énergie nucléaire
Question de :
M. Bernard Cazeneuve
Manche (5e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 14 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.
M. Bernard Cazeneuve. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne les événements récents révélés par la presse au sujet du transport de matières nucléaires.
Ces révélations ont suscité une très profonde émotion dans l'opinion publique, notamment dans le Nord-Cotentin, qui est très marqué par la mono-industrie nucléaire, militaire ou civile.
Des travailleurs ont été exposés à des doses dépassant les seuils autorisés et sont aujourd'hui angoissés pour leur santé. D'autres sont angoissés pour leur emploi à la suite de déclarations profitant de l'émotion suscitée dans l'opinion publique et préconisant l'arrêt du retraitement et la sortie du nucléaire. Des élus s'indignent de voir que les exploitants et les industriels continuent à entretenir l'opacité et le secret là où votre gouvernement et vos ministres, Dominique Voynet et Christian Pierret, réclament sans cesse la transparence.
Enfin, la population s'indigne de voir sa région martyrisée et mise à mal parce qu'elle est prise en étau entre deux lobbies.
Monsieur le Premier ministre, vous avez réagi très rapidement aux événements qui ont été portés à la connaissance de l'opinion publique, en demandant au directeur de la sûreté des installations nucléaires de vous fournir un rapport qui doit vous être remis dans les prochaines heures.
Quel est le contenu de ce rapport ? Quelles informations donne-t-il concernant l'impact sanitaire des faits constatés sur les populations, notamment sur les salariés du nucléaire ?
Que comptez-vous faire concrètement, avec le Gouvernement, pour obliger les exploitants et les industriels à se conformer à l'exigence de transparence et de rigueur que vous avez affirmée ? Enfin, pouvez-vous nous confirmer le caractère équilibré de la politique énergétique que vous avez rappelée le 2 février dernier, laquelle vise à conforter la filière nucléaire tout en donnant la place qu'elles méritent aux énergies renouvelables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, Mme Voynet...
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. Démission !
M. le Premier ministre. Ne vous précipitez pas, messieurs !
Mme Voynet, disais-je, aurait pu répondre à votre question, mais, dans la mesure où j'ai demandé moi-même au directeur de la sûreté nucléaire, M. Lacoste, un rapport, qu'il m'a remis ce matin, je pense qu'il convient que je vous réponde moi-même.
Le 28 avril dernier, l'autorité de sûreté nucléaire, la DSIN, a rendu publics les résultats de son enquête, enquête nouvelle, d'une certaine façon, sur les transports ferroviaires de déchets radioactifs à destination de l'usine de retraitement de La Hague. Elle a constaté des dépassements des normes autorisées dans la contamination de surface des conteneurs et des wagons. Ces transports ont été immédiatement suspendus.
J'ai demandé au directeur de l'autorité de sûreté, M. Lacoste, un rapport complet sur les causes de ces dépassements. Ce rapport m'a été remis ce matin et, dans un souci de transparence totale, après que les deux ministres chargés de la tutelle de la DSIN ont reçu ce rapport, celui-ci a été rendu public, pour que les médias, ceux qui s'intéressent à ces questions, les parlementaires et nos concitoyens puissent juger sur pièces. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Pour l'essentiel, que ressort-il de ce rapport ?
En ce qui concerne les inquiétudes légitimes pour la santé d'un certain nombre de personnels (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), l'évaluation de l'impact sanitaire fait apparaître des niveaux de doses inférieurs aux normes internationales les plus sévères. Il se confirme notamment que l'exposition qui a concerné des salariés du site de Valognes est inférieure aux seuils internationaux les plus sévères. Les populations du Nord-Cotentin, et notamment les travailleurs de ces entreprises, ou ceux qui travaillent sur les wagons peuvent donc être rassurés sur ce plan. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
En ce qui concerne maintenant les causes de dysfonctionnement, il apparaît que des négligences, à l'origine de ces contaminations, ont été identifiées au sein d'Electricité de France.
Ce phénomène, si j'en juge par le rapport remis par M. Lacoste, a été constaté depuis plusieurs années, et les services de l'Etat en ont été informés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Il semble que la prise de conscience de ce problème soit née sous le précédent gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), sans que cela n'ait pour autant abouti a des décisions. C'est donc depuis juin 1997 et l'entrée en fonction du nouveau gouvernement que des instructions nouvelles ont été données à la direction de la sûreté nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Les contrôles effectués, qui ont révélé ces dysfonctionnements, résultent de la mission confiée à l'autorité de sûreté par Dominique Voynet et Christian Pierret, et je déplore l'insuffisance du contrôle exercé antérieurement par l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
A la suite des révélations du rapport de la DSIN, le Gouvernement a demandé à Electricité de France de remédier dans les meilleurs délais aux dysfonctionnements constatés, conformément aux recommandations de l'autorité de sûreté. Les ministres compétents, Dominique Voynet (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), Bernard Kouchner et Christian Pierret indiqueront, avant la fin de la semaine prochaine, les mesures qui auront été prises pour y mettre fin définitivement.
Enfin, en ce qui concerne la transparence qui doit prévaloir en ce domaine, comme je l'ai affirmé au nom du Gouvernement à l'occasion du comité interministériel sur les problèmes du nucléaire et du retraitement, le 2 février dernier, je confirme l'attachement du Gouvernement à une transparence absolue en matière nucléaire. C'est d'ailleurs la garantie de l'efficacité et du caractère acceptable de cette filière, nécessaire pour notre approvisionnement en énergie.
M. Bernard Accoyer. Qu'en dit Mme Voynet ?
M. le Premier ministre. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé à M. Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, dont on connaît les titres en ce domaine, de faire un rapport sur l'organisation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Dès que ce rapport nous aura été remis, le Gouvernement, après avoir procédé à une large consultation, présentera à l'Assemblée, et pour la première fois, un projet de loi sur l'organisation effective de la transparence et du contrôle. Je pense qu'en agissant ainsi, nous prenons nos responsabilités devant le pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Bernard Cazeneuve
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 1998