Question au Gouvernement n° 613 :
lutte contre l'exclusion

11e Législature

Question de : M. Francis Delattre
Val-d'Oise (4e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 13 mai 1998

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne la politique de la ville de votre gouvernement.
Nous venons de vivre trois drames qui, je le crains fort, ne sont que les manifestations extérieures d'une dégradation profonde de la vie de certains quartiers difficiles. Face à cette dégradation, nous ne prévoyons pas les moyens nécessaires, surtout les moyens d'Etat.
Où est l'Etat ?
Pour être concret, j'évoquerai trois problèmes.
Tout d'abord, nous sommes, monsieur le ministre de l'intérieur, régulièrement confrontés à une rivalité, à une incompréhension entre les services de la police et ceux de la justice, les uns et les autres prétendant ne pas avoir les textes de référence qui leur permettraient d'être enfin complémentaires et efficaces.
La situation actuelle a pour résultat l'apparition de zones de non-droit, de zones d'impunité, qui me semblent être les causes directes de l'aggravation de la situation.
Ensuite, en ce qui concerne l'école et les régularisations en cours, c'est très bien d'être généreux. Mais savez-vous, en cette période d'inscriptions dans les écoles, que les régularisations en cours ou demandées font que de 30 à 40 % de nouveaux enfants issus de l'immigration, viennent «se greffer» dans les écoles déjà implantées dans les quartiers en difficulté... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Michel Lefait. Ces propos sont honteux !
Plusieurs députés du groupe socialiste. N'importe quoi !
M. Francis Delattre. Aujourd'hui, le problème est celui de savoir si nous trouverons des traducteurs, et peut-être une langue commune pour faire apprendre le français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Charles Cova. C'est vrai !
M. Francis Delattre. Je vois que les questions concrètes vous gênent ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Enfin, monsieur le ministre du logement, je m'interroge sur le système d'attribution des logements sociaux. La loi d'orientation pour la ville de M. Delebarre avait tenté de l'améliorer, mais celle-ci est en panne. Vous ne l'appliquez pas alors même qu'elle avait prévu des moyens pour arriver, dans les grands quartiers difficiles, à la mixité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Aujourd'hui, comment les choses fonctionnent-elles ? Ce sont les micro-ordinateurs de la préfecture qui se contentent de classer les gens mal logés selon une certaine typologie sociale. On continue donc imperturbablement à décider dans n'importe quelles conditions des affectations de logement dans les zones en très grande difficulté. C'est la définition même du ghetto et on est là à la source de son développement.
Monsieur le Premier ministre, sur plusieurs points concrets qui, probablement, vous gênent,...
M. Georges Hage. Les questions que vous posez sont virtuelles !
M. Francis Delattre. ... éclairez-nous: êtes-vous décidé à élaborer une législation applicable par les policiers et les magistrats dans les zones sensibles ? Allez-vous donner les moyens adéquats à l'éducation nationale - et pas seulement pour la Seine-Saint-Denis ? Etes-vous prêt à modifier le système d'affectation des logements sociaux, lequel ne peut, en l'état, que produire et multiplier les difficultés ?
M. le président. Veuillez terminer, monsieur Delattre !
M. Francis Delattre. Ceux qui vivent au quotidien ces difficultés attendent avec impatience votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse qui sera nécessairement courte parce que je dois encore appeler une question.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Une réponse courte, monsieur le président, pour une question essentielle.
Les quartiers dont nous parlons souffrent d'un double problème: d'une part, la mixité sociale ne se réalise plus et on assiste à une relégation de gens dont la plupart sont au chômage ou souffrent d'exclusion, d'autre part, toutes les fonctions de la ville n'y sont plus représentées, les commerces et les services publics ayant déserté.
Nous devons reconstruire des villes avec toutes leurs fonctions, avec des hommes et des femmes de catégories sociales différentes qui soient capables de vivre les uns auprès des autres, car, au fond, c'est cela une ville.
Vous nous parlez du logement. M. Besson pourrait vous répondre mieux que moi. La loi d'orientation contre les exclusions que nous sommes en train d'examiner traite de ce point. Dois-je vous rappeler que c'est la loi Périssol qui, en instituant les surloyers, a fait fuir certaines personnes des HLM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Dois-je vous rappeler, monsieur le député, puisque vous avez, avec raison, souligné l'intérêt de la loi d'orientation pour la ville, que c'est un amendement Carrez, que vous avez voté, qui a supprimé la mixité sociale ? Nous comptons rétablir cette mixité dans la loi contre les exclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
En fait, toute l'action du Gouvernement vise à poser le problème en termes d'urbanisme et d'architecture, car il s'agit bien de reconstruire chaque ville, mais aussi à faire en sorte que tous les services publics soient présents, car rien ne justifie qu'il n'en soit pas ainsi.
M. Lucien Degauchy. Baratin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. La sécurité, M. le ministre de l'intérieur vient d'en parler, l'école qui est souvent le seul service public - nous venons de prendre des mesures pour qu'elle soit de meilleure qualité en ZEP - mais aussi l'ensemble des services de la santé et de la sécurité sociale.
Il faut ramener la République au coeur de chaque quartier et redonner à chacun les droits d'exister: c'est tout l'objectif de la loi de lutte contre les exclusions et de la loi sur la ville que prépare actuellement M. Bartolone. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Francis Delattre

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 13 mai 1998

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