politique à l'égard des jeunes
Question de :
M. Jean-Claude Abrioux
Seine-Saint-Denis (10e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 13 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Abrioux.
M. Jean-Claude Abrioux. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Arthur Dehaine. Il n'y en a plus !
M. Jean-Claude Abrioux. Monsieur le ministre, la semaine dernière, trois jeunes ont été froidement assassinés par des adolescents: le premier, à Marseille, est tombé sous les balles de deux autres jeunes pour une raison futile, le second à Créteil, pour une moto volée, et le troisième dans ma ville, Aulnay-sous-Bois.
Allez-vous continuer à rester passif face à la montée de la violence chez les jeunes (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), et vous contenter d'annoncer à grand renfort médiatique un énième plan de lutte contre la violence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamentable !
M. Jean-Claude Abrioux. En moins de six mois, votre plan a montré son inefficacité.
M. Didier Boulaud. Ces propos sont scandaleux !
M. Jean-Claude Abrioux. Quelles mesures concrètes allez-vous enfin prendre pour éviter que ne se développe un véritable climat de violence dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Démagogue !
M. Didier Boulaud. Factieux !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur Abrioux, vous venez d'évoquer un fait bouleversant...
M. François Loncle. Mais en termes scandaleux !
M. le ministre de l'intérieur. Je veux parler de la mort d'un adolescent d'Aulnay-sous-Bois, qui a été lynché dans une commune voisine par une bande de jeunes. C'est un fait qui prend place parmi plusieurs autres puisque, depuis le 6 mai, on n'a pas compté moins de six assassinats: trois adolescents ont été tués par armes à feu, deux ont été poignardés et un autre lynché.
Ces faits provoquent l'émotion et l'effroi. Ils sont révélateurs d'une crise extrêmement profonde.
Le nombre de jeunes morts l'an dernier du fait de rixes est de 15, et du fait de conduite dangereuse de 9. Le nombre de rixes avec tir d'armes à feu a, depuis 1993, plus que doublé, passant de 24 à 80. Le nombre de blessés est, dans la même période, passé de 983 à 1 993.
C'est dire que nous sommes devant un phénomène qui nous interpelle fortement. Ces conflits de bandes ont souvent des motivations de susceptibilité et s'enracinent dans une culture de la haine d'un horizon limité à celui du quartier. Il s'agit de conflits pour l'appropriation de territoires, de quartiers ou même de recoins de quartiers, procédant d'une conception du monde qui traduit une profonde carence de l'éducation.
M. Arnaud Lepercq. Eh oui !
M. le ministre de l'intérieur. Bien sûr, il y a la crise de nos villes, le chômage et la précarisation, la ghettoïsation des quartiers...
M. Richard Cazenave. Et l'exclusion !
M. le ministre de l'intérieur. Mais il faut aussi déplorer la perte complète de repères.
M. Charles Cova. Il faut mettre les jeunes en maison de correction !
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a déjà pris des mesures et il en prendra d'autres.
M. Ladislas Poniatowski. Il désarme les polices municipales ! Ce n'est pas le moment !
M. le ministre de l'intérieur. Monsieur Poniatowski, j'ai demandé le 12 mars dernier à M. Claude Cancès de me faire un rapport sur la réglementation des armes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Il apparaît que la législation, qui date de 1939, est inappropriée et qu'elle doit être évidemment révisée de fond en comble. Cependant, des mesures peuvent d'ores et déjà être prises, tendant à la sécurisation des armes chez les particuliers et à faire reposer sur les armuriers et non plus sur les acheteurs le régime déclaratoire des ventes d'armes. Les fusils à pompe ou les armes à percussion annulaire du type des pistolets à un coup peuvent être classées parmi les armes de quatrième catégorie et l'office central de répression du trafic des armes peut être réactivé.
M. Yves Nicolin. Ne désarmez pas la police !
M. Lucien Degundry. Tout le monde a des armes, sauf les policiers municipaux !
M. le ministre de l'intérieur. Bref, il s'agit de mesures qui n'exigent pas un projet de loi et qui peuvent donc être prises très rapidement.
Dans les tout prochains jours, je rendrai public le rapport de M. Cancès, qui est fort instructif.
Monsieur Abrioux, vous avez cité un fait où aucune arme n'a été utilisée. Vous imaginez bien que, face à de tels agissements, c'est une politique de la ville visant à rétablir une certaine mixité sociale qui doit être menée. Mais cela pose bien sûr d'autres problèmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Il doit s'agir d'une politique de sécurité articulée sur des contrats locaux de sécurité. Mais n'est-ce pas ce que fait le Gouvernement depuis le colloque de Villepinte ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Une telle politique est celle qui convient car c'est celle de la citoyenneté. Vous devez opposer à une conception du monde tristement étriquée, à la culture de la haine, l'idée d'une France communauté de citoyens, où chacun a sa chance, où il n'y a pas de discrimination, où chaque jeune qui naît en France peut trouver la possibilité de travailler et de s'épanouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Jean-Claude Abrioux
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Jeunes
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 13 mai 1998