Question au Gouvernement n° 36 :
établissements publics et privés

11e Législature

Question de : M. Jean Rigal
Aveyron (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 1997

M. le président. La parole est à M. Jean Rigal.
M. Jean Rigal. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, la semaine dernière, la revue périodique Sciences et avenir a publié le résultat d'une enquête qu'elle a réalisée et qu'elle a intitulée «La liste noire des hôpitaux français». Cette liste noire comprend 478 établissements sanitaires dans lesquels des dysfonctionnements menaceraient ou seraient susceptibles de menacer la santé des patients qui les fréquentent. A lire en détail cette enquête, on peut avoir l'impression que ces établissements, pour la plupart des hôpitaux secondaires publics, traitent surtout des infections nosocomiales, des maladies iatrogènes ou des bavures post-opératoires.
Quoi qu'il en soit, les résultats de cette enquête ont été très largement diffusés par tous les moyens d'information, nationaux, régionaux et locaux, et ont été perçus comme un véritable désaveu et une menace dans tous les hôpitaux secondaires de nos provinces. Je viens de la région Midi-Pyrénées, et plus particulièrement du département de l'Aveyron qui comporte cinq hôpitaux, mais la situation est la même dans toutes les autres provinces.
Depuis lors, des responsables hospitaliers, qu'il s'agisse de présidents de conseil d'administration, de directeurs d'établissement ou de représentants syndicaux des divers personnels, ont réagi, chacun sur les lieux où ils travaillent, en tenant des conférences de presse, en réalisant des interviews et en publiant des articles pour tenter de rassurer les populations et de lever le doute.
C'est la première conséquence grave de cette enquête dont je ne mets pas en doute la validité quant au fond, mais dont je redoute l'utilisation des résultats. D'autant - deuxième conséquence - que les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation créées par l'ordonnance du 24 avril 1996 de M. Juppé, et opérationnelles depuis le 1er mars 1997, avec sans doute pour objectif de détruire un certain nombre d'hôpitaux secondaires, d'autant que les directeurs de ces agences, donc, ont trouvé un deuxième souffle dans l'électrochoc qu'a causé la publication de cette enquête, et ils sont repartis de plus belle.
D'où mes trois questions.
Pensez-vous pouvoir redonner, en 1998, aux budgets globaux des centres hospitaliers publics un taux directeur suffisant pour desserrer le garrot qui les étrangle ?
N'estimez-vous pas urgent de réhabiliter les hôpitaux secondaires publics et de tout mettre en oeuvre pour faire cesser le dénigrement systématique et souvent injustifié qui s'abat sur eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Envisagez-vous de maintenir les agences régionales de l'hospitalisation, dont la vision purement comptable d'une gestion hospitalière stricte ne correspond nullement aux objectifs et aux exigences d'une authentique politique de la santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le député, je vous engage à ne pas prendre pour argent comptant la publication à laquelle vous venez de faire allusion, mais je vous engage à réfléchir tout de même à son contenu. («Ah !» sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Autant le croisement des chiffres publiés peut être discutable pour tel ou tel établissement, autant, monsieur le député, la préoccupation demeure.
Vous avez, par exemple, parlé des infections nosocomiales, les infections que l'on attrape à l'hôpital. Chaque année, elles tuent 10 000 de nos concitoyens. Ce n'est pas rien. Pour autant, il est évident que le tissu hospitalier français demeure parfaitement acceptable, voire performant. Simplement, il faut qu'il le soit pour tous, que les services s'équilibrent, que les hôpitaux dits de proximité, souvent indispensables, comprennent la nécessité de fonctionner non pas seuls, mais avec d'autres. Il faut aussi que chacun de ces établissements prenne en compte ces critiques, et nous le faisons avec eux.
Je répondrai très brièvement à vos trois questions.
Vous me demandez d'abord si peut être fixé un taux directeur qui permettrait à ces hôpitaux de respirer. Oui, et Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a communiqué les chiffres à la commission des comptes de la sécurité sociale, lesquels permettront surtout au personnel qui a été un peu étranglé, il faut le dire, de respirer et à l'hôpital de s'adapter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Calmat. Très bien !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. C'est un premier résultat. Il n'est pas suffisant. Il y a aussi la médecine libérale, mais nous n'avons pas le temps d'en parler.
La deuxième partie de la question - je n'aurai pas le temps non plus de consacrer un temps suffisant à la réponse - concerne les hôpitaux de proximité. Ils seront maintenus mais jamais aux dépens de la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Ils doivent bénéficier de notre effort, mais vous comprendrez qu'il en sera ainsi seulement si les services ne sont pas dangereux pour les patients. Nous n'arriverons pas, monsieur le député, à maintenir la proximité pour tous et la sécurité pour tous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Il faut que les hôpitaux le comprennent, le fonctionnement, désormais, ne doit pas se faire en solitaire mais en réseau avec les hôpitaux publics. Il faut aussi la complémentarité des services et des programmes avec le privé. Pour cela, il nous faut du temps. La petite démonstration - incomplète - que nous avons faite à Pithiviers devrait vous prouver que nous ne souhaitons fermer en aucun cas les services nécessaires à la population. Au contraire.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. Et la sécurité ?
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Dernier point, les agences régionales. Elles ne sont pas chargées - en tout cas telle n'est pas la politique de ce Gouvernement - de mettre en place une maîtrise comptable, mais d'être beaucoup plus proches des besoins des Français en examinant le trajet des malades ainsi que la complémentarité des bassins hospitaliers et celle des établissements.
Il faudra poursuivre alors la méthode que je viens de décrire. Je vous signale que, d'ores et déjà, la ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même avons réactivé les schémas régionaux d'organisation sanitaire avec un nouveau comité de pilotage comprenant des personnalités régionales. Tout cela, je l'espère, répond à votre question: la proximité, oui, la fermeture systématique et comptable, non, la sécurité, toujours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean Rigal

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 1997

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