Renault
Question de :
M. Jacques Brunhes
Hauts-de-Seine (1re circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 4 mars 1998
M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
M. Jacques Brunhes. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, la direction du groupe Renault vient d'annoncer son intention de procéder à un nouveau plan social. Elle se propose de supprimer 2 700 emplois en 1998.
M. Lucien Degauchy. C'est scandaleux !
M. Jacques Brunhes. Des sites entiers sont menacés, tels Choisy, Le Mans, tel ETG Chausson à Gennevilliers, filiale à 100 % Renault, où, malgré les engagements, la production du véhicule utilitaire léger remplaçant du «Trafic» est délocalisée à Luton en Grande-Bretagne suivant les termes d'un accord conclu avec la General Motors. Cette décision conduira à la fermeture du site de Gennevilliers dans les trois à cinq ans, à la disparition de 1 100 emplois et à un nouvel affaiblissement du potentiel économique industriel de la région parisienne.
Renault entend encore faire appel aux fonds publics par le biais de départs en préretraite pour comprimer ses effectifs. Or la Cour des comptes a stigmatisé ce recours systématique au FNE par les constructeurs français. Le Gouvernement s'en est lui aussi ému.
Au même moment Renault s'apprête à annoncer d'importants bénéfices, près de 5 milliards de francs, réalisés l'an dernier.
M. Philippe Briand. Que fait le Gouvernement ?
M. Jacques Brunhes. La récente mission d'information parlementaire sur l'automobile a fait des propositions que la loi sur les 35 heures permettrait de concrétiser. Pour l'heure, Renault, sensible à la pression des ses actionnaires minoritaires - les fonds de pension américains - ne paraît malheureusement pas décidé à saisir cette opportunité. Il serait pour le moins paradoxal qu'un groupe dont l'Etat est encore actionnaire à 46 %...
M. Philippe Briand. Très bien !
M. Jacques Brunhes. ... se considère exonéré des priorités décidées par le Gouvernement en matière d'emploi...
M. Philippe Briand. Très bien !
M. Jacques Brunhes. ... - vous venez de le rappeler monsieur le ministre - et continue de solliciter des fonds publics pour supprimer des effectifs.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend réagir après l'annonce de ce nouveau plan chez Renault. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, chaque année, aux mois de février et mars, le groupe Renault annonce divers mouvements concernant l'emploi de ses établissements. Il n'a pas dérogé cette année à cette règle et a donc annoncé devant les partenaires sociaux de l'entreprise ses intentions pour l'année 1998.
Le plan social de cette année est motivé par la recherche d'une plus grande compétitivité destinée à amener le groupe au même niveau que ses concurrents européens.
M. Lucien Degauchy. Il y a un an, vous auriez crié au scandale !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Il y a en effet aujourd'hui, non seulement dans toute l'Europe, mais également en France, une surcapacité de production. On peut construire en Europe 18 millions de véhicules, mais le marché stagne autour de 13 millions.
M. Lucien Degauchy. C'est loin Vilvorde !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Même si le redressement récent de l'automobile - les chiffres du début de l'année 1998 sont plutôt optimistes - est une réalité, il ne faut pas s'attendre à une progression sensible du marché au cours des prochaines années: en France comme dans les autres pays européens, les ventes sont plutôt liées au renouvellement d'un véhicule qu'à une première acquisition. Le marché européen est par ailleurs le plus concurrentiel du monde et il représente pour les groupes français Renault et PSA 85 % de leurs débouchés. Ces entreprises sont donc dans une situation de concurrence très vive et elles doivent s'adapter.
M. Lucien Degauchy. A coups de licenciements ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Un programme de réduction des coûts et de renforcement de compétitivité leur est donc absolument indispensable. (Protestations sur les bancs du groupe communiste.)
M. Lucien Degauchy. Il approuve les licenciements ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Les évolutions qui sont prévues, comme chaque année, s'effectueront entre les différents sites et les différentes activités.
M. Thierry Mariani. On est loin de Vilvorde ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Dans ce contexte, le Gouvernement est très attentif à ce que les établissements Chausson de Genevilliers fassent l'objet, d'une part, d'une discussion interne entre les partenaires sociaux, la direction d'entreprise et la direction de l'établissement et, d'autre part, d'un traitement qui pourrait s'organiser autour de quatre points.
M. Alain Bocquet. Non ! Ca ne nous convient pas !
M. Jacques Brunhes. On veut la position du Gouvernement, pas celle de Renault !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Premièrement, assurer le maximum de mutations internes.
M. Franck Borotra. C'est Renault qui a rédigé la réponse !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Deuxièmement, comme vous le souhaitez dans votre question, faire appel de façon beaucoup moins systématique qu'autrefois aux fonds publics du FNE ou des préretraites.
M. Lucien Degauchy. C'est incroyable d'entendre cela !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Troisièmement, organiser pour les 1 500 personnes qui, dans le plan total de Renault, seront concernées par le plan social un suivi individualisé (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) de chacune des situations particulières.
M. Jean-Paul Charié. Où est le Gouvernement ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Quatrièmement, c'est ce que vous suggérez et je vous remercie de l'avoir fait,...
M. Jean-Louis Debré. La gauche plurielle !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... réaliser, par l'aménagement et la réduction du temps de travail, les conditions qui permettront de parvenir à plus de compétitivité, de rajeunir la pyramide des âges dans les entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française)...
M. Jean-Paul Charié. Quel gâchis !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... et, en définitive, de rendre les objectifs de compétitivité internationale et de modification de l'organisation du travail de l'entreprise compatibles avec les objectifs d'emploi et les objectifs sociaux qui nous sont communs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jacques Brunhes
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Automobiles et cycles
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 mars 1998