Question au Gouvernement n° 660 :
emploi et activité

11e Législature

Question de : M. Jean-Claude Lemoine
Manche (1re circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 27 mai 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.
M. Jean-Claude Lemoine. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie et concerne le mariage d'un constructeur automobile allemand avec Chrysler, le troisième constructeur américain.
Ce mariage constitue à l'évidence une menace pour les constructeurs français. Renault et PSA, qui, l'un et l'autre, produisent environ 2 millions de véhicules par an, deviennent fort vulnérables face à ce troisième constructeur mondial qui, lui, produira 4 millions de véhicules par an et réalisera un chiffre d'affaires annuel sans doute supérieur à 800 milliards de francs, quatre fois plus que Renault ou Peugeot-Citroën, et environ la moitié du budget de la France.
Face à cette menace, la réponse passe sans doute par un regroupement. On lit ici et là que d'autres constructeurs, européens ou japonais, seraient tentés par une alliance avec Renault, mais le fait que l'Etat soit toujours propriétaire de plus de 40 % du capital est un frein à une telle opération.
Dans de telles circonstances, le Gouvernement envisage-t-il de vendre sa part de capital, ce qui, d'une part, permettrait d'aider cette entreprise, et donc l'emploi, en favorisant un regroupement et, d'autre part, permettrait à l'Etat de réaliser une bonne opération, l'action valant aujourd'hui environ 300 francs alors qu'elle fut émise à 165 francs ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, l'«alliance» que vous évoquez, et qui a été rendue publique il y a quelque temps - je parle de celle des constructeurs automobiles, bien entendu (Sourires) - et qui, elle, sera certainement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) est une alliance qui nous menace: non pas la majorité mais nos constructeurs. Vous avez donc raison de vouloir attirer l'attention sur ce point.
Même si, à l'échelle de la France, ce sont de grandes entreprises, il n'en demeure pas moins que nos constructeurs sont de taille relativement modeste par rapport à l'ensemble du marché automobile mondial. Dans ces conditions, des alliances sont sans doute nécessaires, encore qu'il ne m'appartienne pas de m'exprimer à la place des directions de ces entreprises, surtout de PSA, qui est une entreprise privée.
Ce qu'il faut faire dans le secteur automobile - vous le savez mieux que quiconque, monsieur le député, pour avoir participé à la mission automobile - concerne à la fois la pyramide des âges, du fait d'un vieillissement beaucoup plus accentué des entreprises françaises que de ses concurrentes, et un ensemble d'éléments liés à la compétitivité. Mais ceci ne suffira pas à résoudre le problème de la taille de ces entreprises.
Si des alliances sont nécessaires, il ne m'apparaît pas clairement qu'une participation publique, minoritaire d'ailleurs, constituerait un obstacle. Airbus, par exemple, qui est certainement une des plus belles réalisations industrielles que nous ayons su, sous tous les gouvernements, mettre en oeuvre en Europe, réunit des sociétés privées - anglaise et allemande - et une société publique française. Cela a-t-il empêché à un quelconque moment nos partenaires de progresser avec nous dans la construction d'Airbus et de continuer, demain, avec une société Airbus, sous prétexte que la partie française était publique ? A l'évidence, non. Il importe avant tout de savoir si la réunion de deux entreprises complémentaires est un bon choix stratégique. Si de telles opportunités se présentent, les constructeurs français, j'en suis sûr, y répondront positivement parce que tel est le bon sens.
Mais ne mélangeons pas les vrais et les faux problèmes. Le vrai problème, c'est celui de l'avenir de notre industrie automobile, des mesures d'âge éventuellement nécessaires, de sa compétitivité et des liens qu'elle peut tisser avec d'autres constructeurs. Ce n'est pas de savoir si le fait que l'Etat détienne 44 % des actions de Renault ferait fuir un quelconque partenaire. S'il s'en présentait un pour s'associer avec PSA, votre argument serait peut-être valable, monsieur le député. Mais tant que ce n'est pas le cas, votre raisonnement ne tient pas. Vous ne ferez croire à personne, bien au contraire, que la garantie que la puissance publique apporte à Renault lui nuit plus qu'elle ne la sert. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Lemoine

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Automobiles et cycles

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 mai 1998

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