Question au Gouvernement n° 434 :
commerce extérieur

11e Législature

Question de : M. Bernard Roman
Nord (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 1998

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
M. Bernard Roman. Ma question s'adresse à Mme le ministre de la culture et de la communication.
L'accord multilatéral sur l'investissement, négocié depuis mai 1995 dans le plus grand secret, et donc sans aucune transparence, témoigne d'une conception étonnante de l'intérêt général.
Cette forme d'intégrisme libéral (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), qui assimile toute chose à de la marchandise, représente un danger pour notre société. Quel peut être l'avenir d'une société qui livre son patrimoine culturel à des spéculateurs sans scrupules ?
Non, la création et la culture ne sont pas des marchandises comme les autres. Non, l'émotion ne se marchande pas, elle se cultive, elle se préserve. Nous devons donc agir pour préserver l'exception culturelle française et européenne, qui a été défendue d'arrache-pied pendant les négociations de l'Uruguay Round.
Cette exception culturelle doit être intégralement préservée. Toute autre logique conduirait au démantèlement des systèmes de protection, tels les quotas de diffusion, et à la disparition programmée des fonds de soutien ainsi que des aides publiques à la création.
Quelle position le Gouvernement entend-il adopter face à cet accord lourd de menaces pour la grande idée, que nous partageons sur les bancs du groupe socialiste, de la culture française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, la réunion du groupe de haut niveau qui devait avancer dans la négociation sur l'accord multilatéral sur l'investissement, les 16 et 17 février derniers, n'a pas permis d'envisager raisonnablement une signature pour la fin du mois d'avril.
Le Gouvernement français a, par la voix de ses représentants, fermement réaffirmé les quatre conditions indispensables dans toute hypothèse de signature de cet accord.
La première, c'est l'exigence de voir reconnue, inscrite et respectée, l'exception culturelle générale telle que nous l'envisageons, c'est-à-dire concernant l'audiovisuel, et portant sur tous les systèmes de protection et de soutien, le cinéma, la création et les programmes audiovisuels, le domaine culturel, les quotas liés à la chanson, les conditions spécifiques réservées à l'édition, la protection de notre patrimoine, en particulier en ce qui concerne le commerce des oeuvres d'art.
Comme vous l'avez très justement dit, la culture et les biens culturels ne se marchandent pas, ce ne sont pas des marchandises comme les autres, et l'on ne peut pas envisager de laisser un pan entier de notre démocratie, nécessaire au respect du droit à la culture, mais aussi à une information plurielle, être entièrement déterminé par le pouvoir de l'argent.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a pris une position dès le début; il la maintient et l'exprime fortement.
En ce qui me concerne, j'aurai l'occasion de rappeler les 15 et 16 mars prochain au conseil informel des ministres de la culture européens, la position du gouvernement de la France, que j'ai déjà exprimée devant mes collègues lors de différentes réunions.
Par ailleurs, lors de la conclusion des assises de Birmingham sur l'audiovisuel, je rappellerai non seulement la position du gouvernement français, que rejoignent progressivement un nombre non négligeable de gouvernements et de ministres de la culture, mais aussi les propositions de notre pays.
Sur les autres sujets, le Gouvernement maintient sa position, qu'il s'agisse de l'exigence d'apporter des solutions aux lois de portée extraterritoriale, et en particulier de notre refus de la loi Helms-Burton, ou de la nécessité de respecter la possibilité pour l'Europe de continuer son évolution vers une intégration économique et monétaire.
Enfin, il a exprimé clairement sa volonté de ne pas aller dans le sens d'un dumping social ou environnemental. Cette position sera bien évidemment maintenue au cours des réunions des 25 et 26 avril, mais elle le sera aussi par la suite car elle correspond, je crois, au voeu de l'ensemble des Français, au-delà même de ceux qui se sont mobilisés depuis le début de ces négociations dans les milieux audiovisuels et culturels.
Je veux vous rassurer. Depuis que je suis en fonctions, je suis en contact régulier avec l'ensemble des représentants des auteurs, des créateurs et des professions concernées par cette exception culturelle générale. Nous continuons d'oeuvrer ensemble pour favoriser la liberté de création et le droit à la culture pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Roman

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : culture et communication, porte-parole du gouvernement

Ministère répondant : culture et communication, porte-parole du gouvernement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 1998

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