Question au Gouvernement n° 439 :
toxicomanie

11e Législature

Question de : M. Charles de Courson
Marne (5e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 1998

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. Mes chers collègues, il n'est pas absolument indispensable qu'à chaque fois que M. de Courson est sur le point de prendre la parole, vous vous exclamiez. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - «Bravo de Courson !» sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Rassemblement pour la République.)
M. le président. Vous avez la parole, monsieur de Courson.
M. Charles de Courson. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Mercredi dernier, cent onze personnalités du monde culturel, intellectuel et politique ont signé une pétition dans laquelle ils reconnaissent avoir consommé de la drogue et incitent implicitement à la dépénalisation de substances considérées comme illicites, sans d'ailleurs préciser lesquelles: cannabis, ecstasy, cocaïne, héroïne ? On ne sait !
Le contenu de cette pétition est inacceptable.
Il est inacceptable tout d'abord parce qu'il s'attaque au pacte républicain...
M. Thierry Mariani. C'est vrai !
M. Charles de Courson. ... qui oblige les puissants à respecter la loi autant, si ce n'est plus, que les plus faibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
En second lieu, parce que le vrai but de cette pétition - la dépénalisation des drogues considérées comme illicites - est un mauvais coup porté à la santé publique et un désaveu du travail mené par des millions de parents, des milliers d'éducateurs qui, dans notre pays, se battent jour après jour pour faire reculer l'usage des stupéfiants, notamment chez les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Rassemblement pour la République.)
C'est aussi une mauvaise action contre ceux qui, parfois au péril de leur vie, se battent contre les trafiquants de drogue qui amassent des fortunes considérables. («C'est vrai !» sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
D'ailleurs, l'organe international de contrôle des stupéfiants dénonce, dans un rapport paru il y a une semaine, «une culture qui, propagée par certains hommes politiques, idoles de la culture pop ou autres, non seulement tolère mais encourage activement la consommation de drogue à des fins ludiques».
Plusieurs membres du Gouvernement doivent se sentir visés par ce rapport. («Voynet ! Voynet !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Aussi, madame le garde des sceaux, vous poserai-je deux questions.
Le Gouvernement entend-t-il, à l'égard des signataires de la pétition, appliquer la loi, qui sanctionne la présentation des drogues sous un jour favorable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Le Gouvernement entend-il maintenir l'interdiction de consommation de la totalité des drogues actuellement considérées comme illicites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le député, il y a beaucoup de choses dans vos deux questions. Je vous répondrais sommairement, ce qui est malheureux car le sujet mérite débat.
Il appartient au garde des sceaux de répondre à votre première interrogation. Je répondrai quant à moi à la seconde, puisqu'elle porte sur la santé publique.
Votre interrogation sur la consommation des drogues licites et illicites est d'autant plus essentielle qu'elle concerne la population française en général et notre jeunesse en particulier.
Vous avez fait allusion à un rapport de l'ONU qui a été publié il y a quelques jours.
Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française. Excellent rapport !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Il est, il est vrai, excellent. Mais, dans son excellence, il consacre l'échec, à travers le monde, de la répression utilisée comme seul moyen d'action. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean Glavany. Eh oui !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Je ne dis pas, monsieur de Courson, que la répression doive s'arrêter. En aucun cas, je ne le dis !
M. François Bayrou. Et alors ?
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Mais avec certaines drogues nouvelles qui sont fabriquées dans des laboratoires avec des substances que, souvent, nous ne connaissons pas, le péril est grand. Nous devons faire attention: l'accès à l'ecstasy et à de nouvelles drogues constitue, pour notre jeunesse, un réel danger.
M. Jean-Louis Debré. C'est de la bouillie !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. En répondant à côté des questions, on risque de ne proposer que de la «bouillie», comme vous dites...
M. Jean-Louis Debré. Vous répondez complètement à côté, c'est incontestable !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Quant à la dépénalisation, personne n'en a parlé si ce n'est dans la pétition.
Le Sénat a eu la sagesse de proposer un débat. Un débat est en effet, pensons-nous, nécessaire dans notre pays afin que les positions cessent d'être idéologiques et que l'on se soucie avant tout de la réduction des risques et de la santé publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Je vous propose un tel débat. C'est à vous de disposer.
Il me semble que l'évolution des lois se fera par le biais de l'observation des mesures de santé publique prises dans d'autres pays,...
Mme Françoise de Panafieu. Exact !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. ... tant dans ceux qui, de libéraux, sont devenus répressifs, que dans ceux qui, de répressifs, sont devenus libéraux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Mme Christine Boutin. Attention !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. De cette manière, nous pourrions éclairer la représentation nationale, et échapper à des prises de position sectaires, toujours dommageables (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) et...
Mme Christine Boutin et M. Charles de Courson. Ce n'est pas vrai !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. ... qui n'empêchent pas le trafic de continuer. J'espère que nous parviendrons à y mettre fin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Charles de Courson

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 1998

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