Question au Gouvernement n° 60 :
durée du travail

11e Législature

Question de : M. Alain Madelin
Ille-et-Vilaine (4e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 15 octobre 1997

M. le président. La parole est à M. Alain Madelin.
M. Alain Madelin. Monsieur le Premier ministre, la conférence nationale sur l'emploi, que vous avez initiée, se termine sur un retentissant échec (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) marqué par la démission de Jean Gandois de la présidence du CNPF.
M. Henri Emmanuelli. Vous êtes à la botte du CNPF !
M. Alain Madelin. Ce qui est vraiment en jeu dans cette affaire, c'est l'emploi, l'avenir de notre pays, l'avenir de nos enfants, c'est, oui, monsieur le Premier ministre, l'intérêt général.
Nous ne pensons pas que l'on sert l'intérêt général avec des solutions à contre-courant du monde, de l'Europe et du simple bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Claude Lefort. Conservateur !
M. Alain Madelin. L'emploi a besoin de la croissance. La croissance a besoin de la confiance. Comment retrouver le chemin de la création de l'emploi, de l'investissement et de l'embauche en faisant naître une inquiétude centrale au coeur de notre économie ? Comment retrouver le chemin de l'emploi et du progrès social en mettant en panne, sans doute par excès d'autoritarisme et par erreur de méthode, le dialogue social dans notre pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean Tardito. C'est faux !
M. Jean-Claude Lefort. C'est vous qui êtes en panne !
M. Alain Madelin. Enfin, comment créer des emplois sans la confiance, le soutien des 2 700 000 entrepreneurs de ce pays, commerçants, artisans, professions indépendantes, entreprises petites et moyennes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République) qui, eux et eux seuls, détiennent les clefs de la création de vrais emplois ? On ne peut pas faire de politique sans eux.
M. Jean-Claude Lefort. Démago !
M. Alain Madelin. On ne peut pas retrouver le chemin de l'emploi contre eux.
Enfin, monsieur le Premier ministre, j'ai écouté votre réponse il y a un instant. Elle me faisait songer aux propos de M. Gerhard Schroeder, le leader socialiste allemand,...
M. Henri Emmanuelli. Vous pensez toujours à l'étranger !
M. Alain Madelin. ...reproduits il y a quelques jours dans Le Monde: «Je ne pense pas que l'on instaurera les trente-cinq heures en France. Si le Gouvernement le faisait, ce serait une bonne chose pour l'emploi... en Allemagne.» (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) Il ajoutait: «Je ne crois pas le Gouvernement assez inconscient pour tenir de telles promesses.»
Vous tenez vos promesses, nous avez-vous dit il y a un instant. Est-ce une bonne chose pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
De nombreux députés du groupe socialiste. Oui ! C'est une bonne chose !
M. le président. la parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si nous tenons nos promesses, monsieur le député, ce n'est pas seulement parce que nous nous y sommes engagés, c'est parce que nous croyons que c'est la bonne politique pour la France.
Nous avons tous échoué sur le chômage, vous comme nous, et, si nous avons tous échoué, c'est par conformisme, c'est parce que nous avons tout attendu de la croissance et du traitement social.
Une semaine avant la conférence, j'ai présidé avec Dominique Strauss-Kahn une réunion où chacun, y compris les membres du patronat, a reconnu que la croissance seule ne pouvait pas nous permettre de renverser profondément la courbe du chômage. Il faut ouvrir de nouvelles pistes.
Il y a les nouveaux emplois dans le secteur public. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Les Pays-Bas, libéraux que sous soutenez, viennent d'annoncer un programme de même nature que le nôtre, dans les emplois publics, pour les nouveaux biens collectifs, mais d'une bien plus grande ampleur: 100 000 emplois, pour 350 000 chômeurs. C'est comme si nous avions créé un million d'emplois-jeunes. Ce sont des libéraux, mais eux ont compris qu'il fallait ouvrir de nouvelles pistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
La deuxième piste, c'est la durée du travail. L'Allemagne, quoi qu'ait dit M. Schroeder, travaille déjà 200 heures de moins que nous par an. Les Pays-Bas sont bien plus en avance que nous (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République), l'Italie également, qui passe maintenant aux trente-cinq heures.
M. Jacques Myard. C'est faux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le ministre espagnol a annoncé à Luxembourg la semaine dernière que son pays voulait réduire les heures supplémentaires et la durée du travail.
M. Pierre Lellouche. Il y a 25 % de chômeurs en Espagne !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous serez bientôt les seuls en Europe à tenir un discours archaïque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Claude Lefort. Parce qu'ils sont archaïques !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, nous ne sommes pas à contre-courant du monde. Nous sommes à contre-courant de l'ultralibéralisme (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) qui a cours actuellement chez vos amis, monsieur Madelin.
J'ai lu la presse cette semaine. Le Gouvernement américain vient de publier les derniers chiffres. Jamais la pauvreté n'a été aussi grande dans ce pays. Jamais les inégalités entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres n'a été aussi grande alors que la croissance est forte.
M. Jean-Claude Lefort. Ils s'en moquent !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Quarante millions de personnes n'ont pas accès à la santé et les ghettos sont tous les jours davantage des ghettos ! C'est cela que vous voulez ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Claude Lefort. Oui, c'est ce qu'ils veulent !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous, nous sommes effectivement à contrecourant de cette politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Faites-nous confiance ! Les entreprises ont compris ce qu'avait annoncé le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Donnons-nous rendez-vous dans un an. J'en vois notamment autour de vous, monsieur Madelin, qui tenaient les mêmes propos sur la loi de Robien. Depuis, 1000 accords ont été conclus !
M. Yves Nicolin. Cela n'a rien à voir !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous généralisons le processus en tirant les conséquences des effets pervers de cette loi. Donnons-nous rendez-vous dans un an et nous verrons où sont les modernes ! Il y aura une loi qui laisse de la souplesse, qui aide les entreprises, une loi qui, d'ailleurs, dans l'expérimentation, a déjà montré que, pour de nombreux chefs d'entreprise une forte réduction de la durée du travail était un moyen de réorganiser le travail, de réagir plus vite vis-à-vis de leurs clients, d'être plus compétitifs, de tourner le dos au taylorisme. Faisons confiance aux chefs d'entreprise, vous verrez ce qu'ils signeront. Ce sera une loi et un discours permettant la souplesse, instaurant des règles de stabilité en matière salariale et de modération, nous verrons dans quelques mois qui de vous ou de nous est à contre-courant du monde et en tout cas du progrès social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyens et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Alain Madelin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 15 octobre 1997

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