crédit agricole
Question de :
M. François Guillaume
Meurthe-et-Moselle (4e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 28 novembre 2001
OUVERTURE DU CAPITAL
DU CRÉDIT AGRICOLE
M. le président. Pour le groupe RPR, la parole est à M. François Guillaume.
M. François Guillaume. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. A défaut, je la pose aux membres présents du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, en 1988, le gouvernement de Jacques Chirac décidait de mutualiser la Caisse nationale de crédit agricole pour lui donner les moyens de son ambition bancaire internationale, sans lui enlever son assise coopérative, forte du réseau des caisses régionales et de plusieurs milliers de caisses locales. Vous et les vôtres y étiez alors farouchement opposés.
Aussi quelle n'est pas aujourd'hui notre stupéfaction de constater que votre gouvernement donne son aval à la privatisation de la banque verte ! Car en ouvrant la Caisse nationale à des capitaux privés - aux fonds de pension étrangers par exemple, puisque vous n'acceptez pas les fonds de pension français - vous cautionnez la perte progressive de pouvoir des caisses régionales coopératives sur la Caisse nationale, un pouvoir qui deviendra à terme minoritaire par le simple jeu de la mécanique boursière, en dépit des assurances sans consistance légale qu'on nous donne.
Pire : par le montage prévu, vous vous faites les complices d'une véritable spoliation des 5,5 millions de sociétaires, agriculteurs, artisans et commerçants ruraux, qui ont contribué au remarquable succès du Crédit agricole et n'ont bénéficié ni de la revalorisation de leurs parts sociales, remboursées au nominal quarante à cinquante ans après leur émission, ni de la distribution des ristournes sur excédents comptables, pratique courante dans les coopératives.
La capitalisation de cette non-participation aux résultats représente 100 milliards de francs. Ce pactole appartient aux sociétaires : qui pourrait prétendre le contraire ?
Sur quelles bases légales repose cette ouverture du capital de la Caisse nationale, tant que la loi de mutualisation, qui l'a confié quasi exclusivement aux caisses régionales coopératives, n'est pas abrogée ?
M. le président. Votre question, monsieur Guillaume.
M. François Guillaume. J'y suis !
M. le président. Oui, mais dépêchez-vous d'y arriver. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. François Guillaume. Quelle initiative comptez-vous prendre pour préserver les justes intérêts des sociétaires du Crédit agricole, afin de les dédommager du préjudice subi au moment même où partout, en Grande-Bretagne, en Belgique, au Canada, les démutualisations s'accompagnent d'une indemnisation équitable des porteurs de parts sociales ?
Comment l'éthique dont vous vous réclamez s'accommode-t-elle de cette privatisation, perche tendue aux dirigeants de la banque verte, avec, tout au bout, l'appât du Crédit lyonnais ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Concluez, maintenant !
M. François Guillaume. Enfin, comment vous sentez-vous autorisés à faire, avec les dirigeants du groupe Crédit agricole, ce grand écart qui consiste à être capitaliste à Paris et mutualiste en province ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Le Gouvernement, monsieur le député, est très attaché au maintien des valeurs de la mutualité et du Crédit agricole. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
La réforme que vous évoquez est une réforme de modernisation majeure. Elle est essentielle pour notre système financier. Nous voulons la mener dans la concertation et dans le respect du droit et des intérêts des sociétaires.
Les droits et les intérêts des sociétaires sont naturellement respectés...
M. Thierry Mariani. Ce n'est pas vrai !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... puisque les principes mutualistes de non-distribution des réserves sont intégralement respectés. Nous savons en outre que les 5,5 millions de sociétaires bénéficieront d'un traitement privilégié en matière d'attribution d'actions lors de l'introduction en Bourse du véhicule coté.
Par ailleurs, les parts sociales des sociétaires sont rémunérées au moins au taux moyen des obligations. Il n'y a donc, pour ces 5,5 millions de sociétaires, aucune spoliation, bien au contraire.
M. François Guillaume et M. Lucien Degauchy. Baratineur !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. La concertation a été permanente, dans toute la France, avec l'ensemble des conseils d'administration des caisses régionales. Il y en a quarante-huit : quarante-huit qui ont été consultées, quarante-huit - dont la vôtre, monsieur Guillaume - qui ont dit qu'elles étaient d'accord avec cette réforme. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Celle-ci doit aboutir demain par la décision de l'assemblée générale du Crédit agricole, société anonyme. J'ajoute que la question du véhicule coté du Crédit agricole a été examinée ici même lors de la discussion de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, et que l'Assemblée nationale, à une très large majorité, a adopté cette réforme porteuse d'avenir et de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. François Guillaume
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 novembre 2001