sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Charles Ehrmann
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 21 février 2002
CIVISME
M. le président. Pour ouvrir cette dernière séance de questions de la législature, je suis heureux de donner la parole à notre doyen, M. Charles Ehrmann. (Mmes et MM. les députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance se lèvent et applaudissent M. Ehrmann.)
M. Charles Ehrmann. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En cette dernière séance de questions au Gouvernement de la législature, c'est en tant que doyen de l'Assemblée que je souhaite m'exprimer.
Elu presque sans discontinuer depuis 1976, j'ai éprouvé beaucoup de satisfaction et de plaisir à être parmi vous - ces mêmes sentiments que vous venez de me manifester - et aussi à remplir ma mission de législateur.
Pour ma dernière question, je souhaite vous faire part de la tristesse qui m'envahit face à la perte de sens civique au sein de la société française.
En tant qu'ancien professeur agrégé d'histoire et de géographie (Applaudissements sur divers bancs),...
J'ajoute, à l'intention de M. le Premier ministre que, l'année ou j'ai passé l'agrégation, nous étions vingt-cinq reçus en histoire et géographie alors que, l'an dernier, il y en a eu trois cents en histoire et quatre-vingts en géographie. (Applaudissements sur divers bancs.)
En tant qu'ancien professeur, donc, je suis choqué par le manque grandissant de respect des jeunes et des familles vis-à-vis du corps enseignant. Je suis choqué par le développement de la violence scolaire, alors que l'école est le lieu de l'apprentissage des connaissances et des valeurs. Il ne lui manque qu'une pratique des sports plus importante.
Je ne comprends pas l'action insuffisante des pouvoirs publics face à la montée de la violence dans les villes et, c'est nouveau, dans les campagnes. La démocratie, je le pense très sincèrement, est en danger quand la sécurité au quotidien n'est plus garantie.
En tant qu'ancien adjoint qui a fait beaucoup pour le sport à Nice, en tant qu'ancien résistant et orphelin de la guerre de 1914-1918, j'ai été profondément blessé par les sifflements contre La Marseillaise, notre hymne national, lors d'un match. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Je suis triste quand je vois des gendarmes, défenseurs de l'ordre, manifester dans la rue car ils n'ont plus les moyens de faire leur travail. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Je suis inquiet quand j'entends la grogne monter au sein de l'armée, dont le budget a constamment reculé ces dernières années. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mon rôle de doyen est de demander aux Français de retrouver le civisme et le patriotisme afin de donner du coeur à leur communauté de destin. Mais, face à cette dégradation du sens civique, face à la montée du non-respect des valeurs, face à l'insécurité, j'ai le sentiment que le Gouvernement n'assume pas clairement, efficacement, ses responsabilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Charles Ehrmann. Pour conclure,...
M. le président. Oui !
M. Charles Ehrmann. ... en me rappelant que vous me dites tous : « Bonjour, doyen ! », je vous souhaite à toutes et à tous de vous trouver à quatre-vingt-dix ans dans mon état, en gardant autant que moi la passion de la France, de la République et de l'Europe. (Mmes et MM. les députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Pour cette dernière séance de questions d'actualité de la session et de la législature, c'est un plaisir, monsieur le doyen, de répondre moi-même à la première de ces questions, que vous avez voulu m'adresser directement.
Je ne vous répondrai pas comme un collègue, maître de conférences s'adressant avec respect à un agrégé, mais comme Premier ministre. Et c'est pour moi l'occasion agréable, tout simplement, de vous saluer tous et de vous dire au revoir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Un député du groupe RPR. Adieu ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le Premier ministre. Je ne serai plus à ce banc dans quelques mois. A ce banc où, pendant cinq ans, chaque mardi et chaque mercredi, sauf d'exceptionnels déplacements à l'étranger, j'ai répondu à vos questions avec les membres du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mon propos n'est pas de tirer devant vous un bilan politique. Mais soyez sûr au moins, monsieur Ehrmann, que, sans partager tous les points de vue que vous avez exprimés, j'ai le même engagement que vous pour l'esprit de civisme, pour le respect des règles et des normes de la République. Et j'espère que le débat qui va s'engager bientôt permettra, d'une certaine façon, de les renforcer encore. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
A l'occasion des 187 questions d'actualité auxquelles j'ai répondu, vous m'avez parfois, mesdames, messieurs de l'opposition, mis en difficulté.
M. Jean-Louis Debré. C'est normal !
M. le Premier ministre. Je le dis moi-même, c'est donc que je trouve cela normal. Ce qui ne l'est pas, c'est que j'aie été en difficulté, mais cela montre que vous avez parfois été efficaces. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il me semble même me souvenir qu'une fois au moins je vous ai adressé des excuses.
M. Jean-Jacques Jégou et M. René Couanau. C'est vrai !
M. le Premier ministre. Mais je garde aussi en mémoire un certain nombre de répliques que je vous ai courtoisement assénées et dont toutes ne m'ont pas semblé inefficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
J'ai, en tout cas, souhaité répondre très souvent à vos questions, et c'est une marque du respect qu'avec les membres du Gouvernement nous portons à l'Assemblée nationale.
Un député du groupe RPR. C'est la loi !
M. le Premier ministre. Il y a eu pour nous des moments de drame et d'émotion, comme le jour où notre ami Michel Crépeau a été frappé ici. Nous avons su aussi communier dans le deuil et l'indignation après l'assassinat du préfet Erignac. Le reste du temps, c'est le débat, c'est l'échange qui ont prévalu, et c'était normal.
Au moment où je vous quitte, dans cette assemblée et à ce banc, je veux remercier la majorité, je veux saluer l'opposition, je veux saluer la représentation nationale tout entière. J'adresse mes remerciements à Laurent Fabius qui fut votre premier président, et à Raymond Forni, qui siège aujourd'hui au perchoir. Je remercie l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale pour leur assiduité et leur professionnalisme. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mesdames, messieurs les députés, chacun et chacune avec vos convictions, de la majorité ou de l'opposition, vous avez été des acteurs vivants de cette onzième législature. En mon nom personnel et au nom du Gouvernement, je veux saluer à travers vous, et à l'intention de tous ceux qui nous écoutent, au-delà même de cet hémicycle, le rôle essentiel du Parlement dans la vie démocratique de notre pays. Je souhaite à tous bonne chance. (Les députés du groupe socialiste et de nombreux députés du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Georges Hage. Bla-bla-bla !
M. le président. Mes chers collègues, nous pourrions nous arrêter là, mais il y a d'autres questions.
Auteur : M. Charles Ehrmann
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 février 2002