algériens
Question de :
M. Alain Veyret
Lot-et-Garonne (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 26 février 1998
M. le président. La parole est à M. Alain Veyret.
M. Alain Veyret. Monsieur le ministre de l'intérieur, la presse s'est récemment fait l'écho de l'expulsion d'un certain nombre de ressortissants algériens vers leur pays. Nous connaissons tous la situation dramatique dans laquelle vit le peuple algérien; nous connaissons tous les massacres qui se perpétuent dans ce pays et viennent quotidiennement alimenter la une des journaux du monde entier. Des millions d'Algériens fuient aujourd'hui les campagnes pour essayer d'échapper à la terreur et à la mort et d'autres tentent de quitter leur pays.
Il semble qu'un processus de démocratisation puisse se mettre en place dans ce pays. Il a été qualifié, par votre collègue des affaires étrangères, de fragile mais d'indéniable. Des manifestations de solidarité se sont développées en France et dans toute l'Europe. La constitution d'une commission d'enquête internationale sur les crimes commis a été proposée et une troïka européenne a effectué une visite à Alger en janvier dernier. Même si elle n'a pas obtenu tous les résultats que nous espérions, elle a tout de même marqué le début d'un dialogue politique.
Monsieur le ministre, c'est dans ce contexte particulier que je vous demande quelle attitude vous comptez adopter à l'égard des ressortissants algériens en situation d'expulsion. Plus précisément je voudrais savoir s'il ne conviendrait pas de décider un moratoire des renvois pour les personnes dont on peut penser qu'elles sont menacées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, il faut aborder cette question avec un esprit de responsabilité.
Chacun connaît les liens qui unissent la France et l'Algérie. Ils résultent de l'histoire, de 132 ans de vie commune. Certes, depuis trente-six ans, l'Algérie est un pays indépendant, mais nous demeurons très attentifs à tout ce qui s'y passe. Vous savez d'ailleurs que certaines dispositions en cours de discussion devant le Parlement visent à étendre, dans certains cas, les conditions de l'asile dit territorial.
Toutefois, il n'est pas possible de prononcer un moratoire général. L'Algérie ne doit pas être privée, une nouvelle fois, de ses élites. Ce ne serait pas lui rendre service.
J'écoute, évidemment, et je lis ce qui se dit et s'écrit à ce sujet. J'ai ainsi constaté qu'un journal du soir appelait l'attention sur le cas d'un jeune homme qui ne veut pas effectuer son service national en Algérie. Après avoir fait l'objet d'une reconduite, il est revenu par l'Italie. On dit qu'il pourrait être menacé par le fait que, incorporé dans l'armée algérienne, il devrait affronter le GIA. A cet égard, je vous fais simplement observer que le service national existe en Algérie, en application d'une loi que ce pays indépendant s'est donnée. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi tel jeune algérien pourrait combattre le GIA et pas tel autre.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur. On ne peut donc pas apporter une réponse aussi générale que le moratoire des reconduites.
En revanche, tous les cas dont il sera avéré qu'ils concernent des situations particulières, en raison des menaces pesant sur certaines personnes, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, feront l'objet d'un examen bienveillant.
M. Richard Cazenave. Il n'y a pas besoin d'une loi pour cela !
M. le ministre de l'intérieur. Je vais vous donner deux chiffres: d'abord le nombre de bénéficiaires de l'asile territorial est passé d'un peu moins de 3 000, il y a huit mois à plus de 4 000 aujourd'hui; ensuite le nombre des expulsions vers l'Algérie est tombé de 2 605 en 1996 à un peu plus de 1 900 en 1997 dont 60 % correspondent à des cas d'interdiction judiciaire du territoire frappant des personnes ayant été condamnées pour des délits ou crimes graves.
Il existe donc une politique générale du Gouvernement, et celui-ci fait en sorte qu'elle soit appliquée avec discernement. Si certains cas particuliers méritent d'être signalés à mes services, soit aux préfectures, soit à la direction des libertés publiques, ne manquez pas de le faire, mais, je le répète, nous ne saurions apporter une réponse générale à une question qui ne peut concerner que des personnes prises en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Alain Veyret
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 1998