réforme
Question de :
M. Pierre Albertini
Seine-Maritime (2e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 6 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.
M. Pierre Albertini. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et concerne la réforme de l'université.
Monsieur le ministre, vous avez demandé en juillet 1997 une étude à Jacques Attali, portant notamment sur le rapprochement entre universités et grandes écoles.
M. Attali vous a remis son rapport, qui s'intitule: «Pour un modèle européen d'enseignement supérieur». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Dans ce document, qui ne fait, ni dans l'humilité, ni dans la nuance, ni dans l'excès de concertation, il propose que la notion de cycle universitaire soit supprimée et remplacée par la formule 3-5-8, licence, maîtrise, doctorat.
Je suis un peu effaré devant une telle orientation, qui aurait notamment pour conséquence l'allongement quasi automatique de la durée de la scolarisation. La France est déjà, en effet, le pays dans lequel la durée de scolarisation est la plus longue, notamment dans l'enseignement supérieur. Chaque année, nous délivrons plus de 300 000 diplômes d'enseignement supérieur de niveau bac + 3 alors que seulement 160 000 ou 170 000 postes de cadre sont offert dans les meilleures années.
Enfin, le rapport reste muet sur les aspects à mon avis fondamentaux que sont la formation continue et les allers et retours entre université et vie professionnelle.
Quelle suite comptez-vous donner à ce rapport, alors que la réforme de l'enseignement supérieur proposée par votre prédécesseur et approuvée par vous-même n'a qu'un peu plus d'un an ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le député, je suis au regret de vous dire que vous n'avez pas lu le rapport de M. Attali. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Vous avez commencé votre propos par une affirmation contraire à la vérité. Ce rapport de propose un raccourcissement et non pas un allongement des études. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Vous pouvez décréter que deux et deux font cinq, mais deux et deux font quatre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Je crois que, sur ce point, tout le monde sera d'accord sans qu'il soit besoin d'un vote personnel. (Sourires.)
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Le rapport de M. Attali n'est public que depuis cet après-midi. Vous le recevrez comme tous les députés. Il serait bon que vous le lisiez. Vous pourrez ainsi poser votre question directement à M. Attali puisque c'est lui qui a rédigé cette étude.
M. Richard Cazenave. Nous souhaiterions savoir ce qu'en pense le Gouvernement !
M. Jean-Luc Préel. Ce rapport va finir dans un tiroir !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je considère que la question soulevée par le rapport de M. Attali est suffisamment sérieuse pour que vous prêtiez quelque attention à ma réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
L'harmonisation des études à l'échelle de l'Europe, dont vous vous moquez peut-être, est un élément essentiel, de même que l'insertion des diplômés des grandes écoles dans le circuit européen. Celle-ci est en effet impossible aujourd'hui car ils n'ont aucun diplôme universitaire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Je vous l'apprends peut-être ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
La situation est donc très difficile.
Le groupe de travail présidé par M. Attali comprenait des patrons d'entreprise - j'en connais un certain nombre tout comme vous, monsieur le député, ainsi que des universitaires et des chercheurs.
Le rapport fait des propositions. Certaines vont dans le sens d'une harmonisation européenne comme l'envisagent les Allemands, les Anglais, les Italiens et les Suédois. Aucun progrès n'a été fait dans ce domaine depuis cinq ans, ce qui n'est pas étonnant car le précédent ministre de l'éducation nationale n'assistait pas aux conseils européens. (Huées sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Un certain nombre de ces suggestions sont progressistes. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. S'il vous plaît !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Quant à la formation continue, elle a été totalement négligée pendant quatre ans; c'est une priorité que j'ai donnée à l'enseignement supérieur. (M. Jean-Luc Préel brandit un carton rouge.) Le va-et-vient entre l'université et la vie est en effet une de nos priorités, comme l'internationalisation. Le sujet est suffisamment grave pour qu'on l'aborde avec sérieux, sans esprit polémique, et qu'on sorte de l'immobilisme démagogique qui a servi de politique pendant quatre ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Pierre Albertini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : éducation nationale, recherche et technologie
Ministère répondant : éducation nationale, recherche et technologie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 mai 1998