Question au Gouvernement n° 594 :
délocalisations

11e Législature

Question de : M. Didier Chouat
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 7 mai 1998

M. le président. La parole est à M. Didier Chouat.
M. Didier Chouat. Ma question, qui s'adresse à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, traite des délocalisations des sièges sociaux de certains artisans et commerçants.
Certaines organisations professionnelles, minoritaires, dans l'ouest notamment, proposent aux commerçants et artisans, de transplanter leur siège social en Grande-Bretagne. Les avantages supposés sont de se soustraire aux cotisations sociales en matière d'assurance maladie, de retraite et d'URSSAF.
Le principe de ces délocalisations a les apparences de la simplicité: l'artisan crée l'équivalent anglais d'une SARL, inscrite à Cardiff ou à Jersey, par exemple, et en devient le gérant. Il n'est pas rémunéré mais perçoit un loyer pour les bâtiments et les équipements qui, restent bien sûr installés en France. Il ne paie plus ses propres cotisations sociales en France en se faisant radier des caisses de l'artisanat.
Pour le seul département des Côtes-d'Armor, cette procédure aurait déjà été utilisée par 400 entreprises, et de nombreux dossiers seraient en préparation. Il est donc indispensable de rappeler que ces artisans se placent dans l'illégalité.
De telles pratiques de délocalisation fictive créent un sérieux malaise, notamment parmi les responsables professionnels, et suscitent des interrogations dans la population.
M. Eric Doligé. Pourquoi s'en va-t-on ?
M. Didier Chouat. Au moment où le Gouvernement met en oeuvre des mesures de simplification en faveur de la création d'entreprises, comment les pouvoirs publics envisagent-ils de réagir pour enrayer la propagation de tels comportements qui tournent le dos au principe de solidarité ? Quelles initiatives peut-on prendre sur le plan national comme le plan européen pour harmoniser les réglementations fiscales et sociales et mettre fin à de telles dérives ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Ce problème, monsieur le député, a effectivement été soulevé par l'APCM, au nom de l'ensemble des chambres des métiers de France, et par l'UPA, l'Union professionnelle des artisans, aussi choquées que nous de la publicité faite récemment par un certain nombre d'officines ou de groupements pour inciter les commerçants et les artisans à se délocaliser en Grande-Bretagne.
C'est un comportement dangereux car les commerçants et les artisans qui choisissent une fausse délocalisation de ce type sont passibles d'une requalification du travail. On leur propose, en effet, de délocaliser leur siège social dans un autre pays tout en continuant à exercer leur travail effectif sur le territoire. Or la directive européenne est claire: là où s'exerce le travail se paient les impôts. Christian Sautter ayant eu à un autre titre à démanteler une société de ce type à Aubervilliers, nous avons déjà constaté que c'était extrêmement grave pour les intéressés.
M. Pierre Lellouche. C'est grave pour nous Français !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Des commerçants et des artisans qui avaient payé cher cette délocalisation ont vu leur travail requalifié et une amende de 200 000 francs leur a été infligée, ce qui était normal. De surcroît, ils se sont retrouvés sans couverture sociale, celle qu'ils avaient achetée correspondant à celle d'un jeune et non à celle d'un père de famille.
C'est dangereux aussi pour l'ensemble de nos prestations sociales. On essaie de faire croire à des Françaises et des Français, qui apprécient pourtant - je les rencontre souvent, et je le sais, comme vous - d'avoir une protection sociale supérieure à celle de l'ensemble des pays européens...
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas vrai pour les artisans !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. ... que chacun devrait être assuré s'acquitter en fonction de ses propres revenus et tourner le dos à la solidarité. C'est exactement le contraire de nos principes républicains et je salue l'ensemble des représentants des caisses, qui, aux côtés du Gouvernement, ont demandé que cessent de telles allégations qui, non seulement sont fausses, mais en plus entraînent les commerçants et les artisans dans l'illégalité.
M. Pierre Lellouche. Continuez à augmenter les charges et vous verrez !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. J'ajoute qu'un certain nombre d'entre eux connaissent maintenant le système. Si l'on paie effectivement moins de cotisations sociales de l'autre côté de la Manche, on n'a pas de halte-garderie, d'école maternelle, de quotient familial quand on a des enfants...
M. Pierre Lequiller. Mais on a un emploi !
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. ... et on a un impôt sur le revenu très fort.
Je remercie donc les artisans et les commerçants qui, sont à nos côtés, ont choisi la solidarité. Elle est non seulement sociale, mais aussi économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Didier Chouat

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : PME, commerce et artisanat

Ministère répondant : PME, commerce et artisanat

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 mai 1998

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