Question au Gouvernement n° 382 :
commerce extérieur

11e Législature

Question de : M. Yves Cochet
Val-d'Oise (7e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 5 février 1998

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne l'AMI, l'accord multilatéral sur l'investissement. Je crois que nous sommes un certain nombre ici à ne pas en connaître le contenu.
Cet accord avait commencé à être négocié lors de la transition entre le GATT et l'OMC. Mais certains Etats, effrayés par son contenu, y avaient renoncé. Finalement, c'est l'OCDE qui s'en est emparé et, dans une confidentialité, un secret incroyables, nous arrivons maintenant, nous dit-on, à une proposition d'accord qui serait signée par le Gouvernement français et d'autres gouvernements vers le mois de mai.
Le contenu est très difficile à obtenir.
M. Jean-Louis Debré. Ce n'est pas très difficile !
M. Yves Cochet. Moi, je l'ai obtenu par l'intermédiaire du téléchargement à partir du site Internet du Monde diplomatique, et il m'a inquiété et stupéfait, notamment deux dispositions: on lève toute barrière et tout contrôle pour une firme multinationale qui veut investir dans un pays signataire de l'accord; pis, une firme dont les investissements seraient impossibles en raison d'une législation, d'un droit de l'environnement, d'un code du travail ou que sais-je - toutes ces billevesées - pourrait porter plainte contre un Etat et serait jugée par le tribunal de commerce international, autrement dit des gens que nous ne contrôlons absolument pas. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Or tout cela doit être fait rapidement.
Quels sont les négociateurs français ? Où en sommes-nous dans les négociations ? Quel est l'engagement du gouvernement français et quel intérêt notre pays a-t-il à signer cet accord ? Enfin, quels en seraient les conséquences, les retentissements pour le droit du travail, les services publics, l'environnement et le secteur culturel ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vous remercie de poser cette question qui me permet de faire le point devant votre assemblée des négociations sur l'accord multilatéral sur l'investissement.
Les investissements étrangers sont essentiels pour notre croissance. Aujourd'hui, près de 30 % de l'emploi en France dépendent, directement ou indirectement, d'investissements étrangers, et chacun se souvient des plus importants qui ont eu lieu récemment: Mercedes ou Toyota.
Dans l'autre sens, la France est le troisième pays investisseur à l'étranger, et c'est également capital pour nous, car les investissements français à l'étranger sont à l'origine de flux d'exportation vers les pays où sont installées nos entreprises, et donc de travail en France.
Aujourd'hui, notre législation sur l'investissement étranger est très ouverte. A part quelques restrictions dans des domaines spécifiques - la défense, la santé -, pour lesquels il convient d'obtenir des autorisations du Gouvernement, ceux qui veulent investir en France peuvent le faire.
Que modifiera éventuellement l'accord dont vous parlez ? Il ne modifiera en rien notre législation nationale, et je vous remercie de me permettre de le préciser pour éviter toute confusion. Ce n'est pas un accord de réglementation, c'est un accord de non-discrimination: ceux qui le signeront s'engagent à ne pas traiter différemment les investissements étrangers et les investissements nationaux sur leur sol. Dans ces conditions, cela n'aura aucune influence sur notre législation, sur le droit du travail, sur le secteur public.
Allons-nous le signer ? Ce n'est pas sûr ! Nous le signerons s'il est bon ! Nous ne le signerions pas si, d'une quelconque manière, il devait remettre en cause l'exception culturelle que, jusqu'à maintenant, la France a toujours réussi à maintenir dans les accords internationaux et à laquelle elle tient, il y avait encore cette sorte de concurrence insupportable entre les pays à base de dumping social ou fiscal, ou s'il venait à légitimer les réglementations ou les législations d'exception, notamment celles des Etats-Unis - je pense à la loi Helms-Burton contre Cuba, ou à la loi d'Amato contre l'Iran. Nous avons donc mis de très nombreuses conditions pour que ce soit un bon accord. S'il n'est pas bon, la France ne le signera pas.
Cela dit, l'information sur la négociation doit en effet être la plus large possible. C'est mon ministère qui mène cette négociation, je pense que cela vous rassure, monsieur le député. (Sourires.)
Je signale à ceux d'entre vous qui souhaiteraient plus d'informations sur le déroulement de la négociation que le secrétariat de l'OCDE en diffuse très régulièrement. Vous êtes informaticien, monsieur Cochet, et vous avez trouvé l'information sur le site Internet du Monde diplomatique. Vous auriez pu aller directement sur celui de l'OCDE. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Yves Cochet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 février 1998

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