Soudan
Question de :
M. Laurent Dominati
Paris (1re circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 6 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Laurent Dominati.
M. Laurent Dominati. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ce matin, le quotidien Libération a publié une information (A ce moment, Mme Odette Casanova entre dans l'hémicycle. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent)...
M. le président. Veuillez vous asseoir, mes chers collègues !
Poursuivez, monsieur Dominati.
M. Laurent Dominati. Ce matin, disais-je, le quotidien Libération a publié une information émanant de l'agence Fides, proche du Vatican, selon laquelle un millier d'enfants auraient été accordés comme butin de guerre par le gouvernement soudanais à des milices progouvernementales de l'armée régulière soudanaise.
Cette affaire scandaleuse soulève plus que l'indignation et la honte, d'autant que, selon l'agence Fides, ces enfants seraient destinés à être vendus sur les marchés arabes et du Proche-Orient pour travailler ou être exploités sexuellement.
Je vous demande tout d'abord, monsieur le ministre des affaires étrangères, de nous communiquer les renseignements qui sont en votre possession pour confirmer ou, espérons-le, pour infirmer cette information.
Si celle-ci devait se révéler exacte, je vous demande quelles dispositions compte prendre le gouvernement français vis-à-vis du gouvernement soudanais, qui a désigné un tel butin de guerre. Que compte faire la France pour s'opposer à cette infamie ? Que peut-elle faire, avec l'Union européenne, vis-à-vis du gouvernement soudanais, dans la mesure où la Commission européenne suit à Nairobi les négociations en cours liées à la guerre civile qui ravage ce pays depuis 1983 ? De quels moyens de pression dispose l'Union européenne ?
Enfin, si cette information devait être confirmée, la France ne devrait-elle pas saisir l'ONU pour alerter l'opinion publique internationale sur ce qui est une honte non seulement pour le Soudan, mais pour tous les pays de la planète ?
En bref, quelles dispositions comptez-vous prendre pour vous opposer à ce scandale et alerter l'opinion publique mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, les faits tout à fait choquants et consternants que relate la presse ce matin sur ce qui se passe au Soudan sont une des conséquences multiples - encore qu'il soit très difficile de savoir ce qui se passe dans ce très grand pays - d'une guerre civile très dure qui se poursuit depuis des années et dont les médias internationaux parlent malheureusement trop peu en comparaison à d'autres sujets, et qui oppose le gouvernement de Khartoum aux rébellions catholiques ou animistes du Sud, notamment dans la région du Bah al-Gkazal.
Face à cette guerre civile, on constate deux attitudes. La première, celle notamment des Etats-Unis, consiste à maintenir un embargo et un boycott systématiques sur toutes les activités du Soudan, et a pour effet de perdre toute possibilité d'influence. La seconde est une tentative égyptienne, à laquelle les Européens, dans l'ensemble, apportent plutôt leur soutien, qui consiste, depuis les accords de Khartoum de l'an dernier, à renouer le fil de la négociation entre les parties, dont certaines sont en outre aidées par des pays voisins qui jouent leur propre jeu.
Il est donc extrêmement compliqué d'exercer une influence quelconque sur les multiples drames humanitaires liés à cette guerre. Vous avez raison de vous indigner de celui que vous citez, car, s'agissant d'enfants, il est particulièrement choquant. Dans l'état actuel des choses, la seule façon pour les Européens, d'exercer une influence sur le Soudan est de saisir le levier des négociations qui se nouent à l'initiative de l'Egypte.
Nous pourrons ainsi agir à la fois sur le gouvernement de Khartoum et sur les différentes rébellions, eu égard à ce qui se passe dans leurs zones respectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Laurent Dominati
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 mai 1998