coopération
Question de :
M. Alain Barrau
Hérault (6e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 février 1998
M. le président. La parole est à M. Alain Barrau.
M. Alain Barrau. Monsieur le Premier ministre, vous avez présenté ce matin au conseil des ministres une réforme de la coopération française qui, d'ailleurs, si l'on en croit les dépêches, aurait reçu un accueil très positif de M. le Président de la République. Pourriez-vous nous décrire les grandes lignes de ce projet auquel nous vous savons très attaché ? Quelles en seront les conséquences, d'une part, sur la francophonie qui nous est chère et, d'autre part, sur la question de l'aide multilatérale et celle de l'association des partenaires de la société civile qui s'intéressent aussi à la coopération ?
Par ailleurs, monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles seront les éventuelles modifications qu'entraînerait cette réforme sur le contenu ou les orientations prioritaires de notre politique de coopération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, comme je m'y étais engagé dans ma déclaration de politique générale il y a sept mois, le ministre des affaires étrangères et le secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ont présenté ce matin au conseil des ministres les grandes lignes de la réforme de la politique de coopération française, à laquelle le Gouvernement a travaillé depuis le mois de juillet de façon précise et solidaire. Cette réforme aura naturellement des conséquences pour l'Afrique - et j'ai compris que là était bien le sens de votre question.
Au cours des dernières années, le monde a connu des évolutions profondes. Des différenciations accrues se sont manifestées entre pays en voie de développement. Des aspirations à plus de démocratie se sont fait jour, notamment parmi les peuples d'Afrique.
L'Afrique elle-même a bougé. Les voyages du Président de la République, du ministre des affaires étrangères, du secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie et de moi-même sur ce continent nous ont montré la force de ces évolutions et de ces aspirations.
L'Afrique, malgré des handicaps historiques bien connus, malgré les fléaux qui la ravagent comme le sida, enregistre des taux de croissance plus élevés. Des mouvements vers la démocratie se font jour, de nouvelles élites frappent à la porte de la vie politique et sociale de ces pays. Il nous fallait prendre en compte ces évolutions au sein d'une réforme aux ambitions naturellement plus vastes, puisqu'elle concerne l'ensemble des champs dans lesquels la France mène une politique de coopération.
Voilà l'esprit dans lequel nous avons travaillé à cette réforme. Son objectif majeur est de rationaliser notre politique de coopération dont les dispositifs s'étaient progressivement, malgré les efforts de nos prédécesseurs, rigidifiés et opacifiés, au point de lui faire perdre de son efficacité et de sa cohérence.
Notre aide au développement, au sens profond du terme, sera davantage concentrée sur les pays qui en ont le plus besoin du fait de leur bas niveau de développement, de la faiblesse de leur revenu par tête, de leur incapacité à accéder véritablement aux marchés financiers pour financer leurs projets, du fait aussi de leur appartenance à une sphère historiquement, politiquement, culturellement très proche de la nôtre. C'est pourquoi la politique d'aide au développement sera concentrée sur ce que nous appelons une zone de solidarité prioritaire, qui reprendra pour commencer l'ensemble des pays actuellement bénéficiaires des crédits du Fonds d'aide et de coopération, mais dont les frontières pourront bouger, année après année, en fonction de décisions que nous prendrons en partenariat avec eux, au vu de leur évolution économique et de leur développement.
Afin de contribuer à la définition de ces orientations, un comité interministériel de la coopération internationale et du développement sera mis en place à partir d'une structure préexistante qui sera étoffée, élargie et chargée de missions plus ambitieuses. Cette réforme permettra de reconstituer un véritable pôle diplomatique placé sous l'autorité du ministre des affaires étrangères, à même de rapprocher les actuelles structures du secrétariat d'Etat à la coopération - qui deviendra, avec l'accord du Président de la République, un ministère plein conduit par un ministre délégué à la coopération et à la francophonie -...
M. Robert Pandraud. Très bien !
M. le Premier ministre. ... de celles du ministère des affaires étrangères. Ainsi pourront être intégrés les forces, les compétences humaines, les structures administratives et le capital d'expériences de ces deux traditions, et assurée une cohérence diplomatique. Nous donnerons à nos amis africains l'égalité de droits avec tous les autres pays de la planète, sans qu'ils perdent rien de notre amitié, de nos liens particuliers et de notre solidarité.
Par ailleurs, nous rapprocherons ce pôle diplomatique composé des affaires étrangères et de la coopération et placé sous l'autorité du ministre des affaires étrangères, du pôle économique et financier animé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dont on sait le rôle décisif dans le domaine du développement, notamment pour le financement des projets; par la création d'une agence de développement et de coopération, émanant elle-même de la caisse centrale. Ce rapprochement du pôle diplomatique et du pôle économique donnera toute sa cohérence à notre action que nous concevons fondée sur le dialogue.
C'est en effet avec le souci du dialogue et sur la base d'accords de partenariat que nous définirons les rapports bilatéraux avec les pays de cette zone de solidarité prioritaire, sur une base pluriannuelle afin de permettre les programmations et les projets, les financements restant quant à eux naturellement soumis à l'annualité budgétaire.
Enfin, conscients de la présence de nouveaux acteurs actifs et novateurs - organisations intergouvernementales, associations, coopératives, collectivités locales - dans la sphère de la coopération, nous les associerons à l'action de l'Etat par la mise en place d'un haut conseil de la coopération internationale. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Je précise que cette réforme, présentée au conseil des ministres ce matin, qui supposera des développements précis, la création d'instances et une traduction dès le budget 1999, a été esquissée en plein accord avec le Président de la République qui s'est associé à notre démarche. Nous la conduirons, mesdames et messieurs, avec un constant souci du contact et du dialogue, profitant de l'expérience des parlementaires de l'Assemblée nationale au premier chef, mais aussi du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Alain Barrau
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 février 1998