sans-papiers
Question de :
Mme Nicole Catala
Paris (11e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 25 juin 1997
M. le président. La parole est à Mme Nicole Catala.
Mme Nicole Catala. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Nous avons appris, d'abord par un groupe d'étrangers en situation illégale qui venait d'être reçu à l'hôtel Matignon et qui s'exprimait sur votre perron, monsieur le Premier ministre, puis par vous-même, que vous vous apprêtiez à régulariser la situation d'un certain nombre d'entre eux.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est scandaleux !
Mme Nicole Catala. Seront-ils 10 000, 40 000 ? Nous ne le savons pas. Sera-ce une vague de régularisation aussi massive qu'en 1981 où elle avait concerné 130 000 personnes ? Nous l'ignorons encore.
Nous ignorons aussi les critères qui seront mis en oeuvre, bien que la loi Debré ait réglé une partie des situations contradictoires qui étaient issues des lois précédentes.
Cette annonce, monsieur le Premier ministre, a semé la confusion au sein même de votre équipe gouvernementale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...
M. Richard Cazenave. Très juste !
Mme Nicole Catala. ... puisqu'elle a suscité immédiatement les réserves et les critiques de l'un de vos principaux ministres.
M. Christian Bataille. Vous voulez rassurer le Front national !
Mme Nicole Catala. Au-delà de ces turbulences médiatiques, j'observe dans ces décisions une atteinte manifeste à l'autorité des lois votées ici au nom du peuple français (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) puisque les instructions que vous avez données vont à l'encontre de textes en vigueur.
M. Henri Emmanuelli. Bravo Mazeaud !
Mme Nicole Catala. J'observe aussi une atteinte flagrante, ouverte aux droits du Parlement.
M. Claude Bartolone. Vous l'avez piétiné !
Mme Nicole Catala. Je souligne enfin l'espoir tout à fait déraisonnable que de telles décisions vont faire naître chez des étrangers...
M. Arthur Dehaine. Eh oui !
Mme Nicole Catala. ... qui vont pouvoir penser qu'ils peuvent venir chez nous et s'y installer durablement sans titre de séjour. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. C'est le clone de Sauvaigo !
Mme Nicole Catala. Enfin, monsieur le Premier ministre, je vous rappelle qu'à votre place, ici même, un de vos prédécesseurs avait déclaré, il y a sept ans, que la France ne pouvait plus «accueillir toute la misère du monde».
Monsieur le Premier ministre, entendez-vous rompre avec cette philosophie ? C'est ce que nous souhaitons savoir aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. («Pas de papier !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Donc, monsieur le ministre de l'intérieur: sans papier ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Madame le député, je crains de vous décevoir: il n'y a pas la moindre zizanie au sein du Gouvernement ! Le communiqué rendu public par l'hôtel Matignon correspond tout à fait à mon sentiment. L'ordonnance de novembre 1945 a été modifiée, vous le savez, plus de quarante fois.
M. Jean-Louis Debré. Vingt-cinq fois !
M. le ministre de l'intérieur. C'est devenu un véritable imbroglio juridique et nous nous trouvons, aujourd'hui, face à des situations inextricables.
M. Jean-Louis Debré. Ce n'est pas vrai !
M. le ministre de l'intérieur. Et c'est pour répondre à ces situations inextricables, voire intolérables au regard du droit de vivre en famille, reconnu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme...
M. Michel Delebarre. Il est bon de le rappeler !
M. le ministre de l'intérieur. ... que le Gouvernement a décidé de prendre un certain nombre de mesures.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Lesquelles ?
M. le ministre de l'intérieur. Je vais vous le dire !
D'abord, nous allons élaborer une loi. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Un projet de loi sera déposé à l'automne...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Le 41e !
M. le ministre de l'intérieur. ... et, par conséquent, les droits du Parlement pourront s'exercer. Ce texte, je le voudrais juste, clair et pratique...
M. Jean-Jacques Jegou. Comme d'habitude !
M. le ministre de l'intérieur. ... ce qui n'est pas le cas, c'est le moins qu'on puisse dire, de l'actuelle législation sur le droit des étrangers, sur l'accès au sol national,...
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur. ... sur les modalités d'accès à la nationalité française. Sur l'ensemble de ces questions, nous sommes véritablement dans un no man's land juridique.
M. Bernard Accoyer. Si l'on parlait des Français ?
M. le ministre de l'intérieur. Il y a, vous le savez, des étrangers en situation régulière, des étrangers en situation irrégulière qu'on peut reconduire à la frontière, mais il y a aussi la catégorie intermédiaire, celle des étrangers en situation irrégulière mais qu'on ne peut reconduire à la frontière.
M. Patrick Ollier. Cette situation est réglée !
M. le ministre de l'intérieur. Mais non, elle n'a pas été réglée par la loi.
M. Pierre Mazeaud. Vous n'étiez pas là en février; il n'y avait que Julien Dray, tout seul !
M. le président. Monsieur Mazeaud, s'il vous plaît !
M. le ministre de l'intérieur. Prenons l'exemple de parents d'enfants nés en France il y a plus de cinq ans.
Mme Nicole Catala. Il faut vous mettre à jour, monsieur Chevènement !
M. le ministre de l'intérieur. S'ils sont étrangers, aujourd'hui, ils ne sont plus en situation régulière, mais ils ne peuvent pas non plus être reconduits à la frontière; et ce problème, la loi élaborée par mon prédécesseur ne le règle pas.
Avant que le projet de loi soit soumis au Parlement, une mission a été confiée à M. Patrick Weil, qui tiendra compte de l'intérêt national, lequel correspond aussi aux nécessités du codéveloppement, notamment avec des pays francophones, que nous connaissons bien, d'où la misère chasse certains de leurs habitants.
La France connaît la situation économique et sociale que nous savons. Il faut en tenir compte et définir une voie qui soit la voie généreuse et réaliste que je décrivais tout à l'heure, à l'écart des surenchères démagogiques,...
Mme Françoise de Panafieu. Parlons-en !
M. le ministre de l'intérieur. ... des tentations de la xénophobie,...
M. Patrick Ollier. C'est vous qui l'attisez !
M. le ministre de l'intérieur. ... à l'écart également de l'angélisme.
Je ne vais reprendre mon papier...
M. le président. Pourriez-vous vous acheminer vers votre conclusion, monsieur le ministre ?
M. le ministre de l'intérieur. ... que parce que je crains d'oublier une des onze catégories qui sont définies par la circulaire: les conjoints de Français, les conjoints d'étrangers en situation régulière, les conjoints d'étrangers bénéficiant du droit d'asile,... («Pas de papier !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Patrick Ollier. Ca commence bien !
M. le ministre de l'intérieur. ... les enfants de parents étrangers venus en France en dehors de la procédure de regroupement familial, les étrangers malades atteints d'une pathologie grave (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République)...
Décidément, je vous trouve bien intolérants ! Si vous souhaitez réellement être informés, prêtez donc une oreille attentive à l'énumération des différentes catégories qui peuvent faire l'objet, à titre exceptionnel, d'une mesure de régularisation.
M. Renaud Muselier. Démission !
M. le ministre de l'intérieur. Je pense que la voie choisie par le Gouvernement est celle qui correspond le mieux à la tradition de la France. Et comptez sur moi pour faire appliquer cette politique, sans faiblesse mais avec humanité et avec doigté.
Une mission a été confiée à M. Galabert. Il s'agit d'une mission de coordination et de proposition. Elle nous permettra d'appliquer la circulaire dans les mois qui viennent, en attendant que le Parlement ait voté la nouvelle loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. Malheureusement pour le groupe RPR, les questions et surtout les réponses ont excédé son temps. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Ce qui signifie, mes chers collègues - il s'agit de la première séance ! - que les membres du Gouvernement vont devoir essayer de réduire encore la durée de leurs interventions. (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Philippe Séguin. Ce n'est pas possible !
M. Patrick Ollier. C'est inadmissible !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Scandaleux !
M. Philippe Auberger. C'est injuste !
Auteur : Mme Nicole Catala
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juin 1997