protection
Question de :
M. Pierre Morange
Yvelines (6e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 28 novembre 2001
PROSTITUTION DES MINEURS
M. le président. Pour le groupe RPR, la parole est à M. Pierre Morange.
M. Pierre Morange. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, voire à M. le ministre de l'intérieur.
La prostitution des enfants est désormais présente officiellement aux portes de la capitale. Vous avez proposé de créer une infraction spécifique afin de poursuivre les clients des prostituées mineures de plus de quinze ans et de combler le vide juridique si longtemps dénoncé. Nous ne pouvons que vous approuver dans cette démarche qui, pour être crédible, doit toutefois être complétée par un véritable effort de démantèlement des réseaux de prostitution sous-tendu par une volonté politique sans faille.
Mme la garde des sceaux nous a indiqué la semaine dernière que le nombre de condamnations pour proxénétisme aggravé avait augmenté depuis 1999. Mais la situation actuelle prouve que ces résultats louables restent gravement insuffisants, ainsi que le montrent des reportages récents. Comme le rappelait récemment l'un de nos collègues RPR, vous avez fait la démonstration, dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme, que votre volonté pouvait se traduire par des résultats concrets et immédiats. Nous vous demandons de faire de même pour protéger ces mineurs, véritable bétail humain livré aux appétits les plus vils de l'homme.
Ce dispositif répressif indispensable doit bien évidemment être accompagné d'une politique globale de protection de l'enfance. Que signifie alors la lettre du ministère des affaires sociales qui exige la distribution de préservatifs à des mineurs prostitués ? Je tiens cette lettre à votre disposition. Cette distribution est imposée à une association financée par le ministère et spécialisée dans la prévention des maladies sexuellement transmissibles chez les prostitués adultes. Ce courrier ministériel pourrait faire croire que votre politique se résume à une gestion des risques sanitaires. Je souhaiterais savoir, sur le plan tant éthique que politique, quelle cohérence il y a entre le discours que vous tenez sur l'indispensable protection de l'enfance et l'effroyable réalité de ce quotidien sordide. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je souhaite de tout coeur avoir mal compris votre question, car il est impensable que l'on puisse encore ajouter au malheur de ces victimes de la traite des êtres humains, de l'esclavage. Déjà, les militantes et les militants du Bus des femmes, que je salue avec beaucoup de chaleur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), ainsi que tous ceux qui vont, le soir et la nuit, s'occuper de ces personnes, ont le plus grand mal à comprendre pourquoi elles sont là. Et vous demandez, en plus, d'attendre qu'on ait trouvé les coupables et démontré qu'elles étaient mineures avant de leur donner des préservatifs ? Jamais, jamais, nous n'accepterons cela, car elles n'ont pas, en plus, à attraper des maladies ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Mme Yvette Roudy. C'est invraisemblable !
Mme la garde des sceaux. Les incriminations sont difficiles. Nous en avons parlé avec celles de vos collègues qui sont, avec nous, des militantes actives de la lutte contre les réseaux de prostitution, et elles le savent bien.
M. Pierre Morange. Ce n'est pas la question !
Mme la garde des sceaux. Mais nous avons eu de bonnes nouvelles. A Lille, cette semaine, un grand réseau vient d'être démantelé grâce à la collaboration entre la police, le parquet et le préfet.
M. Pierre Morange. La question n'est pas là !
Mme la garde des sceaux. Si, la question est là ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) C'est ainsi que nous avons pu démanteler un premier, puis un deuxième réseau, et j'espère qu'on en démantèlera beaucoup d'autres.
Mais face aux victimes, vous n'allez tout de même pas dire enthousiastes, de cette traite, jamais personne ne nous imposera quoi que ce soit de plus. Cela rejoint ce qui a été dit sur le sida en prison et sur de nombreuses maladies transmises à la fois par la prostitution et la consommation de stupéfiants.
Monsieur le député, nous luttons de toutes nos forces contre la prostitution et contre toutes ces déviances. Mais, s'il vous plaît, ne soyez pas à ce point humainement éloigné des problèmes que pose la protection des personnes prostituées. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Auteur : M. Pierre Morange
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 novembre 2001