fonctionnement
Question de :
Mme Catherine Tasca
Yvelines (11e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 mars 1998
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Lucien Degauchy. La gardienne !
Mme Catherine Tasca. Chaque semaine, sinon chaque jour, la justice fait la une des médias, pas seulement en France, mais aussi dans le monde entier. On passe ainsi des sujets les plus noirs aux affaires les plus rocambolesques. Et à travers cela, l'opinion découvre, ou plutôt croit découvrir, les arcanes de la justice.
Mais, en réalité, madame la ministre, les Français vivent la justice surtout à travers les procédures, toujours plus nombreuses, qu'ils engagent ou qu'ils subissent, pour régler tous les problèmes de leur vie quotidienne: vie commune, garde d'enfant, licenciement, faillite, entre autres. Or, souvent, vous le savez, ils sont très désemparés devant la complexité, et plus encore, devant la lenteur des procédures. De plus en plus, ils ont besoin d'être rassurés, non seulement sur la qualité de la formation des magistrats, sur l'indépendance du statut de la magistrature, sur les moyens dont disposent les tribunaux pour travailler, mais aussi, et peut-être surtout, sur le respect des droits de la personne, notamment de la présomption d'innocence. Sur tous ces sujets, madame la ministre, nos concitoyens attendent beaucoup de vous.
Le 15 janvier dernier, vous avez présenté, ici, les grandes lignes de votre projet de réforme de la justice, qui ont été très largement approuvées. Or, depuis quelques semaines, des supputations, attisées peut-être par l'approche du renouvellement du Conseil supérieur de la magistrature, s'expriment, en particulier dans la presse, sur le degré d'avancement ou de non-avancement de vos projets. Aussi, madame la ministre, je vous demande très simplement de nous dire où vous en êtes, sur quels textes vous travaillez, dans quel ordre vous envisagez de les soumettre au Parlement, et selon quel calendrier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La question est vaste, mais la réponse devra nécessairement être concise.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, je m'efforcerai d'être brève.
Madame la députée («Oh !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), je vous indique d'abord que la réforme de la justice que j'ai eu l'honneur de présenter au nom du Gouvernement lors du conseil des ministres du 29 octobre dernier sera menée à bien, et que le calendrier que j'ai annoncé ici même le 15 janvier sera respecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Il s'agit, vous le savez, d'une réforme globale, la première de cette envergure depuis celle qui avait été faite par Michel Debré en 1958.
M. Lucien Degauchy. Bravo !
Mme le garde des sceaux. Elle a d'abord pour objectif de traiter les problèmes concrets qui se posent aujourd'hui à nos concitoyens. Il est inadmissible, en effet, que dans certaines cours d'appel on doive attendre quatre ans pour que soit rendu un jugement sur une question de licenciement, ou deux ans pour obtenir une décision sur une garde d'enfant.
Résoudre ces problèmes de la justice au quotidien, faire de la justice un vrai service public, tel est le premier volet de la réforme.
En même temps, nous voulons que cette réforme permette de mieux préserver la liberté et la dignité des personnes, qui, tant qu'elles ne sont pas condamnées par un tribunal, doivent être considérées comme innocentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous travaillons aussi - c'est une nécessité - à clarifier les rapports entre la chancellerie et les procureurs, de sorte qu'on ne puisse plus soupçonner le pouvoir politique de manipuler la justice.
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
Mme le garde des sceaux. Depuis le 15 janvier, nous avons travaillé sur tous ces sujets. Les textes seront prêts fin mars: il y aura un projet de loi constitutionnelle, deux projets de loi organique - l'un sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, l'autre sur le statut des magistrats -, plusieurs projets de loi ordinaire portant sur près de 200 articles du code de procédure pénale et du code civil.
Je compte présenter ces textes au Conseil d'Etat, pour avis, dans le courant du mois d'avril, puis au conseil des ministres, fin avril ou début mai, de sorte que le premier examen par le Parlement puisse avoir lieu au mois de mai.
Le premier texte qui sera examiné concernera l'accès au droit, car il est très important d'affirmer, au préalable, que chacun a un droit absolu à connaître ses droits et à les voir défendus.
Il est vrai que la question du renouvellement du Conseil supérieur de la magistrature dont le mandat vient à échéance au début du mois de juin a donné lieu à des supputations. Face à cette situation, deux solutions sont possibles.
La première consiste à proroger le mandat du Conseil supérieur de la magistrature actuellement en place. C'est la solution qui a la préférence du Gouvernement. En effet, à quoi bon faire élire un nouveau Conseil supérieur de la magistrature si c'est pour avoir trois conseils différents en l'espace de quelques mois: ...
M. Gilbert Meyer. A quoi bon ? Mais pour faire respecter la loi !
Mme le garde des sceaux. ... le conseil actuel, le conseil transitoire et celui qui serait issu de la réforme ?
La seconde solution consiste à procéder à de nouvelles élections.
M. Pascal Clément. Oui !
Mme le garde des sceaux. La décision sur le mode de renouvellement du Conseil supérieur de la magistrature sera prise dans quelques jours, car il ne faut plus tarder. Pour autant, quelle que soit cette décision, elle n'aura aucun effet sur la réforme puisque le Conseil supérieur de la magistrature, s'il est chargé des nominations des magistrats ou des mesures disciplinaires, n'est pas responsable de la réforme, qui, elle, relève de la responsabilité du Gouvernement.
Le Premier ministre avait affirmé dans sa déclaration de politique générale que la justice était au premier rang des priorités du Gouvernement. Depuis neuf mois que nous sommes là, tous les actes du Gouvernement - je dis bien tous les actes - ont confirmé cette priorité,...
M. Jean-Claude Perez. Bravo !
Mme le garde des sceaux. ... qu'il s'agisse du budget de 1998, des mesures d'urgence pour recruter de nouveaux magistrats et de nouveaux fonctionnaires afin de résorber les retards dans les tribunaux, de la réforme des tribunaux de commerce qui est en cours, car nous devons assainir la situation, ou de la décision de créer à Paris un pôle pour lutter contre la délinquance financière avant d'en créer d'autres à Aix-Marseille et à Lyon.
Non seulement la réforme aura lieu selon le calendrier prévu, mais, en plus, elle est en marche. Le Gouvernement tiendra l'objectif qu'il s'est fixé pour la bonne raison que la réforme de la justice est indispensable à la moralisation de la vie publique. Il ne doit plus être possible de dire dans ce pays qu'on est jugé de façon différente selon qu'on est puissant ou misérable.
M. Pascal Clément. C'est une vieille histoire !
Mme le garde des sceaux. J'ajoute que cette réforme est nécessaire car la justice est peut-être le pilier essentiel de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Catherine Tasca
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 1998