Question au Gouvernement n° 674 :
Air France

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Blazy
Val-d'Oise (9e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 3 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, ma question, qui concerne la situation de l'entreprise publique Air France au deuxième jour de la grève décidée par les syndicats de pilotes, s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Dans un contexte fortement concurrentiel, l'entreprise publique Air France, après avoir enregistré des pertes significatives, renoue avec les bénéfices et s'inscrit désormais dans une stratégie de croissance. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Auberger. Ce n'est pas grâce à vous !
M. Jean-Pierre Blazy. Ce redressement demeure fragile et il est indispensable qu'il soit poursuivi.
S'il est souhaitable sur tous les plans que la France gagne la Coupe du monde, il faut sûrement que l'équipe Air France gagne, avec l'adhésion de ses 45 000 salariés, un autre match, celui de l'ouverture prochaine de son capital. L'opération d'ouverture partielle est d'autant plus nécessaire que l'entreprise, qui restera publique conformément aux engagements du Gouvernement, prévoit un important programme d'investissements dans les cinq prochaines années.
Cette stratégie de croissance doit être poursuivie tout en réalisant des économies au sein de l'entreprise nationale. Vous l'avez précisé la semaine dernière, monsieur le ministre, même si des disparités semblent, d'aprèscertaines évaluations, exister entre les salaires des pilotes d'Air France et ceux des pilotes de ses principaux concurrents, le respect des objectifs d'économie ne passe pas que par l'effort sur les salaires.
Soucieux de concertation, vous avez reçu la semaine dernière les représentants syndicaux et, cet après-midi, une rencontre a lieu entre la direction et les syndicats de pilotes. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur ce conflit qui perturbe le fonctionnement de l'entreprise publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. André Santini. Y a-t-il un ministre dans l'avion ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur Blazy, vous avez eu raison de le souligner, des mesures importantes ont été prises depuis un an. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ces mesures permettent aujourd'hui à la compagnie Air France d'envisager l'avenir avec beaucoup de possibilités de développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Elles s'ajoutent notamment aux efforts accomplis depuis 1993 par le personnel d'Air France, ainsi qu'aux mesures de recapitalisation effectuées en 1993 et dont Air France avait bien besoin.
M. Pierre Lellouche. On a tué l'entreprise publique !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il ne s'agit pas de nier tout cela, mais on doit aussi avoir conscience que ces possibilités d'un développement et d'un rayonnement plus important offertes à Air France sont très fragiles. D'une part, l'endettement de la compagnie est encore très élevé et nous ne voulons pas entrer dans une nouvelle spirale du surendettement D'autre part, la compétition est, dans le secteur du transport aérien, très vive.
D'où les propositions du Gouvernement et du président Spinetta...
M. Arthur Dehaine. Il est trop tard !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... pour faire en sorte que, demain, la compagnie soit en mesure de se développer et de rayonner.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les députés, de rappeler les mesures prises depuis un an.
Nous avons, ainsi qu'un représentant des pilotes l'a souligné avant-hier soir à la télévision, réalisé les deux pistes de Roissy en tenant compte des problèmes d'environnement. C'est un atout pour Air France.
Nous avons, ce qui n'avait pu être fait jusqu'alors, signé avec les Etats-Unis un accord qui permet de développer l'activité transatlantique d'Air France.
Nous avons ouvert l'école de formation des pilotes.
Nous discutons, avec mon collègue chargé de la défense, Alain Richard, pour améliorer l'espace aérien civil dans notre pays. Je pourrais continuer l'énumération...
M. Pierre Lequiller. Ce n'est pas la peine !
M. Pierre Lellouche. Vous donnez Air France aux Anglais !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous nous situons dans la perspective du développement de la compagnie en investissant 40 milliards de francs pour 70 avions. Mais cela, mesdames, messieurs de l'opposition, ce n'est sûrement pas votre avis !
M. Franck Borotra. Ca suffit !
M. Christian Jacob. Parlez-en à Bernard Attali !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous avons décidé de ne plus faire de la réduction des effectifs à Air France un cheval de bataille pour accroître l'efficacité de la compagnie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Pierre Lellouche. Voyons, que dites-vous !
M. Jacques Baumel. Oui, mieux vaut vous taire !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Dans les toutes prochaines années, 2 500 emplois supplémentaires peuvent être créés à Air France. Nous pouvons embaucher plus de 600 pilotes, les emplois nets atteignant le chiffre de 400.
M. Franck Borotra. Tiens donc ! Ca suffit maintenant !
M. Pierre Lellouche. Ce sont les Anglais qui vont gagner, voilà tout !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si nous pouvons faire tout cela, et j'en appelle, mesdames, messieurs, au sens de la responsabilité de chacun, c'est à la condition que, demain, Air France ait la possibilité de se développer, de développer l'emploi et de développer les investissements.
M. Pierre Lellouche. Fossoyeur !
M. Charles Cova. Privatisez complètement, ce sera mieux !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il faut que les négociations engagées aujourd'hui aboutissent. J'ai fait des propositions qui reprennent exactement celles du président Spinetta, et qui montrent qu'il y a bien «du grain à moudre».
Je le répète, les efforts à consentir ne doivent pas uniquement concerner les salaires des pilotes: ainsi que vous l'avez reconnu, on peut réfléchir à d'autres propositions, dont la mise en application pourrait être étalée dans le temps, telles que l'instauration d'une grille unique des salaires au lieu de la double échelle existante.
M. Pierre Lellouche. Ca va se terminer comme pour Aeroflot !
M. Charles Cova. Ce sera la faillite !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il y a du grain à moudre !
Mesdames, messieurs, je sais que, si la situation perdurait, cela vous plairait... (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jacques Baumel. Vous êtes un menteur !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. M. Borotra, qui a de l'expérience, doit se souvenir qu'en 1971, sous un gouvernement dirigé par son parti, la grève des pilotes avait duré vingt-cinq jours.
M. Franck Borotra. Vous avez tué Air France !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Quant à moi, je ne me résigne pas à la grève parce que je crois que la France, la compagnie et la Coupe du monde de football ne doivent pas être prises en otage !
M. Franck Borotra. Si elles le sont, c'est à cause de vous !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il faut négocier et il faut déboucher sur un accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, l'Assemblée vient de donner le meilleur d'elle-même. (Sourires.) Je vous suggère donc maintenant de revenir à plus de calme, de part et d'autre.
M. Charles Cova. Il est vrai que ça ne volait pas très haut. (Sourires.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Blazy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : équipement et transports

Ministère répondant : équipement et transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 1998

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