Banque de France
Question de :
M. Pierre Goldberg
Allier (2e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 1998
M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg.
M. Pierre Goldberg. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ici et ailleurs, les députés et les sénateurs ne cessent de vous interroger sur la situation de la Banque de France. Vous êtes également interpellé par les salariés et leurs syndicats à propos du plan du gouverneur prévoyant la suppression de 90 caisses et de 827 emplois.
Vous ne cessez de répondre que les suppressions de caisses prévues ne se traduiront ni par des licenciements ni par des fermetures de succursales. Pourtant, ni les craintes des parlementaires, semble-t-il, ni celles des personnels, assurément, ne s'estompent.
Pour ma part, j'ai longuement rencontré l'intersyndicale de l'Auvergne. Ces salariés ont démonstré que la fermeture d'une caisse, c'est inévitablement la déstablilisation d'une succursale et, à terme, sa disparition.
La restructuration de la Banque de France conduit à s'interroger sur son rôle et ses missions quand, dans le même temps, une nouvelle réforme de ses statuts se profile, visant à couper tout lien avec la politique nationale.
Comment ne pas s'interroger quant aux conséquences d'une telle réforme ? La Banque de France sera-t-elle encore demain une banque centrale de plein exercice, capable de mobiliser la politique monétaire et la politique du crédit, au profit de la croissance et de l'emploi ?
Et, si l'euro advient, la Banque de France sera-t-elle toujours capable d'assurer ses missions de service public liées à l'émission monétaire et à l'approvisionnement ?
L'attitude du gouverneur de la Banque de France justifie les craintes des salariés en lutte et des élus sur le devenir du service public, l'emploi et la place de la banque comme pôle structurant du territoire.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à faire jouer le droit de veto dont dispose le Gouvernement auprès du conseil général de la Banque de France afin d'obtenir, comme vous le demandent les maires et les parlementaires directement concernés, le retrait pur et simple du plan Trichet, et à recevoir ces élus ?
Le Gouvernement est-il décidé à organiser sans retard un débat au Parlement sur les conditions qui doivent être réunies pour que la banque joue pleinement son rôle au service de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je puis vous rassurer. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Lorsque le projet de restructuration des succursales de la Banque de France a été connu, le Gouvernement a agi avec une grande détermination.
M. Alain Barrau. Très bien !
M. Robert Pandraud. Démagogie !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a demandé à la direction de la Banque de France de n'engager aucune réforme avant qu'un dialogue social approfondi n'ait été conduit.
M. Robert Pandraud. Cela ne sert à rien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce dialogue a débuté le 15 janvier.
J'ai fait recevoir à mon ministère des délégations syndicales et je suis évidemment à la disposition des élus pour rencontrer ceux d'entre eux qui le souhaiteraient.
Le Gouvernement fait preuve d'une grande fermeté sur trois points.
Premièrement, l'emploi: en aucun cas le plan de restructuration ne doit entraîner de licenciements.
Deuxièmement, l'aménagement du territoire: en aucun cas ce plan ne doit conduire à la fermeture de succursales.
Troisièmement, la qualité du service public: ce critère doit dicter les éléments de la réforme.
Comme vous l'avez souligné, la fermeture de tel ou tel service peut déstabiliser une succursale et il faut par ailleurs accroître les missions de la Banque de France. C'est dans cet esprit que le projet de loi sur l'exclusion que vous présentera Martine Aubry, texte qui comportera un titre sur le surendettement, confiera à la Banque de France et à ses succursales des missions nouvelles en matière de traitement du surendettement des ménages en difficulté.
J'en viens à la deuxième partie de votre question.
Nous sommes dans la phase qui conduit notre pays à s'engager dans une grande évolution, approuvée par référendum voilà quelques années. Mais nous savons aussi que nous avons voulu qu'il y ait une inflexion et que le Gouvernement s'était fixé quatre conditions pour que le passage à l'euro soit une réussite.
Première condition: que le plus grand nombre possible de pays soient partenaires, notamment l'Italie et l'Espagne. C'est le cas.
Deuxième condition: que l'euro ne soit pas surévalué par rapport au dollar. C'est le cas.
Troisième condition: qu'une instance réunissant des responsables politiques chargés d'orienter la politique économique de l'Union soit créée. Le Conseil de l'euro a été mis en place à la demande de la France.
Quatrième condition, enfin: que la politique européenne soit réorientée en faveur de l'emploi. Le dernier sommet a montré que c'était aussi le cas.
Dans ces conditions, les aménagements techniques du statut de la Banque de France résultant de l'application du traité devront être réalisés, à l'instar de ce qui se fait aujourd'hui dans les autres pays de l'Union. Bien entendu, le Parlement sera saisi en temps utile d'un texte en ce sens, et ce sera l'occasion d'avoir le débat que, bien légitimement, vous réclamez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Pierre Goldberg
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 1998