maladies professionnelles
Question de :
M. Patrick Leroy
Nord (19e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 22 janvier 1998
M. le président. La parole est à M. Patrick Leroy.
M. Patrick Leroy. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le 1er janvier 1997, l'utilisation de l'amiante était enfin interdite en France. Notre pays aura été l'un des derniers à prononcer une interdiction, appliquée ailleurs depuis des décennies, alors que les méfaits de cette matière sont connus depuis le début du siècle et reconnus depuis 1957.
Ce retard est avant tout la conséquence de la course aux profits des sociétés productrices ou tranformatrices de l'amiante, et ce au détriment de la santé, de la vie des milliers de travailleurs de la filière amiante !
Selon les spécialistes, l'amiante sera responsable de 10 000 décès par an durant les cinq années à venir, par asbestose, mésothéliome, cancer. Il y a donc urgence.
Les comités anti-amiante et les syndicats ont fait des propositions. Ils réclament l'instauration d'un véritable statut des travailleurs de l'amiante, la reconnaissance d'une maladie professionnelle liée à l'amiante et son indemnisation, l'examen dès à présent des conséquences de l'utilisation des fibres de substitution et de leur éventuelle nocivité, l'organisation du suivi médical, professionnel et post-professionnel des travailleurs et de celui des publics ayant été en contact avec l'amiante, car les maladies et les cancers peuvent se déclarer plus de dix années après le contact avec ce produit.
Enfin, madame la ministre, que vont devenir les stocks importants d'amiante qui existent encore sur le territoire national ?
Qu'entendez-vous faire pour répondre dans l'urgence à toutes ces questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le député, je comprends l'émotion que vous mettez dans votre question. Toutefois, et fort heureusement d'ailleurs, je corrigerai les chiffres que vous avez cités: même si c'est infiniment trop, les victimes de l'amiante, c'est-à-dire ceux qui seront victimes d'asbestose, de mésothéliome ou de cancer du poumon à cause de ce produit sont au nombre de 1 000 à 2 000 par an.
Mme le ministre de la solidarité et de l'emploi et moi-même avons pris des mesures concernant la manipulation de l'amiante et la façon dont les travailleurs sont exposés directement à ce matériau dans les entreprises - l'exposition aux fibres d'amiante dans l'atmosphère ou dans les bâtiments relève d'un autre domaine. Les victimes dont vous avez parlé sont ceux qui ont travaillé dans des mines d'amiante ou qui ont manipulé ce matériau, et pour lesquels il faut absolument que la maladie professionnelle soit reconnue de manière beaucoup plus évidente, beaucoup plus simple et que cesse le parcours qui leur est aujourd'hui imposé: ce ne doit plus être à ces travailleurs d'apporter année après année la preuve de leur exposition à l'amiante, mais aux entreprises de fournir la preuve du contraire. En effet, dans le système actuel, ces hommes et ces femmes peuvent avoir perdu leurs droits alors même que leur exposition à l'amiante est enfin reconnue. Mme Martine Aubry et moi-même veillerons à ce que cela change, et très vite.
En ce qui concerne la prise en charge, des propositions ont été faites, notamment par M. Jean-Yves le Déaut et par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qu'il préside. Elles seront très largement prises en compte par le comité interministériel de l'amiante qui se réunira en mars-avril.
Quoi qu'il en soit, ce problème suscite une réflexion sur les liens entre le travail, l'environnement et la santé. Comme l'a montré l'examen de la loi relative à la sécurité sanitaire, nous songeons tous à rapprocher la sécurité sanitaire de tout ce qui concerne l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Patrick Leroy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 1998