas d'accord. Conformément à la méthode que nous avons entamée, nous allons discuter. Nous avons un an pour le faire...
M. Jean-Michel Ferrand. Baratin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et nous sommes prêts à revoir cette mesure si un large consensus se réalise sur une autre modalité que celle que nous avons retenue. Solidarité, d'une part, plus de démocratie et de transparence, d'autre part, voilà la politique que nous menons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Michel Ferrand. Baratin ! Ce n'est pas sérieux !
Auteur : Mme Anne-Marie Idrac
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 1997