Question au Gouvernement n° 531 :
durée du travail

11e Législature

Question de : M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 22 avril 1998

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.
M. Yves Nicolin. Ma question s'adresse à Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, votre majorité, à rebours de ce qui se passe sur le reste de la planète, a décidé d'engager la France dans la réduction autoritaire et obligatoire de la durée légale du temps de travail en instaurant les 35 heures. Mais nous apprenons que, dans son dernier rapport sur les perspectives de l'économie mondiale, le FMI a critiqué cette loi sur les 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il souligne, en effet, que la réduction du temps de travail hebdomadaire par la loi va aggraver le chômage plutôt que le résorber. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)
Nous allons entrer de plain-pied dans l'Europe où l'on devra procéder à une harmonisation des politiques économiques et de l'emploi. Deux questions découlent de ce constat.
Premièrement, combien de rapports autorisés seront nécessaires pour que vous vous rendiez à l'évidence et cessiez de tromper les Français sur leur avenir ?
Deuxièmement, quand allez-vous vous décider à harmoniser votre politique en la matière avec celle de nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je voudrais d'abord redire, comme M. le Premier ministre ici-même dès sa déclaration de politique générale le disait, que l'action du Gouvernement est tournée prioritairement vers l'emploi et que nous ne laisserons aucune piste de côté.
J'ai lu le rapport du FMI: il ne s'y trouve aucune phrase qui vise la loi française sur la durée du travail ! Je l'ai là et je le tiens à votre disposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) J'y reviendrai dans quelques instants.
Vous lisez trop un quotidien du matin qui a mis entre guillemets une phrase qui n'était pas dans le rapport du FMI, que j'ai lu en entier ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Ce rapport est extrêmement intéressant car il conforte la politique menée depuis onze mois par le Gouvernement.
Il indique d'abord que, pour la première fois depuis quinze ans, la France va, dès 1999, être en tête des pays industrialisés pour le taux de croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Thierry Mariani. Grâce à qui ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Pendant les quatre ans durant lesquels vous dirigiez la France, elle était en moyenne à 0,5 point en dessous de la moyenne européenne ! Nous serons, cette année, à 0,5 point au-dessus, (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)...
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Grâce à Juppé !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est dans le rapport du FMI, ce n'est pas moi qui le dis !
Nous serons donc cette année à 0,5 point au-dessus de la moyenne européenne, notamment parce que nous avons relancé la consommation, parce que nous avons rééquilibré les prélèvements entre les revenus du travail et du capital, et que nous avons ramené la confiance, comme le montre encore l'enquête publiée hier sur le moral des petites et moyennes entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Mais si la France devrait être la mieux placée, en 1999, en matière de croissance, cela n'entraînera, selon ce même rapport, qu'une réduction de 1,2 % du taux de chômage, qui passerait de 12,5 % en 1997 - quand vous nous avez laissé les rênes - à 11,9 % cette année et à 11,3 % en 1999. Certes, nous sommes ravis de voir le nombre des chômeurs réduit de 100 000. Mais nous considérons, comme nos concitoyens, que ce n'est pas suffisant. C'est la raison pour laquelle nous explorons toutes les pistes.
Que dit le FMI sur la durée du travail, si l'on veut bien regarder le rapport lui-même et ne pas s'en tenir à des discours à son propos ? Qu'une baisse autoritaire, généralisée, entraînant une augmentation du coût du travail pour les entreprises, est nocive pour l'emploi. («Eh bien alors !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Yves Nicolin. C'est ce que vous faites !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous le pensons aussi. C'est pourquoi nous ne prenons pas une voie autoritaire mais une voie résolue qui fixe un cap. Nous laissons de la souplesse pour la négociation. Nous prévoyons des aides financières qui éviteront une augmentation du coût du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
J'en terminerai en répondant à vos questions. Dans le cadre du plan national d'action, nous nous rendrons compte, une fois de plus, que la France est dans la moyenne des pays européens en ce qui concerne la durée du travail. Je vous conseille de lire l'enquête passionnante du patronat allemand, selon laquelle même avec les trente-cinq heures, les Français travailleront plus que les Allemands. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
C'est le patronat allemand qui le dit ! Vous aimez bien le citer habituellement; je vous conseille de continuer à le lire... et à le citer.
Pendant combien de temps continuerons-nous à travailler comme nous le faisons ? m'avez-vous demandé.
Moi, je vous poserai une question simple: pendant combien de temps allez-vous soutenir qu'on peut supporter en France cinq millions de personnes à la recherche d'un emploi, dont trois millions sont inscrites à l'ANPE ? Pendant combien de temps allez-vous vous satisfaire d'un marché qui crée l'exclusion et non de l'emploi ?
Nous, nous sommes fiers, comme l'a dit le Premier ministre, de chevaucher en tête dans le combat pour la croissance et contre le chômage !
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Yves Nicolin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 avril 1998

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