Question au Gouvernement n° 358 :
fonctionnement

11e Législature

Question de : M. Patrick Devedjian
Hauts-de-Seine (13e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 1998

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian.
M. Patrick Devedjian. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Une série de faits me laisse perplexe.
Premier fait: le parquet de Paris poursuit devant la chambre d'accusation l'annulation d'une commission rogatoire internationale qui met en cause un très haut personnage de l'Etat proche de la majorité actuelle.
Deuxième fait: le chef de ce parquet vient de faire l'objet d'une promotion flatteuse,...
M. Arnaud Montebourg. Votre intervention est scandaleuse !
M. Patrick Devedjian. ... après être resté un temps inhabituellement court à un poste, le laissant ainsi vacant alors qu'il est sensible.
Troisième fait: la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse vient d'être évincée alors qu'elle est restée deux ans à peine à son poste, ce qui est également inhabituel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Quatrième fait: le poste de premier avocat général près la Cour de cassation est disponible. Or il se trouve que c'est en même temps celui de numéro deux du parquet près la Cour de justice de la République. Le Gouvernement propose d'y nommer un magistrat qui est certes de qualité, mais qui a passé onze ans dans les cabinets ministériels socialistes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Ma question est simple: le rapprochement de ces faits est-il dû à la seule malignité de l'opposition ou bien, plus simplement, le Gouvernement a-t-il décidé de reprendre en main politiquement l'appareil judiciaire ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
J'aimerais, madame le garde des sceaux, obtenir d'autres réponses que des quolibets concernant le passé (Vives exclamations sur les mêmes bancs) et des autoproclamations de vertu concernant le présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et l'hélicoptère, vous vous souvenez ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai proposé au conseil des ministres, qui les a acceptées, quatre nominations.
D'abord deux nominations de directeur de mon administration centrale.
La première a été celle de M. Jean-Louis Nadal comme inspecteur général des services judiciaires. Le poste était vacant depuis qu'un décret du 30 mai 1997, paru au Journal officiel de la République, en avait évincé M. Geronimi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le remplacement de ce dernier a été sérieusement médité puisque nous avons mis six mois avant que M. Jean-Louis Nadal, anciennement procureur général à Aix-en-Provence, ne soit nommé à ce poste.
La seconde nomination a eu pour but de pourvoir le poste de directeur de la protection judiciaire de la jeunesse. Vous savez à quel point ce poste est important à un moment où nous devons être beaucoup plus efficaces dans la lutte contre la délinquance des jeunes. Mme Cécile Petit, qui occupait ce poste, m'avait fait savoir, au mois de novembre dernier, qu'elle souhaitait être nommée avocat général à la Cour de cassation. Considérant que je pouvais faire droit à cette demande, qui représente une importante promotion pour elle, j'ai saisi, dès le mois de décembre, le Conseil supérieur de la magistrature de la candidature de Mme Cécile Petit. J'espère qu'il rendra, la semaine prochaine, un avis favorable à cette nomination.
En remplacement de Mme Petit, j'ai proposé au conseil des ministres Mme Sylvie Perdriolle. Cette magistrate occupait un poste important au tribunal de Paris, et elle a fait une grande partie de sa carrière à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
A propos de ces deux nominations au sein de mon administration centrale, convenez qu'il n'est pas anormal qu'un ministre puisse choisir ses collaborateurs, surtout s'il prend son temps, et s'il s'assure que ce sont des gens de qualité et que ceux qui partent sont nommés à des postes qu'ils ont souhaités.
Les deux autres nominations sont celles de deux procureurs généraux. Il s'agit de postes très importants de la haute magistrature française car, vous le savez, il n'y en a que trente-cinq en France.
Le poste de procureur général de Dijon, qui était vacant à la suite d'un départ à la retraite, a été pourvu par Mme Andrée Gervais de Lafond, qui était auparavant première présidente à Papeete et qui, de fait, devient la seule femme procureur général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
Mme le garde des sceaux. Le second poste de procureur général qui devait être pourvu était celui d'Aix-en-Provence, laissé vacant par la nomination de M. Nadal. Or, il y a quelques semaines, M. Bestard, procureur de Paris, m'a fait savoir qu'il était candidat. Il n'était pas le seul, certes, mais il m'a paru que sa nomination était envisageable, M. Bestard ayant déjà occupé plusieurs postes de procureur général, dont celui de Paris - et Dieu sait si ce poste est important !
Vous avez évoqué, monsieur le député, la décision prise récemment par M. Bestard de contester la régularité de deux actes de procédure pris par deux juges d'instruction actuellement chargés des enquêtes concernant l'affaire Elf, et notamment Mme Deviers-Joncour.
Le procureur de Paris, sans en référer à la Chancellerie, et sans que j'aie d'ailleurs eu l'idée de lui conseiller quoi que ce soit, a estimé, de sa propre initiative, que ces deux actes de procédure - dont la commission rogatoire que vous avez évoquée - pris avant que les juges d'instruction en question ne soient saisis de l'affaire Deviers-Joncour, pouvaient être illégaux parce qu'ils excédaient, au moment où ils ont été pris, la saisine des juges d'instruction.
Le procureur de Paris a agi, je le répète, de sa seule inititive sans la moindre intervention de la Chancellerie.
Que va-t-il se passer maintenant ? La chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris est saisie et elle devra dire si cette contestation de régularité est légitime ou non.
Si elle ne la juge pas légitime, la procédure continuera. Si elle la juge légitime, rien n'empêchera les juges, qui sont maintenant saisis de l'affaire, de repartir sur de nouvelles bases saines, ce qui évitera le risque qu'une irrégularité, encore éventuelle, n'aboutisse à l'annulation de toute la la procédure.
Bien que M. Bestard ne m'ait pas demandé mon avis, il me semble donc que sa réaction rapide a plutôt été de nature plutôt à empêcher que la procédure ne traîne que, comme vous semblez le suggérer, d'empêcher les juges d'instruction de poursuivre leurs légitimes investigations. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Patrick Devedjian

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 1998

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