Soudan
Question de :
M. Laurent Dominati
Paris (1re circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 20 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Laurent Dominati.
M. Laurent Dominati. Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y a quinze jours, je vous ai demandé de confirmer ou d'infirmer une information selon laquelle, au Soudan, des milices progouvernementales réduisaient, avec l'accord du gouvernement soudanais, un millier d'enfants en esclavage.
Vous avez évoqué, en me répondant, des négociations diplomatiques en cours à Nairobi. Depuis lors, j'ai obtenu des informations. Des journalistes et des missions reviennent du Soudan et confirment le scandale: au cours d'une guerre civile, un gouvernement remet à ses propres milices des enfants qui sont destinés à être vendus.
J'ai écrit à tous les parlementaires - un certain nombre d'entre eux, siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, m'ont répondu - pour vous demander, monsieur le ministre, de saisir l'ONU, qui parraine les négociations, ainsi que l'Union européenne, également présente à ces négociations.
J'entends parler au nom du groupe de l'UDF, mais aussi au nom de tous les parlementaires qui ont été scandalisés - je crois qu'ils seront encore plus nombreux à l'avenir - par ces situations absolument inacceptables dans le monde d'aujourd'hui, et pour la France en particulier.
En effet, nous ne pouvons à la fois célébrer le cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, revendiquer la Déclaration des droits de l'homme comme notre charte fondatrice et nous rendre, d'une certaine façon, complices d'un silence sur un drame qui est une insulte à nos propres principes.
Je sais que plusieurs journalistes commencent à évoquer la question. Nous avons, notamment par le truchement de notre gouvernement, le moyen de mobiliser l'opinion publique internationale. Je souhaite que vous le fassiez et qu'en conséquence vous convoquiez l'ambassadeur du Soudan pour avoir des informations plus précises afin d'essayer de mettre fin à une situation absolument intolérable.
A l'heure actuelle, une marche internationale est organisée à travers la France pour protester contre le travail et l'exploitation des enfants. Le Président égyptien est à Paris en ce moment même et il est, quant à lui, le médiateur dans la guerre civile qui sévit au Soudan. C'est pour vous l'occasion, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, de prendre l'affaire en main et de faire en sorte que non seulement la France ne soit pas complice, mais qu'elle alerte tous les pays et participe à l'arrêt de ce scandale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur Dominati, puisque vous suivez attentivement l'affaire des enfants «razziés» - il n'y a pas d'autre mot - dans le Sud Soudan, vous avez dû suivre aussi les activités qui ont été déployées dans le cadre de plusieurs organisations internationales, à commencer par l'ONU. C'est d'ailleurs à la suite des pressions de tous les pays occidentaux que le rapporteur spécial des Nations unies a pu de nouveau se rendre au Soudan.
Vous devez connaître le texte de la résolution que la France a coparrainée le 16 avril, à Genève, à la commission des Nations unies pour les droits de l'homme. Cette résolution, qui répond, me semble-t-il, à vos attentes légitimes, demande «instamment au gouvernement soudanais d'enquêter sur les allégations selon lesquelles sa politique et ses activités tendent à tolérer, encourager ou favoriser l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants soumis à l'internement forcé, à l'endoctrinement ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Cette résolution engage également le gouvernement soudanais «à mettre immédiatement un terme à ces politiques ou activités et à traduire en justice les personnes soupçonnées de les appuyer ou d'y participer, et à faciliter le retour dans des conditions de sécurité des enfants concernés dans leurs familles».
La mobilisation que vous demandez, monsieur le député, existe. Il suffit de s'informer pour le savoir, il suffit de la soutenir, il suffit de la relayer !
J'ajoute que, pour venir à bout de ce drame, il faudra régler un problème dont j'ai déjà parlé en vous répondant l'autre jour, à savoir celui que pose la guerre elle-même. Car le drame que vous dénoncez découle de la guerre au Sud-Soudan. Il faudra donc traiter l'un et l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Laurent Dominati
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 20 mai 1998