Question au Gouvernement n° 350 :
durée du travail

11e Législature

Question de : M. François d'Aubert
Mayenne (1re circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 1998

M. le président. La parole est à M. François d'Aubert, pour une question brève.
M. François d'Aubert. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, vous essayez de faire croire aux Français que la réduction de la durée du travail entraînera des centaines de milliers de créations d'emplois («Eh oui !» sur les bancs du groupe socialiste), en vous appuyant sur des études de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, de la Banque de France - études qui ne sont d'ailleurs pas assumées par les directions de ces organismes - et de la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances. Ces études reposent sur des hypothèses dictées par vos services,...
M. Serge Janquin. Vous vous répétez ! Vous l'avez déjà dit hier !
M. François d'Aubert. ... lesquelles impliquent toutes une baisse ou un gel des salaires sur les cinq années à venir.
M. Arnaud Lepercq. C'est la paupérisation !
M. François d'Aubert. Mais d'autres scénarios, qui émanent des mêmes organismes et figurent dans les documents que j'ai entre les mains, scénarios dont vous vous gardez bien de parler, montrent que la réduction autoritaire de la durée du travail se traduira au contraire en 1999, 2000, 2001 et 2002 par la suppression - je dis bien la suppression - de centaines de milliers d'emplois...
M. Serge Janquin. C'est faux !
M. Arthur Dehaine. Non, c'est vrai !
M. François d'Aubert. ... s'il n'y a pas une baisse ou un gel du pouvoir d'achat des salariés, c'est-à-dire si ces derniers ne consentent pas des sacrifices financiers, s'il n'y a pas de modération salariale pendant près de cinq ans.
Mme Odette Grzegrzulka. La question !
M. François d'Aubert. Ainsi, l'OFCE évoque le scénario de 362 000 suppressions d'emplois sur les cinq prochaines années et de 537 000 suppressions d'emplois sur les dix prochaines années.
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. François d'Aubert. Ainsi, la Banque de France évoque le scénario de 343 000 suppressions d'emplois sur les trois prochaines années.
M. Christian Bourquin. La question !
M. François d'Aubert. Ainsi, la direction de la prévision du ministère des finances,...
M. le président. Vous pouvez poser votre question, monsieur d'Aubert.
M. François d'Aubert. ... citée par le M. le ministre de l'économie et des finances - je ne sais d'ailleurs pas si vous approuvez ce chiffre, madame le ministre -,...
M. Christian Bourquin. La question !
M. François d'Aubert. ... prévoit 20 000 suppressions d'emplois sur les cinq prochaines années.
M. le président. Voulez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?
M. François d'Aubert. J'y arrive, monsieur le président.
Madame le ministre, pourquoi, dans un souci de transparence, ne pas faire état de ces études qui donnent un autre son de cloche ?
Pourquoi ne parlez-vous pas de la face cachée de la réduction de la durée du travail, des hypothèses qui prévoient, sur cinq ans la suppression de centaines de milliers d'emplois et une aggravation du chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse brève.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, toutes ces hypothèses figurent dans le document qu'a publié le ministère du travail dès qu'ont été connus les résultats des études conduites par l'OFCE et la Banque de France. Donc, ne prétendez pas que je les cache puisque vous avez lu un document émanant du ministère du travail ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Ce document, je l'ai dit hier devant l'Assemblée et je l'avais déjà dit en commission, met sur la table - et je crois que c'est une bonne chose pour la démocratie, s'agissant du lancement d'une réforme aussi importante que celle des 35 heures - toutes les hypothèses, toutes les données des modèles économiques.
Nous avons demandé à la Banque de France comme à l'OFCE, je le répète, de tester ces hypothèses, c'est-à-dire d'apprécier le champ de la loi. Qu'auriez-vous dit si je ne l'avais pas fait ? Soyons sérieux !
A partir de ces hypothèses, les deux organismes en question ont établi des prévisions en fonction des gains de productivité, de la modération salariale et du champ de l'activité.
Qu'ai-je dit ? Qu'a dit le ministre de l'économie et des finances ?
M. Arthur Dehaine. M. Strauss-Kahn n'a pas dit grand chose !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Que les études devaient nous éclairer. Il ne s'agit pas de pronostics ! Concernant la durée du travail, on ne joue pas aux dés !
M. Arnaud Lepercq. Vous jouez avec l'emploi !
M. Arthur Dehaine. A la roulette russe !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous préparons un processus sérieux, permettant de créer au mieux des emplois !
Ces études nous indiquent que, si la productivité est de l'ordre de 3 % - ce que prévoit d'ailleurs la loi Robien -, si nous arrivons à changer l'organisation du travail en introduisant des modulations permettant plus de souplesse, si les salariés...
M. Arnaud Lepercq. Que de «si» !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... percevant des moyens et des hauts salaires acceptent durant deux ans de n'être augmentés que de 2 % au lieu de 3 % - c'est également prévu dans la loi Robien -, un maximum d'emplois seront créés: 400 000 dans les entreprises de plus de vingt salariés, 700 000 dans celles de moins de vingt salariés.
Nous éclairons le débat sur les conditions qui doivent être remplies pour que la réduction de la durée du travail crée le plus d'emplois possible.
Permettez-moi, enfin, de vous faire remarquer, monsieur le député, que j'aurais souhaité vous voir soutenir autant les salariés quand, en 1996, leur pouvoir d'achat a, selon l'INSEE, baissé de 1,2 % à cause des prélèvements que vous avez opérés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Christian Cabal. Pour rembourser vos dettes !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Grâce à nous, dès la fin du mois de janvier, des millions de salariés vont bénéficier d'une augmentation de 1,1 % de leur pouvoir d'achat grâce au transfert de la cotisation salariale d'assurance maladie sur la CSG ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.)
M. Philippe Auberger. C'est faux !
M. Charles Cova. Chiffres, mensonges et vidéo !

Données clés

Auteur : M. François d'Aubert

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 1998

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