Question au Gouvernement n° 365 :
politique de l'énergie

11e Législature

Question de : M. François Dosé
Meuse (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 4 février 1998

M. le président. La parole est à M. François Dosé.
M. François Dosé. Monsieur le Premier ministre, au fil des mois, les déclarations plurielles et les voeux parfois contradictoires concernant la production énergétique, la gestion des déchets radioactifs («Ah !» sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République) à vie longue et d'autres activités se sont multipliés.
Au lendemain de la réunion interministérielle consacrée au nucléaire, pouvez-vous m'apporter des réponses aux questions suivantes.
Oui ou non, le Gouvernement invitera-t-il en 1998 le Parlement à tenir un débat sur la donne et les perspectives énergétiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Arnaud Lepercq. Un vrai débat !
M. François Dosé. Oui ou non, les trois voies d'investigation prévues par la loi seront-elles, en 1998, équitablement soutenues grâce à une mobilisation des crédits permettant de mener trois types de recherche, sans a priori abandonner ou privilégier l'une d'entre elle ?
Oui ou non, serons-nous capables, en 1998, de définir juridiquement la réversibilité ?
Enfin, oui ou non, des outils institutionnels indépendants permettront-ils de mettre en oeuvre une évaluation, une information, un contrôle démocratique faisant fi des lobbies économiques, financiers ou politiques dans le domaine nucléaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, comme vous l'avez rappelé, autour du Premier ministre s'est réuni hier un comité interministériel visant à définir des choix énergétiques pour la France en matière nucléaire et de diversification des énergies.
A cet égard, il convient d'abord de souligner que le choix nucléaire qui a été effectué par la France dans les années 70 s'est révélé un bon choix («Tiens !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), aussi bien du point de vue du coût de l'énergie en rendant nos entreprises compétitives, que du point de vue de l'indépendance énergétique ou de l'environnement. Je me permets de vous rappeler que, durant ces vingt dernières années, notre pays a vu ses émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère diminuer de 20 % et celles de dioxyde de soufre de 60 % (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Thierry Mariani. Grâce à qui ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Néanmoins, l'évolution des technologies et la nécessité de diversifier conduisent à opérer des choix clairs. Vous m'interrogez sur ceux-ci, je vais les énoncer.
Conformément à ce qu'il avait annoncé, le Gouvernement a choisi de décider l'arrêt définitif de Superphénix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Arnaud Lepercq. Le bradage de la technologie française !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'un instrument qui avait été prévu en d'autres temps, à une époque où la pénurie d'uranium devenait probable, parce que nous nous apercevons aujourd'hui que, tant sur le plan industriel que sur celui de la recherche, il s'agit d'un instrument trop coûteux. Pour faire de la recherche, nous avons d'autres moyens mieux adaptés. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et les emplois !
M. Arnaud Lepercq. Il faut un débat au Parlement, sanctionné par un vote !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est pourquoi à cette fermeture de Superphénix sera associé un ensemble de mesures qui permettront localement de réindustrialiser le site.
M. Jacques Myard. Baratin !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Des moyens considérables, budgétaires et bancaires, seront mobilisés en ce sens, de la part d'EDF comme de la part de l'Etat.
M. Pierre Lellouche. Les régionales approchent !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Bien entendu, aucun des salariés qui travaillent aujourd'hui directement ou indirectement sur ce site ne sera laissé-pour-compte et ne se verra pas offrir une possibilité de trouver un emploi.
M. Arnaud Lepercq. Du vent !
M. Robert Galley. C'est le corbillard qui passe !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Malgré l'importance du nucléaire, la diversification est essentielle. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de mettre fortement l'accent sur la maîtrise de l'énergie et sur les énergies renouvelables. Ainsi, 500 millions de francs seront destinés à l'ADEME - c'est plus que le doublement de ses moyens - ...
M. François d'Aubert. C'est de l'argent perdu !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... pour que des efforts soient faits dans notre pays afin que nous puissions rattraper le retard qui avait pu exister jusqu'à présent en matière de maîtrise de l'énergie et surtout d'énergies renouvelables.
M. Arnaud Lepercq. Du vent !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est vrai pour le solaire, la géothermie et pour bien d'autres types d'énergie.
Il faut aussi s'occuper de l'aval du site, et c'est plus précisément sur cet aspect que portait votre question.
Trois voies ont été définies par la loi de décembre 1991: la transmutation, autrement dit, de façon plus simple, la transformation d'éléments fortement radioactifs en éléments moins radioactifs qu'il s'agisse de neptunium ou d'américium, ou qu'il s'agisse de produits de fission; le stockage en profondeur; le stockage en surface.
Chacune des voies définies par la loi doit continuer de faire l'objet de recherches pour que, en 2006, comme la loi l'a prévu, votre assemblée puisse débattre des résultats de ces recherches et choisir ce que seront la ou les voies de la France en matière de déchets.
Pour l'heure, nous en sommes au stade de la recherche. Afin de permettre de continuer la recherche en matière de transmutation, le réacteur Phénix, qui avait été prévu pour être un réacteur de recherche, sera remis en fonctionnement. La direction de la sûreté nucléaire a considéré que cette opération pouvait se faire sans aucun danger.
Pour ce qui est de la deuxième voie, celle du stockage en profondeur, la recherche sera conduite à son terme. A cette fin, des laboratoires souterrains - je dis bien des laboratoires - seront mis en place dans un délai très rapide. Quelques éléments techniques manquent encore pour pouvoir faire le choix de leur emplacement. Ce choix aura lieu dans quelques mois, lorsque les derniers éléments en matière de conditionnement et d'empaquetage des colis seront parfaitement connus.
Pour ce qui concerne la troisième voie, celle du stockage en surface, jusqu'à présent, les recherches ont été insuffisantes. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de leur consacrer, dès 1998, 15 % de ressources budgétaires en plus de ce qui était prévu, et, en 1999, 20 % supplémentaires.
Nous ne nous arrêterons pas à ces trois voies, car une quatrième voie, qui n'est pas prévue dans la loi de 1991, mérite investigation: il s'agit du stockage en subsurface. Les instruments juridiques permettant d'étudier ce type de stockage seront bientôt mis en place pour que nous puissions avancer dans cette voie.
Il s'agit de recherches. En aucun cas, des déchets ne seront stockés. Dans dix ans, notre pays devra faire un choix et il pourra l'effectuer en toute connaissance de cause.
M. Jacques Myard. Au revoir Voynet !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, pour répondre pleinement à votre question, je précise que le Premier ministre a souhaité que, dans notre pays où le contrôle technique du nucléaire est parfaitement satisfaisant, mais où le contrôle démocratique et l'information sur ce contrôle ne sont sans doute pas suffisants, des éléments soient fournis par le Gouvernement pour mettre en place une agence indépendante qui aura vocation à effectuer tous les contrôles qu'elle jugera bons, à les rendre publics, à informer l'opinion en matière de sûreté nucléaire comme en matière de sûreté et de santé des personnels qui travaillent dans le secteur. Ce sera bientôt chose faite.
Au total, nous réaffirmons le choix du nucléaire, qui a permis notre indépendance énergétique et qui fait de nous le moins polluant des pays européens («Bravo !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française)...
M. Thierry Mariani. Grâce à qui ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... tout en mettant davantage l'accent sur la diversification de nos sources d'énergie, car le tout nucléaire n'est pas une solution. Il faut que nous avancions...
M. Arnaud Lepercq. Dans le sens du vent !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... dans la direction de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables, et que nous prévoyions de même la possibilité de substituer, demain, en semi-base, du gaz au nucléaire.
M. Bernard Accoyer. Equilibriste !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour que la loi de 1991 continue de jouer et pour organiser la transparence, le comité interministériel d'hier a redéfini une large palette de notre politique énergétique, dans le sens, je le pense, que souhaite la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jacques Myard. Ce n'est qu'un au revoir Voynet !

Données clés

Auteur : M. François Dosé

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 1998

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