sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Pierre Albertini
Seine-Maritime (2e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 30 janvier 2002
DÉLINQUANCE
M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.
M. Pierre Albertini. Monsieur le président, mes chers collègues, la délinquance est un sujet trop grave, je crois, pour qu'on l'aborde sous forme de polémique ou en la réduisant à ce reproche : vous avez ou vous n'avez pas fait ceci ou cela !
Mme Odette Grzegrzulka. Dites-le à l'UEM !
M. Pierre Albertini. J'aurais voulu interpeller à nouveau M. le Premier ministre, parce qu'il vient de nous indiquer, à l'instant même, que la lutte contre l'insécurité était une priorité de son Gouvernement. « Heureusement ! » serais-je tenté de dire au vu des résultats que nous constatons depuis quelques années. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
On ne saurait évoquer cette question, qui intéresse tous les Français ni en s'autojustifiant en permanence, ni en accusant ses prédécesseurs.
Même si M. le Premier ministre n'est plus là pour m'écouter, je crois devoir dire que si la violence est dans la société, ce que personne ne conteste, elle interpelle toutes les institutions qui contribuent à donner des repères, qu'il s'agisse de la famille ou de l'école, et à marquer de la considération aux forces de police. Il convient aussi d'accorder à notre justice les moyens dont elle a besoin. Je n'ai guère été convaincu, en effet, par la réponse de Mme la garde des sceaux qui, pour justifier de l'insuffisante application des peines, s'est bornée à dire : « voilà ce qui se passait avant 1997 ».
Je ne suis pas sûr que les Français soient rassurés de vous entendre parler ainsi. La délinquance se propage et gagne l'ensemble du territoire. Elle est de plus en plus jeune et de plus en plus violente.
M. Rudy Salles. Très juste !
M. Pierre Albertini. Comment traiter ce problème ? On ne s'affranchira pas de cette responsabilité en considérant que ce sont les délinquants qui doivent être responsables de leurs actes. Certes, il faut les punir. Mais que doivent faire les institutions ?
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez refusé jusqu'ici toutes les propositions que nous vous avons faites : constitution d'une commission d'enquête sur les violences urbaines, qui était destinée à poser un diagnostic,...
M. Christian Bataille. C'est faux !
M. Pierre Albertini. ... généralisation des maisons de la justice et du droit, meilleure information des maires sur le suivi judiciaire et sur l'évaluation des objectifs.
M. le président. Votre question, monsieur Albertini !
M. Pierre Albertini. La méthode est mauvaise. Aujourd'hui vous ne faites que payer le prix de votre refus du consensus et des propositions de l'opposition. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je partage au moins avec vous l'opinion qu'il est totalement inutile de s'envoyer à la figure les réalités les plus difficiles ! Je le disais tout à l'heure en aparté, il faut au contraire un débat serein. Et les cris et invectives lancées à longueur de temps à l'Assemblée nationale ne sont pas le meilleur exemple à donner aux jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Nous sommes dans une société violente, parfois même par le langage...
M. Jean Ueberschlag. Vous jetez l'anathème en permanence !
Mme la garde des sceaux. ... et sur tous ces bancs, sans doute, monsieur le député ! Ce n'est pas une accusation, c'est un constat ! Parfois même, des bancs du Gouvernement, nous n'arrivons pas à entendre les questions qui nous sont posées !
Je le répète, même dans le langage, il y a une violence terrible. Les magistrats, leurs greffiers et les fonctionnaires le disent très bien, pour que les services d'exécution des peines soient efficaces, il faut des moyens.
Or, nous allons jusqu'à réinstaller des bâtiments et nous fournissons du matériel informatique pour qu'ils puissent travailler dans de bonnes conditions, car c'est indispensable. Je l'ai dit lorsque j'ai présenté le plan d'action, c'est en 2005 que sera achevée la mise à niveau, car nous avons la sagesse de ne dire que ce que nous ferons.
J'ajouterai quelques mots à propos des contrats locaux de sécurité, qui relèvent de cette politique de proximité pour la justice, dont vous avez parlé en faisant allusion aux maisons de la justice et du droit. Ces dernières résultent aujourd'hui d'initiatives locales, et c'est heureux, et rassemblent tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent contribuer à l'accès au droit et à la justice. Je mets à leur disposition, quand elles fonctionnent, un greffier. Mais l'essentiel est qu'existent un partenariat local et une bonne organisation. Il faut que se généralise cette envie d'action.
Pourquoi y a-t-il tant de violence, en effet ? Parce que l'espace public est déserté, parce que, dans certains quartiers ou mêmes certaines communes rurales, désormais, il devient l'espace privé des jeunes, sans plus aucun regard d'adultes : il n'y a plus ni commerçants, ni artisans, ni échoppes. Par conséquent, il est nécessaire de réinvestir cet espace.
Quand on voit les résultats des contrats locaux de sécurité... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ne criez donc pas, la violence verbale est aussi une forme de violence ! (Vives exclamations sur les mêmes bancs.) Vous voyez bien que vous êtes violents !
Quand on voit, disais-je, les résultats des CLS dans un département comme la Moselle, où l'augmentation de la délinquance atteint 7,25 %, on s'aperçoit que leur influence n'est pas négligable, puisque, dans deux secteurs de l'agglomération messine où de tels contrats ont été signés, on enregistre - même si le bilan est encore trop lourd - une baisse respectivement de 2,6 % et de 2,1 %.
Il est bien que lorsqu'on réussit, avec le ministre de l'intérieur, à fédérer l'ensemble des partenaires autour d'une action commune, ça fonctionne ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Moi, j'ai envie de vous donner une parole d'espoir. L'espace républicain public, laïque peut être réinvesti, à condition qu'on s'y mette tous et qu'on ne se contente pas d'envoyer les enfants en prison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Pierre Albertini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2002