justice
Question de :
Mme Roselyne Bachelot-Narquin
Maine-et-Loire (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 29 novembre 2001
PRÉJUDICE INDEMNISABLE LORS DE LA NAISSANCE
D'ENFANTS HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour le groupe RPR.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame la ministre, ce matin, la Cour de cassation a réaffirmé, en l'aggravant, dans un arrêt relatif à la responsabilité médicale et au préjudice indemnisable, sa position selon laquelle l'inexistence est préférable à une vie diminuée. Elle a estimé, en effet, que le préjudice d'être né trisomique, préjudice matériel mais également moral et esthétique, devait entraîner une réparation intégrale.
Vous avez déclaré hier, madame la ministre, en répondant aux questions, qu'il n'était pas nécessaire de légiférer à ce propos, rappellant partiellement l'avis du Conseil national consultatif d'éthique pour balayer les craintes de dérive eugénique. Pourquoi n'avoir pas cité complètement l'avis du Conseil national consultatif d'éthique ? Pourquoi n'avoir pas rappelé les craintes de l'Académie de médecine, de l'Ordre des médecins ? Pourquoi n'avoir pas souligné l'indignation des associations regroupant les parents d'enfants handicapés que le groupe d'études sur les handicapés a auditionnés ?
Monsieur le Premier ministre, je n'ai pas l'habitude de vous citer mais, pour une fois, vous aviez raison quand vous avez déclaré au journal La Croix : « C'est une chance d'être là et de vivre. Je ne vois pas comment nous pourrions la comparer au fait de ne pas être de ce monde. »
Madame la ministre, vous ne pouvez vous contenter de paroles ou d'un vague séminaire gouvernemental sous l'égide de Mme Royal. Il revient à la nation elle-même, à travers sa représentation nationale, de se prononcer sur ce sujet très grave à l'issue d'un vaste débat national. Seul un tel débat peut nous permettre de nous rendre compte que la solution pour ces familles passe par une solidarité accrue et non par l'engrenage des jurisprudences. Etes-vous d'accord pour organiser ce débat et quand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la députée, je ne vais pas ici commenter un arrêt de la Cour de cassation.
M. Bernard Accoyer. Pourquoi ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. D'une part, il a été rendu ce matin et il faut le temps de l'analyser. D'autre part, à première vue, il ne me paraît pas très différent de l'arrêt Perruche.
M. Richard Cazenave. Justement !
M. Bernard Accoyer. Il s'aggrave !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je comprends tout à fait que vous souhaitiez un débat, mais il a déjà eu lieu, ici même, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur les droits des malades, au cours de laquelle nous avons, avec Bernard Kouchner, abordé cette importante question avec les députés qui étaient présents, bien sûr.
M. Pierre Lequiller. A une heure du matin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Sous réserve d'un examen plus détaillé, je note, s'agissant de l'inquiétude des médecins quant à la mise en cause de leurs responsabilités, que la Cour de cassation réaffirme qu'il doit y avoir une faute et une faute avérée.
Pour les parents qui peuvent s'inquiéter de voir leur responsabilité mise en cause par leur propre enfant, là aussi, la décision de la Cour de cassation est claire. Elle prévoit seulement - c'était le cas de l'arrêt Perruche mais il semble que ce le soit également ici - d'accorder une indemnisation pour réparer le préjudice subi par l'enfant et lui permettre de disposer des moyens matériels de subvenir à ses propres besoins au cas où ses parents viendraient à décéder. Je crois que cette préoccupation peut être partagée par tout le monde.
Enfin, sur le risque d'eugénisme que de telles décisions pourraient faire naître, en poussant les parents à désirer avoir un enfant parfait, je veux rappeler, après le Conseil national d'éthique, la nécessité d'être extrêmement vigilants. Mais la décision d'avorter, comme le prévoit la loi de 1975 qu'a fait voter Mme Veil et dont personne n'a changé l'esprit jusqu'à présent, reste une liberté fondamentale de la femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Si vous voulez avoir un débat sur l'avortement (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), c'est un débat sur l'avortement qu'il faut organiser et pas autre chose.
M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas du tout le problème !
M. Laurent Dominati. Cela n'a rien à voir !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ajoute que nous conduisons, avec des moyens extrêmement importants dégagés par le Premier ministre, une politique en faveur des personnes handicapées. Dans le cadre d'un plan triennal, nous avons considérablement augmenté le nombre de places qui leur sont réservées. Un effort supplémentaire reste à faire, qui concerne en vérité tous les responsables, y compris des collectivités locales, celui de rendre la ville accessible aux personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas la question !
Auteur : Mme Roselyne Bachelot-Narquin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2001