avocats
Question de :
M. Patrick Delnatte
Nord (9e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 16 janvier 2002
RÉFORME DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE
M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe RPR.
M. Patrick Delnatte. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, il y a plus d'un an, plusieurs milliers d'avocats, venus de toute la France, exprimaient dans les rues de Paris leur exaspération face à l'inertie du Gouvernement pour remédier à l'indigence de notre système d'aide juridictionnelle et pour que cesse le mépris affiché à l'égard de leurs difficultés quotidiennes. Ce mouvement de mécontentement, en grande partie initié par les barreaux du Nord, resurgit aujourd'hui avec d'autant plus de vigueur que le Gouvernement n'a pas tenu ses engagements.
M. Jacques Myard. Une fois de plus !
M. Patrick Delnatte. L'enjeu de cette mobilisation dépasse largement la défense d'un simple intérêt corporatiste. Elle touche à la défense du service public et, en définitive, à l'intérêt du justiciable. Vous vous étiez pourtant engagée, madame la ministre, à présenter un projet de loi ainsi que des décrets d'application, au plus tard le 15 septembre 2001. Plus de deux mois après cette date, rien n'avait encore été proposé et c'est dans la précipitation, pour tenter de désarmorcer le mouvement de protestations, qu'a été élaboré un texte considéré par la profession comme profondément insatisfaisant.
Vouloir étendre l'accès à l'aide juridictionnelle à 40 % de la population sans traiter de la rémunération des avocats est illusoire. Comment comptez-vous assurer aux justificables une défense convenable si l'avocat qui en sera chargé ne peut vivre convenablement de son activité ? L'ampleur de la manifestation de vendredi dernier prouve bien que vous ne pouvez fuir à nouveau vos responsabilités et laisser perdurer ce profond malaise qui ternit encore un peu plus l'image que nos concitoyens ont de leur justice.
Madame la ministre, deux questions précises appellent des réponses précises. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas tenu ses engagements ? Quelle décision prendra-t-il avant la fin de cette législature pour répondre aux attentes légitimes exprimées par les avocats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous ne me ferez pas croire que le malaise de l'aide juridictionnelle date de 1997 ! Il faut rester raisonnable dans l'analyse. Je me suis engagée sur deux points, avec l'aval du Premier ministre, en décembre 2000, au cours de négociations qui ont d'ailleurs continué en janvier 2001.
D'abord, je me suis engagée à augmenter dans l'immédiat l'indemnisation des avocats qui assurent l'aide juridique de nos concitoyens les plus en difficulté - un peu moins de 20 % de la population. Pour ce faire, aux budgets 2001 et 2002, ont été ajoutés à une enveloppe d'un milliard de francs un peu plus de 350 millions de francs.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et en euros ?
Mme la garde des sceaux. C'est déjà une somme importante. Ensuite, le rapport Boucher, qui m'a été remis juste avant l'été, a permis de bâtir un projet de loi. Comme je m'y étais engagée, celui-ci a été soumis pour avis aux organisations professionnelles qui, pour certaines, n'ont pas répondu avant plusieurs semaines, et parfois davantage. Vous parlez de huit semaines de retard pour l'écriture du projet de loi, mais celui-ci est désormais prêt. Les réunions interministérielles se déroulent en ce moment.
Nul ne peut regretter que l'on étende de 20 % à 40 % de la population le bénéfice de l'aide juridictionnelle, car, quand on gagne quelque 8 000 francs par mois, il est difficile d'assurer sa protection. Cela dit, nonobstant ce que l'on pourra écrire ensemble sur la protection juridique concernant l'assurance, il faudra bien évidemment un budget supplémentaire, mais le texte sera applicable, au mieux, en 2003. Nous ne sommes donc pas en retard si nous discutons en janvier 2002 d'un décret qui sera applicable au 1er janvier 2003 pour déterminer les modalités du passage de l'indemnisation à la rémunération. En tout cas, avec l'appui du Premier ministre, je peux d'ores et déjà vous dire que, de toute façon, l'enveloppe sera très importante et que les avocats ne doivent pas se faire de souci à ce sujet. Ils le savent d'ailleurs bien, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Patrick Delnatte
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2002