enquêtes publiques
Question de :
Mme Monique Denise
Nord (14e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 13 mai 1998
M. le président. La parole est à Mme Monique Denise.
Mme Monique Denise. Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, vous avez indiqué que la réforme de l'utilité publique serait un des grands chantiers législatifs de votre ministère. L'implication des usagers dans l'élaboration des projets de tous types devient en effet une nécessité démocratique.
Aujourd'hui, nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des cas où les enquêtes publiques ne permettent ni de faire émerger l'intérêt collectif ni d'élaborer des projets consensuels.
Dans le domaine de la politique des déchets et de l'application de la loi de juillet 1992, ce problème se pose avec acuité.
A titre d'exemple, plusieurs des sites d'entreposage de déchets ultimes suscitent des problèmes d'environnement faute d'une enquête publique suffisante: études d'impact incomplètes, manque d'analyse de localisations alternatives, absence de coordination avec les projets économiques des collectivités locales.
Autant de sources de contestation qui entachent ces projets par nature irréversibles, comme le site d'Eringhem, en Flandre, qui me tient particulièrement à coeur, ou celui de Charenton-du-Cher.
Aussi, je souhaiterais savoir si, de manière générale, vos projets de réforme de l'utilité publique et des procédures d'enquête s'appliqueront, afin que nous puissions remettre à plat certains projets contestables, et si vous envisagez, dans votre politique des déchets, de revenir sur certaines localisations des centres de stockage de déchets ultimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Madame la députée, il y a quinze ans, la loi Bouchardeau (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) sur la démocratisation des enquêtes publiques a constitué un vrai progrès. Pourtant, aujourd'hui, il n'est guère de projet de stockage des déchets, d'épuration de l'eau, d'usine ou de porcherie qui ne suscite un important mouvement de refus de la part des citoyens.
C'est que, depuis quinze ans, la montée en puissance des préoccupations environnementales a été très nette. Les citoyens s'inquiètent pour leur santé, pour la qualité de leur vie, ils s'inquiètent des conséquences, tant pour eux-mêmes que pour les finances publiques, des choix faits par les pouvoirs publics.
Ils attendent davantage des procédures de consultation et de concertation et d'un dialogue critique. Aujourd'hui, nous devons leur répondre. L'absence de concertation nourrit le contentieux car l'alternative n'est pas de dire oui ou non. Le contentieux porte parfois sur l'opportunité de l'installation, mais parfois aussi sur ses modalités, son type, sa taille, sa localisation, parfois simplement sur les formes de la concertation. La façon dont une décision est prise est souvent plus contestée encore que la décision elle-même: sont contestés, par exemple, l'absence de transparence et les choix techniques a priori, sans examen des autres solutions possibles, sans prise en compte des conséquences à long terme, des coûts pour la collectivité.
Aujourd'hui, alors que nous sommes à mi-parcours dans la mise en oeuvre de la loi de 1992 sur les déchets, j'ai souhaité procéder à une remise à plat. Celle-ci va se traduire par une communication en conseil des ministres qui permettra de reconsidérer la place souvent excessive accordée à l'incinération dans bon nombre des plans adoptés, qui permettra aussi de détailler les orientations qui ont été indiquées il y a quelques jours aux préfets dans une circulaire et de revoir les plans déjà adoptés.
Mais soyons clairs: il est de la responsabilité du Gouvernement et des élus de la nation de ne pas nier la réalité. Notre pays produit des quantités extraordinaires de déchets: plus d'un kilogramme par jour et par personne. Et les sites d'incinération, de tri, de valorisation et de stockage définitif des déchets ultimes devront bien être quelque part. La noblesse des politiques, c'est aussi parfois, à l'issue d'une longue phase de concertation, menée correctement, de savoir dire: «Désolés, mais votre commune devra assumer, avec les précautions nécessaires et dans le respect de la réglementation, sa part du fardeau.» Cette réponse est difficile à faire, mais c'est mon travail de tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Auteur : Mme Monique Denise
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 13 mai 1998