Tunisie
Question de :
M. Georges Hage
Nord (16e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 7 février 2002
DROITS DE L'HOMME EN TUNISIE
M. le président. La parole est à M. Georges Hage, pour le groupe communiste.
M. Georges Hage. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je souhaite attirer votre attention sur la situation extrêmement préoccupante des libertés et des droits de l'homme en Tunisie,...
M. Thierry Mariani. Et à Cuba ?
M. Georges Hage. ... en particulier, sur le sort réservé à la justice dans ce pays. J'en veux comme une illustration des plus récentes la condamnation extrêmement lourde infligée ce 2 février à M. Hammami et à trois autres opposants. Le déroulement même du procès constitue, à l'évidence, un déni de droit caractérisé.
Ces militants du parti communiste (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et ouvrier de Tunisie, auxquels se plaît à rendre hommage le tenant de l'internationalisme prolétarien que je demeure (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs),...
M. Guy Teissier. Nous voilà rassurés !
M. Georges Hage. ... ont eu le courage de sortir de la clandestinité pour affronter au grand jour le régime liberticide du président Ben Ali, dans un procès qu'ils savaient perdu d'avance. Est-il meilleur exemple de vertu citoyenne ? Ben Ali le leur a bien rendu en les condamnant à onze ans d'emprisonnement, lors d'un procès niant les droits les plus élémentaires de la défense, ainsi que l'a souligné Pierre Lyon-Caen, un des plus hauts magistrats français, envoyé sur place par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme.
L'interdiction d'exercer faite au juge Yahyaoui confirme, si besoin était, le mépris affiché en Tunisie à l'égard des règles essentielles de l'Etat de droit et d'une justice digne de ce nom.
M. Richard Cazenave. Vous préférez les intégristes ?
M. Georges Hage. N'y a-t-il pas lieu, mes chers collègues, de s'interroger sur l'émergence précaire du droit, instrument privilégié de la démocratie dans les trois pays d'Afrique du Nord hier colonisés, et, de la sorte, de contribuer à la philosophie de l'histoire, dût-elle être autocritique ?
Pour l'heure, monsieur le ministre, prévoyez-vous d'intervenir auprès des autorités tunisiennes pour obtenir la levée des peines et des interdictions infligées à M. Hammami, à ses camarades et à M. Yahyaoui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Richard Cazenave. Il faut être insoupçonnable pour donner des leçons aux autres !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Pierre Lellouche. Après la démographie, nous allons avoir droit à un exposé sur la démocratie en Tunisie !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous m'avez interrogé sur la situation de M. Hammami, qui, le 2 février, à Tunis, a fait l'objet d'une condamnation au nom d'activités contraires à la loi tunisienne. Je ne porte pas ici d'appréciation sur ces activités, pas plus que sur le verdict, mais je dois dire que je suis vraiment préoccupé par les informations que j'ai reçues sur la manière dont le procès s'est déroulé, et j'ai été très attentif aux réactions, nombreuses, qu'il a suscitées. J'ai donné instruction à notre ambassade de continuer à suivre sa situation avec attention, comme nous le faisons dans tous les cas de cette nature, que ce soit dans ce pays ou ailleurs.
D'une façon plus générale, je considère - et j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici et aux plus hautes autorités tunisiennes - que la Tunisie, en raison même des remarquables progrès qu'elle a réalisés ces dernières années dans les domaines économique et social, et qui ne sont contestés par personne, pas même par les opposants, pourrait se permettre, devrait se permettre une plus grande ouverture en matière de libertés publiques. Elle y aurait tout intérêt.
M. Pierre Lellouche. Comme c'est bien dit !
M. Richard Cazenave. Et comme c'est facile à dire !
M. le ministre des affaires étrangères. C'est ce que nous souhaitons de ce pays ami.
M. Pierre Lellouche. Bravo !
M. le ministre des affaires étrangères. Il va de soi que la situation des droits de l'homme fait partie intégrante de notre dialogue politique avec la Tunisie. Nous y sommes profondément attachés, comme partout ailleurs dans le monde, et j'espère que ce mouvement se dessinera et se renforcera en Tunisie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. Voilà une politique étrangère claire !
Auteur : M. Georges Hage
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 février 2002