intégration en milieu scolaire
Question de :
M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 20 février 2002
SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe du Rassemblement pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République - Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. Je reste confondu devant la logique de Mme Guigou : comment un pays qui travaille moins peut-il travailler plus ? Sans doute nous l'expliquera-t-elle lors de sa prochaine campagne électorale dans le 93 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Ma question concerne la scolarisation des enfants handicapés et s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ou à Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Vous n'êtes pas sans savoir que la loi de 1975 sur le handicap prévoyait que les enfants et adolescents handicapés recevraient soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale déterminée en fonction des besoins de chacun d'eux.
Vingt-sept plus tard, à en croire les chiffres des associations spécialisées dans le handicap des enfants et auxquelles je veux rendre hommage ici, 15 000 enfants dans notre pays sont abusivement déscolarisés, 40 000 autres sont placés, tout aussi abusivement, dans des structures spécialisées. Encore les parents doivent-ils subir, en plus de la souffrance des enfants et de leur propre douleur, l'humiliation d'interminables parcours du combattant, renvoyés d'un service à l'autre, transférés de commission en commission pour découvrir le plus souvent que leurs enfants n'ont de place ni dans le système scolaire classique ni dans des établissements spécialisés, au demeurant cruellement insuffisants. Beaucoup de ces parents sont à bout ; certains organisent même ces jours-ci des grèves de la faim pour protester contre cette injustice intolérable. Si vous me le permettez, je voudrais vous lire les témoignages de trois mères, recueillis par l'association les Papillons Blancs située rue Blanche, dans ma circonscription. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je vous demande un peu de silence et de dignité. (Exclamations sur les mêmes bancs.) C'est à se demander quel sujet peut vous toucher ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Mes chers collègues, essayez de faire la démonstration qu'il est possible d'écouter sans bruit...
M. Pierre Lellouche. Je vous remercie, monsieur le président.
M. le président. Ne serait-ce pas le meilleur des exemples, monsieur Lellouche ?
M. Pierre Lellouche. Mme H, pour son fils : « Nous demandons que Benjamin puisse enfin être pris à part entière dans un établissement en externat sur Paris. La situation actuelle qui consiste à le faire rester à treize ans à la maison à 95 % de son temps conduit purement et simplement à le laisser mourir sur pied. »
Que dire de cet autre témoignage : « J'ai contacté tous les établissements que l'on m'a conseillés et aucun ne m'a donné même un espoir de place, même d'un mi-temps. Je suis désespérée. Mon fils devient agressif et toute la famille souffre. Aujourd'hui, j'appelle au secours, car je ne sais plus vers qui me tourner. »
Dernier témoignage : « Nous voulons à tout prix que notre enfant autiste puisse accéder à une éducation, car c'est son droit. C'est notre souci principal depuis que, à l'âge de dix-huit mois, on nous a annoncé ce diagnostic gravissime. La liste de mes démarches pour trouver un établissement est très longue. Par ailleurs, il a une petite soeur en bas âge qui a aussi besoin de toute mon attention, surtout dans ces conditions. »
M. le président. Votre question, monsieur Lellouche, s'il vous plaît.
M. Charles Cova. Le sujet est important !
M. Pierre Lellouche. Je termine. Madame la ministre, depuis cinq ans, vous avez multiplié les promesses. Il y a trois ans, vous avez même lancé un plan Handiscol. Pourquoi ces promesses n'ont-elles pas été tenues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
M. Charles Cova. Ne dites pas que c'est nous ! Les promesses, c'est vous qui les avez faites !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le député, le Gouvernement s'est fixé un impératif : l'école de la République doit accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs différences. Vous l'avez rappelé à l'instant, c'est moi-même qui ai créé le plan Handiscol lorsque j'étais ministre déléguée à l'enseignement scolaire. Je crois pouvoir dire que, depuis, la France rattrape son retard dans ce domaine. Grâce au travail que nous avons effectué avec le ministre de l'éducation nationale, ce sont 2 000 enfants supplémentaires qui, à la rentrée dernière, ont été accueillis en milieu scolaire ordinaire suite à la création de 1 000 auxiliaires d'intégration supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Nous allons poursuivre cet effort à la rentrée prochaine.
M. Charles Cova. Vous ne serez plus là !
Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. J'ai le plaisir de vous annoncer que 1 000 nouveaux emplois d'auxiliaires d'intégration seront alors mis en place, ce qui nous permettra d'accueillir 4 000 enfants supplémentaires. (Mêmes mouvements.)
Mais cet effort appelle aussi celui des collectivités locales :...
M. Arnaud Lepercq. Evidemment !
Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. ... les mairies doivent accueillir les enfants à l'école primaire, notamment en effectuant des travaux d'accessibilité. Les conseils généraux sont encore trop peu nombreux à avoir créé dans les collèges, des unités d'intégration qui permettraient à l'école de la République d'être l'école de tous les enfants ? (Mêmes mouvements.)
En définitive, nous aurons doublé le nombre d'enfants accueillis dans l'école de la République. Cet effort doit être poursuivi. Il le sera, les moyens sont mis en place.
Mais c'est aussi aux parents d'élèves qu'il faut s'adresser aujourd'hui pour qu'ils accueillent toutes les différences dans cette école. Ma conviction profonde. c'est que l'accueil d'un enfant différent n'est pas un acte de charité, mais une chance pour l'école, une chance pour tous les autres élèves (Mêmes mouvements)...
M. Lucien Degauchy. Et gnagnagna ! Et gnagnagna !
Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. ... qui vivent ainsi une école de la citoyenneté et suivent une leçon d'éducation civique en grandeur nature. La présence à l'école d'enfants différents profite à tous les élèves : des chercheurs ont montré que, loin d'abaisser le niveau de la classe, en approfondissant l'écoute des autres élèves, en approfondissant l'attention portée par les enseignants, les enfants différents élèvent au contraire le niveau scolaire des écoles qui les accueillent.
Mme Christine Boutin. Très bien !
Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. L'école doit ouvrir ses bras, ses fenêtres à tous les enfants pour qu'elle s'enrichisse de toutes les différences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Christian Jacob. Des promesses ! Toujours des promesses !
Auteur : M. Pierre Lellouche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : famille, enfance et personnes handicapées
Ministère répondant : famille, enfance et personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2002