crédit lyonnais
Question de :
M. Jean-Pierre Brard
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 23 avril 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concerne le Crédit lyonnais.
Ainsi donc l'oukase de M. Karel Van Miert, commissaire européen est tombé: il faut qu'on lui amène le Crédit lyonnais, mort ou vif !
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Jean-Pierre Brard. Ou bien le Crédit lyonnais rembourse les 120 milliards de francs d'aides qu'il a reçus de l'Etat...
M. Robert Pandraud. Du contribuable !
M. Jean-Pierre Brard. ... et c'est la faillite; ou bien le Gouvernement français doit accepter le diktat de M. Van Miert...
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. L'oukase !
M. Jean-Pierre Brard. ... et livrer, pieds et poings liés, le Crédit lyonnais à l'appétit gourmand de ses concurrents, dont la Deutsche Bank.
M. Michel Bouvard. Très juste !
M. Jacques Fleury. C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Brard. De quel droit M. Van Miert s'adresse-t-il avec cet arrogance au Gouvernement français ?
De quel droit prétend-il régler le sort du Crédit lyonnais et obtenir qu'il soit bradé pour trois francs six sous ?
A qui appartient donc cette banque ? Ce sont les contribuables français qui ont déboursé 120 milliards de francs et qui, ainsi, trois fois, ont payé son prix. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Monsieur le ministre, ma question est simple: comment comptez-vous répondre à l'arrogance de M. Van Miert et faire en sorte que ce qui appartient à la nation reste à la nation ?
Comment comptez-vous répondre aux syndicats qui demandent du temps pour achever le redressement du Crédit lyonnais ?
Enfin, comptez-vous faire en sorte que le Crédit lyonnais soit un élément d'un grand pôle financier public qui devienne un outil déterminant, à la disposition du Gouvernement français, pour mener à bien sa politique en faveur de l'emploi et du développement économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je répondrai, à la place de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui présente un texte au Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), à l'intervention pleine d'émotion que vous venez de faire, monsieur le député.
Dès le mois de juillet, le Gouvernement a posé un certain nombre de principes pour trouver une solution définitive aux difficultés passées du Crédit lyonnais: transparence sur les pertes du passé, plein exercice de la justice sur les responsabilités, rigueur dans la gestion de CDR, confiance dans le redressement du Crédit lyonnais aujourd'hui.
Le plan de 1995 souffrant, hélas ! de beaucoup d'imperfections, il a fallu le renégocier. Dans cette négociation, il faut que chacun reste calme («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) et fasse preuve de responsabilité politique, juridique et financière. Le Gouvernement reprend donc à son compte, monsieur Brard, l'appel au calme que vous avez lancé.
Toute évocation d'une mise en faillite est, bien sûr, hors de propos. Le Crédit lyonnais s'est clairement redressé depuis 1995 et l'Etat soutiendra, en tant que de besoin, ce redressement par tous les moyens appropriés. Les clients ne courent donc aucun risque, évidemment.
La discussion avec la Commission européenne n'est pas achevée. La France, jusqu'à présent, a répondu point par point à ses demandes et a pris des engagements précis, d'une ampleur considérable: un montant de contrepartie double de celui de 1995, un engagement de privatisation respectueux de l'intérêt de l'entreprise et de ses salariés...
Plusieurs députés du groupe communiste. Eh oui ! Attention !
M. le secrétaire d'Etat au budget. ... sur lequel vous avez insisté, une aide de l'Etat réduite au minimum, en durée et en niveau.
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Qui paiera ?
M. le secrétaire d'Etat au budget. Je déclare solennellement que des engagements supplémentaires remettraient en cause la viabilité du Crédit lyonnais et iraient au-delà de l'effort qu'il est possible de consentir.
Ainsi, des contreparties plus importantes comme l'abandon de toute présence sur les grandes places bancaires européennes menaceraient le redressement de la banque. L'obligation, vous l'avez dit, de procéder à bref délai à une cession de gré à gré affecterait fortement les conditions de cession. La France doit rester libre de déterminer les conditions de la privatisation afin de défendre les intérêts du contribuable. («Enfin !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
C'est dans ce cadre que nous mettrons à profit les prochaines semaines pour parvenir à une solution équilibrée avec la Commission européenne, une solution conforme à la bonne gestion du patrimoine public, dans le respect des règles communautaires et des intérêts de l'entreprise qui se redresse, ainsi que de ceux des salariés, sur lesquels vous avez à juste titre insisté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Maxime Gremetz. Qu'allez-vous dire à M. Van Miert ? Nous ne savons toujours pas !
M. Jean Ueberschlag. Quel chef-d'oeuvre de langue de bois !
Auteur : M. Jean-Pierre Brard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : budget
Ministère répondant : budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 avril 1998