Question au Gouvernement n° 648 :
mutuelles

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Michel
Haute-Saône (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 21 mai 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, depuis maintenant un siècle, les mutuelles sont synonymes, en France, de solidarité et de démocratie sociale.
M. Jean Glavany. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. L'unité de gestion financière qui est de règle dans le secteur mutualiste leur permet de compenser les charges financières d'oeuvres sociales souvent déficitaires, mais très utiles à la population, par les excédents de gestion des activités d'assurance et de prévoyance.
Cet équilibre financier est aujourd'hui remis en cause par deux directives européennes dont l'objectif est, en réalité, d'ouvrir le marché mutualiste français aux compagnies d'assurances. Ces directives entraîneraient, si elles étaient appliquées, l'augmentation des cotisations mutualistes déjà trop chères pour beaucoup, la réduction de la capacité de réalisation d'oeuvres sociales et, à moyen terme, la remise en cause de l'existence des mutuelles. Les assurances attendent de s'engouffrer dans la brèche pour développer des offres fondées sur la discrimination pour des motifs sociaux, de santé ou de handicap, acquis ou innés, qui pourraient générer des pratiques de surtarification ou même de refus d'assurance en couverture complémentaire maladie; on l'a déjà constaté pour les personnes atteintes du virus VIH.
Au moment où le Parlement français s'apprête à voter la loi contre l'exclusion et à instaurer l'assurance maladie universelle, il serait tout de même paradoxal, madame la ministre, qu'un texte européen vienne remettre en cause le système mutualiste français.
Le Gouvernement démontre chaque jour sa volonté de réorienter la construction européenne dans un sens plus social. Allez-vous obtenir de Bruxelles que les mutuelles soient retirées de la liste des organismes concernés par les directives européennes sur les assurances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Jean Glavany. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, tout comme vous, le Gouvernement est très attaché à la spécificité des mutuelles et au rôle majeur qu'elles jouent dans notre pays, notamment en faveur de l'accès aux soins et de la couverture maladie des plus défavorisés de nos concitoyens. D'ailleurs, nous espérons bien que, dans le cadre de la loi que nous ferons voter à l'automne sur la couverture maladie universelle, une fois de plus le mouvement mutualiste saura remplir son rôle totalement.
Il est vrai que nous n'avons pas transposé, aujourd'hui, la directive qui s'applique aux sociétés d'assurances et aux sociétés de prévoyance et que Bruxelles nous reproche une distorsion de concurrence due au fait que les sociétés mutualistes, comme vous le savez, interviennent dans le domaine sanitaire et social et offrent à leurs mandataires des avantages pratiques.
Pour tenter de satisfaire le double objectif que poursuit le Gouvernement: respecter nos engagements européens, tout en gardant au mouvement mutualiste sa spécificité, nous avons, en accord avec ce mouvement, adressé à la Commission deux mémoires poposant des solutions techniques pour la transposition de la directive. La Commission n'accepte pas qu'on puisse considérer ces services sanitaires et sociaux comme des avantages spécifiques, des avantages en nature offerts à leurs assurés par ces mutuelles. Je le regrette.
Nous continuerons à chercher une solution. Le mouvement mutualiste, et notamment son président, que j'ai encore rencontré cette semaine, travaille avec nous pour faire en sorte que nous puissions à la fois préserver les mutuelles et transposer en droit français la directive européenne sur les assurances.
Cela dit, nous aurions aimé que le précédent gouvernement fasse le même effort. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Depuis 1994, effectivement, la directive sur les assurances est entrée en vigueur et rien n'a été fait. Comme si on avait souhaité abandonner les mutuelles pour transposer cette directive en droit français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Michel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Économie sociale

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 21 mai 1998

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