Question au Gouvernement n° 3132 :
exercice de la profession

11e Législature

Question de : M. Michel Herbillon
Val-de-Marne (8e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 6 décembre 2001

PASSAGE À L'EURO

M. le président. Pour le groupe DL, la parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon. Ma question s'adresse au Premier ministre et je la pose au nom de l'ensemble des groupes de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Dans moins d'un mois, le franc cédera la place, dans la vie quotidienne des Français, à l'euro. La réussite de ce changement de monnaie repose d'abord sur les épaules des commerçants et des artisans. En quelques semaines, ils devront récupérer les francs et rendre la monnaie en euros. Ils seront ainsi obligés d'avoir une double caisse. Cette manipulation, source de complexité, posera également un réel problème de sécurité. Il faut ajouter à ce surcroît de travail et de contraintes l'application des 35 heures à l'ensemble des petites entreprises. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Or, vous le savez, les 35 heures désorganiseront l'activité de nombreux commerces et entreprises artisanales.
Face à cette situation, le Gouvernement paraît bien immobile. Cela est d'autant plus inacceptable que l'Etat se constitue, par un jeu d'écritures, avec le passage à l'euro, une cagnotte évaluée à cinq milliards de francs. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) En somme, l'Etat fait supporter le coût du changement de monnaie aux commerçants et il garde les bénéfices. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le Premier ministre, par souci d'équité, si vous avez l'intention de rendre aux Français l'argent de cette cagnotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Avec cet argent, avez-vous l'intention de dédommager les commerçants et les artisans, en mettant en place un crédit d'impôt exceptionnel pour amortir les frais qu'ils supportent du fait du passage à l'euro ?
En outre, envisagez-vous d'instituer un moratoire pour les 35 heures dans les petites et moyennes entreprises, afin de ne pas désorganiser l'ensemble de notre tissu économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, votre question porte principalement sur une prétendue cagnotte.
M. Bernard Accoyer. Elle est tout de même posée par tous les députés de l'opposition !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Selon certaines informations reprises par la presse, l'Etat tirerait un avantage financier lors du passage à l'euro du fait « de mécanismes monétaires très complexes ». En réalité, comme c'est malheureusement souvent le cas, les analyses sur lesquelles reposent ces informations comptabilisent les recettes mais oublient les dépenses. Pour estimer le bilan économique de l'introduction des nouvelles pièces en euros,...
M. Maurice Leroy. Ça rappelle quelque chose !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... elles oublient que l'Etat a engagé des dépenses pour les frapper, à hauteur de 3 milliards de francs, auxquelles s'ajoutent les frais de stockage et d'ensachage, pour 300 millions. De plus, s'agissant des billets et des recettes provenant de la Banque de France, ces analyses n'isolent pas ce qui relève du seul passage à l'euro et, malheureusement, ne prennent pas en compte les sommes que l'Etat lui verse à cette occasion et qui s'élèvent à 560 millions.
Par ailleurs, le bilan purement financier du passage à l'euro doit intégrer d'autres dépenses : la formation, la sécurité, la communication et les adaptations administratives.
Au total, je suis au regret de le dire, l'Etat n'enregistre aucun gain net.
M. Bernard Accoyer. Vous ponctionnez les commerçants ! Pourquoi devraient-ils supporter une nouvelle charge ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au contraire, il doit faire face à des coûts. Toutefois, nous estimons que les bénéfices d'une monnaie unique pour l'ensemble des agents économiques sont supérieurs aux coûts que l'Etat doit supporter.
Bref, monsieur le député, il n'y a pas de cagnotte. Au contraire, le passage à l'euro a un coût financier, mais, s'agissant d'une grande réforme comme celle-là, il est normal que nous le supportions. En outre, vous savez que nous avons pris des dispositions fiscales pour que les commerçants et les autres catégories de la population qui devront supporter des dépenses du fait du passage à l'euro puissent les amortir durant l'année.
Enfin, j'ajoute, à propos de l'information publiée dans certains journaux sur une prétendue cagnotte, qu'il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées justes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Michel Herbillon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 décembre 2001

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