Question au Gouvernement n° 3109 :
Afghanistan

11e Législature

Question de : Mme Marie-Hélène Aubert
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 29 novembre 2001

AVENIR DES FEMMES AFGHANES

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, pour le groupe RCV.
Mme Marie-Hélène Aubert. Monsieur le ministre des affaires étrangères, lors de l'été 2000, de nombreuses femmes afghanes représentant diverses composantes de la société afghane s'étaient réunies au Tadjikistan pour adopter ce que l'on appelle désormais la déclaration de Douchanbé. Cette déclaration des droits fondamentaux de la femme afghane contient, par exemple, le droit à la sécurité personnelle, le droit à la santé physique, mais aussi le droit à la protection égale, ou celui de l'accès égal à l'éducation et à la santé.
Cette semaine se tient à Bonn la première conférence interafghane, regroupant des responsables politiques et militaires de ce pays. Plusieurs d'entre eux ont signé cette déclaration de Douchanbé lorsqu'ils étaient dans la résistance contre les talibans - bien sûr, le commandant Ahmed Shah Massoud l'avait aussi signée.
Quelle qu'elle soit, l'image moyenâgeuse de l'Afghanistan donnée par les talibans ces dernières années reste loin de la réalité en matière de droit des femmes. Ce pays ne part pas de zéro. Dès les années 30, des femmes étaient présentes dans les instances politiques du pays membres de cabinets ministériels, parlementaires -, à une époque, je le rappelle, où les Françaises n'avaient ni le droit de vote et encore moins celui d'éligibilité. Et dans les années 60, nombreuses étaient celles qui effectuaient des études supérieures et travaillaient. C'est sans doute grâce à ces décennies de culture que les femmes afghanes ont pu et su se mobiliser, comme elles l'ont fait par l'adoption en juin 2000 de cette déclaration, et malgré les dangers encourus. Je voudrais saluer aujourd'hui, au nom de tous et de toutes, leur courage.
La question des femmes afghanes n'est pas simplement une question humanitaire, elle ne se limite pas à des problèmes de nourriture, de couverture ou de logement, même si c'est important. Les femmes afghanes ne sont pas des mineures. La question des femmes dans l'avenir de ce pays est hautement politique et indissociable du processus en cours.
Rapportant la voix de nombreuses d'entre elles, je voudrais réaffirmer ici avec force que les femmes afghanes - et, avec elles, nous tous ici - demandent trois choses : l'inclusion de la déclaration de Douchanbé dans le futur accord de paix ; la restauration complète des droits des femmes afghanes dans la future Constitution ; la participation des femmes au gouvernement transitoire et au gouvernement définitif de l'Afghanistan.
Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre au sein des instances internationales pour que les droits des femmes afghanes soient enfin reconnus de tous et pour les aider concrètement dans le processus de reconstruction auquel elles doivent prendre toute leur place, non seulement comme victimes à qui il est dû réparation, mais aussi et surtout comme actrices majeures de leur propre destin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, je voudrais d'abord rappeler que, il y a plusieurs mois, bien avant le 11 septembre, c'est à propos de la situation des femmes en Afghanistan que, ici même, j'avais qualifié le régime taliban de « répugnant ».
Vous avez raison : une chance formidable se présente aujourd'hui pour l'Afghanistan, ainsi que pour les Afghans et les Afghanes. Il ne faut pas le rater !
Sur tous les plans, y compris sur celui-ci, nous attendons beaucoup de la conférence qui s'est ouverte à Petersberg, sous l'égide de l'ONU.
Il y a quelques jours, à New York, j'ai évoqué cette question avec M. Brahimi. Préparant la future conférence avec les Afghans, il est en contact depuis longtemps avec des organisations de femmes afghanes, qui étaient au Pakistan ou en Iran : désormais, elles vont pouvoir travailler de nouveau en Afghanistan. Il m'a dit que la première revendication des femmes afghanes est la même que celle de tous les Afghans : le rétablissement de la paix. C'est la condition pour que les femmes puissent recommencer à travailler et à défendre leurs droits légitimes. Nous allons aider les femmes afghanes. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour les aider.
Ce que vous avez dit est très juste, bien que méconnu : l'Afghanistan n'est pas un pays qui sort du plus profond Moyen Age. Il a connu une période beaucoup plus moderne que celle qui a prévalu récemment. Je veux rappeler ici qu'un grand juriste français, Louis Fougère, avait travaillé en Afghanistan, à la demande de l'ancien roi, à l'élaboration de la Constitution de 1964. D'ailleurs, le roi Zaher Chah, avec lequel je me suis entretenu à Rome il y a quelque temps, se souvient très bien de lui. Il s'agissait d'une Constitution tout à fait moderne qui ne comportait aucune discrimination. Il était tellement évident que tout le monde avait droit aux mêmes postes et aux mêmes fonctions, qu'il n'y avait même pas de discrimination positive prévue. Ce mouvement de société naissant a été brisé par l'invasion soviétique et par ce qui a suivi.
J'ai reçu, il y a deux jours, une délégation de femmes afghanes venues en France après les événements qui ont détruit leur pays. Elles m'ont fait part de leurs remerciements pour la France, de leur attachement à leur pays et des perspectives de leur combat. Je leur ai dit que le Gouvernement et les autorités françaises les aideront pour construire un Afghanistan nouveau.
Il faut parvenir à un accord politique mais, ensuite, il faut aller au-delà, et la déclaration de Douchanbé forme le cadre légal, constitutionnel et politique de l'objectif de ce combat.
Donc, d'une façon ou d'une autre, que ce soit dans la transition ou après, pour construire l'Afghanistan de demain, nous ferons tout ce qui dépend de nous pour aider ce combat légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Données clés

Auteur : Mme Marie-Hélène Aubert

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2001

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