Question au Gouvernement n° 510 :
politique à l'égard des retraités

11e Législature

Question de : M. Philippe Douste-Blazy
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 8 avril 1998

M. le président. La parole est à M. Philippe Douste-Blazy.
M. Philippe Douste-Blazy. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, n'est-il pas urgent de dire la vérité à tous les Français âgés de moins de cinquante ans ?
M. Jean Glavany. Pour cela, ce n'est pas sur vous qu'il faut compter !
M. Philippe Douste-Blazy. Ne faut-il pas leur avouer que leur système de retraite est aujourd'hui menacé de faillite ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Faillite, car, en raison de l'accroissement de l'espérance de vie, la proportion des Français de plus de soixante ans, qui représente actuellement 18 % de la population, passera à 30 % en 2020. Faillite, car le coût du travail rend impossible l'augmentation des cotisations sociales. Faillite, enfin, car les prestations baisseront.
Alors qu'un salarié du secteur privé qui part en retraite touche à l'heure actuelle 70 % du salaire figurant sur sa dernière feuille de paye, il n'en percevra plus que 40 % à 50 % en 2020 !
M. Christian Bataille. Qu'en savez-vous ?
M. Philippe Douste-Blazy. Ma question est très simple: sachant que nous sommes très attachés au système de répartition et que nous n'envisageons pas de le remettre en cause («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert), n'est-il pas grand temps de doter la France, à l'instar de ce qu'ont fait la plupart de nos voisins ainsi que les Etats-Unis et le Japon, d'un système de fonds de retraite ?
M. Maxime Gremetz. Vous êtes le porte-parole d'Axa !
M. Philippe Douste-Blazy. Cela présenterait le triple intérêt d'assurer à tous les Français une retraite digne, d'éviter le rachat des plus belles entreprises françaises par les fonds de pension américains ainsi que de permettre - et c'est peut-être l'essentiel - aux Français de bénéficier des fruits de la croissance, qui ne profite actuellement qu'aux retraités du Texas ou du Minnesota.
A défaut de le faire, vous prendriez le double risque d'une guerre des générations et d'un pillage de notre économie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, votre question est très importante. Comme vous l'avez vous-même rappelé, les Français sont très attachés au système de répartition qui prévaut dans notre pays depuis le lendemain de la Libération. Ce système traduit une solidarité entre les générations, et je pense que personne ici n'envisage de l'abandonner ou de voir sa place diminuer.
Bien entendu, ce système repose assez largement sur un équilibre démographique. Dans la mesure où l'on peut en effet s'attendre - quels que soient les chiffres et les dates retenus - à ce que le nombre des retraités augmente par rapport à celui des personnes actives, la question se pose de savoir comment ces derniers pourront continuer à financer les retraites.
Pour autant, le Gouvernement ne pense pas qu'il faille renoncer d'une quelconque manière à notre système de répartition, et je ne prétends pas non plus que c'est ce que vous avez suggéré. Il faut donc que tous les Français sachent que s'ils sont plus nombreux à être retraités et moins nombreux à travailler, cela conduira, si l'on ne veut pas baisser le niveau des retraites - ce que personne n'envisage -, à une augmentation du produit des cotisations. Sera-ce possible ? Oui, si la croissance économique est au rendez-vous, car la véritable variable qui permet à un régime de retraite d'être équilibré est moins la démographie que l'économie.
Durant toutes les années 50 et 60, alors même qu'il y avait un vieillissement de la France, notre système par répartition a été florissant, car la croissance économique suffisait largement à compenser la perte de substance démographique. Il faut donc que nous retrouvions cette situation, et je suis sûr que tous les futurs gouvernements, quels qu'ils soient, continueront à s'y employer.
Au travers de ce problème, vous avez posé la question des régimes de retraite dits par capitalisation, ou fonds de pension. Vous dites, d'une part, que certains de nos concitoyens peuvent souhaiter disposer d'un instrument d'épargne pour leur retraite et, d'autre part, que la mise en place de fonds de pension en France permettrait d'éviter que des capitaux étrangers ne prennent pied de façon trop importante dans l'économie française.
S'agissant des capitaux étrangers, les mesures que le Gouvernement a proposées, notamment dans la loi de finances pour 1998, et que l'Assemblée a bien voulu adopter, orientent une large partie des flux de l'assurance vie vers la détention d'actions. Elles devraient permettre d'apporter la réponse souhaitée. D'ailleurs, ce que je lis dans la presse sur les masses de capitaux qui devraient se porter sur les actions laisse à penser qu'il sera sans doute possible d'échapper au risque que vous avez évoqué - et dont personne ici ne souhaite qu'il se réalise - de voir un nombre de plus en plus élevé d'entreprises françaises possédées par des intérêts étrangers, même si, en soi, cela ne constitue pas un scandale. Toutefois, afin d'éviter une telle situation, le Gouvernement a pris des mesures qui me paraissent suffisantes.
Par ailleurs, chaque Français peut-il, lorsqu'il en a les moyens - et c'est le cas de nombre d'entre eux -, souhaiter épargner pour compléter sa retraite ? Il est vrai qu'il n'existe pas dans la palette des instruments d'épargne un produit adapté à une demande de ce type.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. C'est une véritable révolution culturelle !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, nombre de Français reconnaissent se servir de leur livret de caisse d'épargne pour épargner en vue de leur retraite; or il est évident pour tous que ce n'est pas le meilleur instrument à cet effet.
Aussi le Gouvernement proposera-t-il à l'occasion de la prochaine loi de finances, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'annoncer à plusieurs reprises, la mise en place d'un support d'épargne destiné à ceux qui souhaitent mettre de l'argent de côté pour leur retraite. Toutefois, nous serons très loin de la loi votée par la précédente assemblée, dite «loi Thomas», qui organisait des fonds de pension dont la nouvelle majorité a précisé l'ensemble des raisons pour lesquelles elle n'en voulait pas.
M. Richard Cazenave. Elle a bien tort !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions, monsieur le député, les deux problèmes que vous avez évoqués trouveront leur solution: celui du financement de l'économie, par la canalisation des flux d'assurance vie; celui du comportement individuel d'épargne par un produit d'épargne destiné à la retraite, qui sera proposé lors de la prochaine loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Douste-Blazy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 avril 1998

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