sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Christian Estrosi
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 30 janvier 2002
AGGRAVATION DE LA DÉLINQUANCE
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe du Rassemblement pour la République.
M. Christian Estrosi. Monsieur le Premier ministre, ni la non-réponse de votre garde des sceaux à mon collègue Dominique Dord sur l'inapplication des peines, ni les contorsions de votre ministre de l'intérieur pour essayer d'expliquer les chiffres de la délinquance ne pourront rassurer les Français. Car il est de fait que, depuis votre prise de fonctions, la délinquance dans notre pays a quasiment explosé pour atteindre en 2001 son niveau record.
Depuis 1997, les crimes et délits ont augmenté de près de 16 % là où, entre 1994 et 1997, ils avaient baissé de 12 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces deux courbes sont révélatrices de votre lourde responsabilité dans la dégradation des conditions de sécurité dans notre pays.
Encore ces chiffres dissimulent-ils une grande partie de cette insécurité qui fait que les Français ont peur, qu'aucune parcelle de notre territoire n'est désormais épargnée. Au-delà des zones urbaines, au-delà de nos villes, ce sont désormais nos vallées, nos villages et nos campagnes qui sont gagnés par l'insécurité,...
Mme Odette Grzegrzulka. A vos kleenex !
M. Christian Estrosi. ... puisque les faits de délinquance et de violence s'y sont accrus de près de 23 % en 2001.
Vous avez, monsieur le Premier ministre, administré la preuve de votre incapacité à répondre à la première attente des Français, celle de vivre en sécurité, condition première pour s'épanouir en liberté dans notre société.
Les contorsions auxquelles vient de se livrer votre ministre de l'intérieur pour essayer de nous expliquer que la montée des chiffres de la délinquance proviendrait de l'action de la police de proximité ou du vol de téléphones portables ne serviront à rien. Les Françaises et les Français savent bien que lorsque l'on vole un portable, c'est à la suite d'une agression physique caractérisée. Ils ne sauraient accepter que l'on caractérise les délits comme vous le faites pour camoufler les chiffres de la délinquance, monsieur le Premier ministre.
Oui, la vérité est tout autre.
M. le président. Votre question, monsieur Estrosi !
M. Christian Estrosi. En cinq ans, vous avez tout à la fois témoigné de votre défiance envers les forces de l'ordre et patiemment bâti les contours d'une culture de l'impunité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Christian Bourquin. La question !
M. Christian Estrosi. Aujourd'hui, le taux d'élucidation est tombé à 24,9 %, à rapprocher de la baisse du nombre de gardes à vue : moins 7,5 %.
Face à cette situation dramatique, et même si le temps vous est désormais compté, allez-vous enfin prendre en compte les propositions que nous vous formulons en vain depuis des années,...
M. Christian Bourquin. La question !
M. Christian Estrosi. ... qu'il s'agisse des dispositions à prendre en matière de délinquance des mineurs, des moyens accordés aux forces de l'ordre et à la justice ou encore d'une véritable politique pénale visant à une impunité zéro ? Car seules des sanctions justes et appropriées pourront rétablir l'autorité de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, le nombre des crimes et délits a augmenté fortement en 2001. Il a dépassé 4 millions d'infractions.
M. Jean-Marie Demange. C'est un chiffre insupportable !
M. le Premier ministre. Ce chiffre est légèrement supérieur au pic précédent, qui datait de 1994 - ce qui prouve que ces problèmes ne sont pas nouveaux.
Certes, M. Caresche et M. Pandraud ont montré le caractère sommaire et imparfait des statistiques de la délinquance, mais l'augmentation de la violence est forte. La situation inquiète légitimement nos concitoyens et c'est pour le Gouvernement un motif de plus pour agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
La violence n'est, à l'évidence, pas le fait de l'Etat. Elle est dans la société, mais elle n'est pas pour autant acceptable. Lutter contre elle est une priorité du Gouvernement (« Non, non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) mais elle nous concerne tous : l'Etat, les collectivités, l'école, la famille, les parents - faut-il le rappeler ? Elle a des causes nombreuses, anciennes ou plus récentes : perte des repères de la morale civique, déficit de l'autorité parentale, insuffisance des relations entre les adultes et les jeunes, déstructuration sociale provoquée par des décennies de chômage. (« A qui la faute ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Mais ces explications - qu'il faut donner - ne sont pas, à mes yeux, des justifications. Ceux qui commettent des actes délictueux en sont responsable et doivent donc être sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Cette lutte contre l'insécurité est un défi pour notre société, que nous devons relever tous ensemble.
Le Gouvernement combat résolument la délinquance. (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Les effectifs des forces de police et de sécurité ont fortement augmenté depuis quatre ans et demi - 6 000 policiers supplémentaires, 20 000 adjoints de sécurité et 1 700 gendarmes.
M. Philippe Auberger. Et ça ne va pas mieux !
M. le Premier ministre. Les moyens de la justice ont été accrus, comme cela vient d'être rappelé. Nous avons mis en place la police de proximité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Nous avons associé les maires à cette lutte par les contrats locaux de sécurité.(« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Francis Delattre. Zéro !
M. le Premier ministre. Nous avons amélioré le traitement judiciaire de la délinquance avec l'objectif que chaque acte de délinquance reçoive une sanction appropriée.
Nous avons engagé résolument la lutte contre la délinquance des mineurs. Je voudrais rappeler que les premiers outils qui ont été mis en place à cet égard - les centres d'éducation renforcée et les centres de placement immédiat -, l'ont été par nous, et d'ailleurs, quand vous faites des propositions, vous vous inspirez purement et simplement de ce que nous avons déjà commencé à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jacques Myard. C'est faux !
M. le Premier ministre. La loi sur la sécurité quotidienne met de nouveaux moyens juridiques à la disposition des forces de sécurité.
Nous venons de vous proposer d'adapter la loi sur la présomption d'innocence pour rendre plus efficace le travail des enquêteurs et traiter, pour la première fois, à partir d'un texte de loi, le problème des multirécidivistes qui irrite tant la population. Je ne doute pas que vous voterez ces propositions. Sinon, quel serait le sens de votre attitude ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous faisons des interventions systématiques - et j'en remercie le ministre de l'intérieur, Daniel Vaillant - dans les quartiers qui voudraient échapper à la loi et nous luttons résolument contre l'économie souterraine, ...
M. Bernard Accoyer. Vous ne faites rien !
M. le Premier ministre. ... notamment les trafics de drogue. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Philippe Briand. La délinquance augmente tous les ans !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. le Premier ministre. Alors, autorité, fermeté, rappel des valeurs républicaines, pédagogie de la responsabilité et de la sanction, dans une lutte par ailleurs globale contre les causes sociales et économiques de l'insécurité : voilà quelle est notre approche.
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, je trouve tout à fait normal que l'insécurité soit le sujet d'un débat.
M. Jean-Marie Demange. Ce n'est pas vous qui allez la réduire !
M. le Premier ministre. Je trouve irresponsable qu'elle soit l'objet d'une polémique. (Protestations sur les mêmes bancs.)
Vous voulez constamment nous donner des leçons. Ni votre bilan antérieur, ni vos propositions ne le justifient. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).
Loin de toute polémique, le Gouvernement continuera à lutter fermement contre l'insécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Georges Tron. Il ne fait rien, le Gouvernement !
Auteur : M. Christian Estrosi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2002