Question au Gouvernement n° 654 :
établissements de soins

11e Législature

Question de : M. Tony Dreyfus
Paris (5e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 27 mai 1998

M. le président. La parole est à M. Tony Dreyfus.
M. Tony Dreyfus. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
La toxicomanie est un fléau contre lequel tous les gouvernements ont lutté. Tous, également, ont mesuré que la répression devait être impérativement accompagnée d'efforts de prévention. La politique de réduction des risques mise en oeuvre depuis 1993 a fait la preuve de son efficacité. Elle a créé et multiplié les liens entre les structures sanitaires et sociales, d'une part, et les toxicomanes, d'autre part. Il est aujourd'hui établi que cela a contribué à diminuer la transmission du VIH et des hépatites, et a permis de réduire les nuisances et les actes délictueux liés au commerce illégal de substances illicites.
Mais l'ouverture de centres d'accueil se heurte à l'émotion des populations riveraines. C'est ce qui se produit aujourd'hui dans le 10e arrondissement de Paris. Personnellement convaincu de la nécessité de cette politique de prévention, j'ai, en tant que maire, pris mes responsabilités en soutenant le projet développé par le ministère de la santé, et ce malgré l'hostilité d'une partie des habitants.
Toutefois, les maires ne peuvent assumer seuls le travail d'explication et de persuasion indispensable pour dissiper les appréhensions des riverains, qui craignent pour leur tranquillité, mais aussi et peut-être surtout, pour leurs enfants.
Aussi, je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelles mesures vous comptez prendre pour aider les élus à mettre en oeuvre cette politique jugée nécessaire par tous les médecins, tous les spécialistes et, je le répète, tous les gouvernements.
Quelles mesures pouvez-vous prendre pour contribuer à atténuer les conflits que cette politique crée aujourd'hui dans le dixième arrondissement de la capitale, comme ailleurs, alors que nous l'estimons tous parfaitement fondée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le député, je vous remercie du ton sur lequel vous avez posé votre question et des appréciations que vous avez portées sur la politique des gouvernements successifs...
M. Patrick Devedjian. Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. ... depuis 1992 et 1993 en matière d'offre aux toxicomanes, et par conséquent de réduction des risques.
Vous l'avez rappelé à juste titre, à côté des institutions proposant aux toxicomanes des produits de substitution afin de réduire les risques, à côté des services hospitaliers voués au sevrage, il existe des centres d'accueil de jour qui sont, pour le moment, au nombre de trente-deux dans notre pays, dont trois - quatre aujourd'hui - à Paris.
Vous avez eu raison de rappeler que les riverains de ces centres avaient exprimé leurs préoccupations et qu'il fallait en tenir compte. Mon collègue Jean-Pierre Chèvenement s'y attache et les services de police, en particulier ceux du commissaire oeuvrant dans le dixième arrondissement, y sont extrêmement attentifs. Un îlotage spécifique a été affecté à la rue Beaurepaire mais il n'est pas suffisant pour faire baisser les tensions.
Vous nous demandez ce que nous allons faire pour accompagner la bonne volonté des élus. Vous avez déjà fait beaucoup, les uns et les autres. Il faut en permanence informer.
Selon le sondage que nous avons réalisé autour de ces centres d'accueil, 60 % des personnes interrogées comprennent la nécessité de réduire les risques. Ces lieux d'accueil sont une des manières que nous avons inventées pour tendre la main au toxicomane au moment où il en a besoin et pour le remettre dans le circuit de l'hôpital, ce qui n'exclut en aucun cas, non seulement la répression - nécessaire - du trafic mais la participation active des forces de l'ordre, afin de rassurer la population qui s'inquiète, légitimement parfois, parce qu'il y a des cas de polytoxicomanies, et en tout cas qui a le sentiment d'un danger et le manifeste à votre encontre.
Pour ce qui concerne la rue Beaurepaire, je nommerai dans quelques jours un professeur de santé publique qui jouera le rôle de médiateur entre les associations - avec lesquelles vous avez beaucoup travaillé - et les riverains. Il sera à votre disposition pour que, chez vous comme ailleurs, le dialogue puisse s'établir.
Nous ne pouvons pas revenir sur la politique de réduction des risques car elle permet aussi de réduire l'insécurité. Les chiffres de l'OCTRIS, Office central de la répression du trafic illicite de stupéfiants, publiés il y a quelques jours sont éloquents: en 1994, il y avait eu près de 600 morts par overdose; cette année, 228. Par conséquent, cette politique de réduction des risques fonctionne. En outre, le nombre de jeunes s'adonnant à l'héroïne a diminué de 20 %. Voilà qui est aussi très encourageant.
Monsieur le député, vous proposer ce médiateur, pour suivre avec acharnement cette politique difficile et informer en permanence: voilà ce que nous pouvons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Tony Dreyfus

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 1998

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